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Le filibuster, obstacle au bon fonctionnement du Sénat ?

La scène de Mr Smith Goes to Washington dans laquelle James Stewart n’entend pas rendre la parole tant qu’il n’a pas fait entendre sa voix rendrait presque sympathique la procédure du filibuster. Jusque dans les années 60, cette procédure n’était utilisée que très rarement et donc n’entravait pas le bon fonctionnement de la chambre. C’est avec les discussions sur les lois pour la conquête des droits civiques qu’elle a commencé à être dévoyée par les démocrates du Sud, les fameux Dixiecrats. Aujourd’hui, il est devenu une pratique très courante, trop courante et paralyse ainsi le vote des lois.

 

À défaut d’avoir fait quelque chose pour rester dans l’histoire, certains sénateurs ont marqué leur nom sur les tablettes pour avoir assuré les interventions les plus longues de l’histoire.

Le record du plus long flibustier revient au sénateur américain Strom Thurmond de Caroline du Sud, qui s’est exprimé pendant 24 heures et 18 minutes contre le Civil Rights Act de 1957. Thurmond a commencé à parler à 20 h 54. le 28 août et a continué jusqu’à 21 h 12. le soir suivant, récitant la Déclaration d’indépendance, la Déclaration des droits, le discours d’adieu du président George Washington et d’autres documents historiques en cours de route.

Evolution du Filibuster depuis 1917

La deuxième plus longue obstruction a été menée par le sénateur américain Alfonse D’Amato de New York, qui a parlé pendant 23 heures et 30 minutes pour bloquer le débat sur un projet de loi militaire important en 1986. D’Amato était irrité par un amendement au projet de loi qui aurait coupé le financement d’un avion d’entraînement à réaction construit par une société dont le siège est dans son état, selon des rapports publiés.

Sénateur de l’Oregon, Wayne Morse a été surnommé “le Tigre du Sénat” en raison de sa tendance à prospérer sur la controverse. Il était connu pour parler quotidiennement jusque tard dans la nuit lorsque le Sénat siégeait. En 1953, il a parlé pendant 22 heures et 26 minutes pour bloquer le débat sur le projet de loi Tidelands Oil.

Le recours à l’obstruction systématique pour retarder ou bloquer l’action sur des projets de loi au Sénat a une longue histoire. Mais contrairement à ce que certains opposés à son abolition voudraient faire croire, il n’a pas été pensé par les Pères fondateurs comme un élément constitutif du fonctionnement du Sénat. En 1805, avant de voter une loi, les sénateurs débattent. Rien de plus normal, mais ce débat peut s’éterniser. Pour l’interrompre, il suffit d’un vote à la majorité simple pour arrêter les discussions et procéder au vote. Mais le vice-président Aaaron Burr – connu pour son duel avec Alexander Hamilton dans lequel ce dernier a perdu la vie – également président du Sénat considéra qu’il fallait pour débattre sans limites. La règle du vote pour interrompre les débats disparut. Mais le sénat de l’époque ne comprenait que 34 sièges.

Venant d’un mot néerlandais signifiant «pirate», le terme de flibustier a été utilisé pour la première fois dans les années 1850 lorsqu’il a été appliqué aux efforts visant à tenir l’hémicycle afin d’empêcher un vote sur un projet de loi. Dans les premières années du Congrès, les représentants, ainsi que les sénateurs, qui étaient moins nombreux qu’aujourd’hui, pouvaient faire de l’obstruction systématique. Cependant, au fur et à mesure que le nombre de représentants augmentait, la Chambre a modifié ses règles en fixant des délais spécifiques aux débats. Mais avec toujours cette possibilité d’obstruction.

En 1917, les sénateurs républicains ne voulaient pas donner de blanc-seing à Woodrow Wilson s’engage dans une procédure d’obstruction sans fin. Il demande alors que le sénat revienne à la règle selon laquelle un débat peut être interrompu par une majorité simple. Les sénateurs s’y opposent et proposent le compromis des deux tiers (soit 60 sénateurs aujourd’hui) pour interrompre le débat.  Autrement dit, 41 sénateurs peuvent s’opposer à présenter une loi dans l’hémicycle. C’est ce que l’on pourrait appeler la tyrannie de la minorité et qui correspond à la situation actuelle.

L ’« option nucléaire »pour mettre fin aux filibusters

La soi-disant « option nucléaire » est une procédure parlementaire controversée qui permet au parti majoritaire au Sénat de mettre fin aux filibusters du parti minoritaire. La procédure permet au Sénat de déroger à la règle des 60 voix requise pour clore le débat à la majorité simple de 51 voix, plutôt qu’au vote à la supermajorité des deux tiers (67 voix) normalement requis pour modifier les règles.

Le terme « option nucléaire » a été inventé par l’ancien chef de la majorité républicaine au Sénat, Trent Lott, en 2003, lorsque les démocrates ont menacé un filibuster pour bloquer plusieurs des candidats du président George W. Bush. Les républicains ont discuté de l’invocation de la décision parlementaire car, comme une explosion nucléaire, elle ne peut plus être contrôlée une fois qu’elle est déclenchée. Elle a été utilisée très rarement. En novembre 2013, les démocrates du Sénat dirigés par Harry Reid l’ont actionné pour mettre fin à un flibustier républicain qui retardait les nominations au pouvoir exécutif et à la magistrature fédérale du président Barack Obama. En 2017 et à nouveau en 2018, les républicains du Sénat dirigés par Mitch McConnell ont utilisé l’option pour empêcher les filibusters démocrates des candidats à la Cour suprême du président Donald Trump, Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh. En novembre 2020, un vote à la majorité des trois cinquièmes est toujours nécessaire pour mettre fin aux filibusters sur la législation ordinaire.

A chaque nouvelle mandature correspondant à l’élection présidentielle, la question est remise sur le tapis, sans grand succès. Le 117e Congrès ne fera sans doute pas exception. Et les sénateurs républicains n’hésiteront pas à utiliser le filibuster pour bloquer les réformes que les démocrates et Joe Biden ont en projet.

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