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Zemmour, Trump et Biden sont dans un bâteau

« Comparaison n’est pas raison » dit-on couramment signifiant qu’une comparaison ne prouve rien ou pas grand-chose. Et pourtant, nous employons cette figure de rhétorique à tour de bras. Dans l’émission Nouvel Esprit public du 25 septembre traitant de la Réaction et de l’Accord tripartique entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, le moyen a été utilisé : Sur le premier sujet, Zemmour c’est Trump, sur le second, Biden c’est Trump, à quelques différences ou nuances près.

Zemmour et Trump même combat ?

Dans la première partie de l’émission sur la « Réaction est-elle en marche ? », c’est Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova qui s’est aventuré dans cette comparaision certes hasardeuse mais qui n’est pas sans intérêt si l’on (notamment les médias mais ses adversaires politiques) souhaitent ne pas refaire les mêmes erreurs qui ont abouti à l’élection de Donald Trump en novembre 2016.

Parmi les points communs, Eric Zemmour a été et est toujours largement soutenu par une chaîne d’information, CNews pour la nommer comme Fox News pour Trump. Face à Trump, la télévision a joué un rôle dangereux dans le sens où elle a exploité le filon qui générait beaucoup d’audience sans se rendre compte qu’elle renforçait le personnage dans l’opinion publique. « It May Not Be Good for America, but It’s Damn Good for CBS » avait déclaré Leslie Moonves le président de la chaîne. Il avait été calculé que la couverture médiatique du candidat Trump représentait quelque 2 miliards de dollars de publicité politique payante. Peu importe l’outrance du discours, la présence a renforcé une image qui était déjà bien installé dans l’opinion américaine.

Alors qu’il rencontrait des difficultés dans son activité de promoteur immobilier, Donald Trump a signé un contrat salvateur avec la chaîne NBC. Donald Trump y joua le rôle d’un patron qui a tout réussi – l’image remplace alors une réalité bien différente, une caractéristique qui deviendra une marque de fabrique et qui a été baptisée les faits alternatifs – et qui prodigue des conseils après un entretien d’embauche constitué d’épreuves concrètes à plusieurs postulants, les élimine un par un pour et propose au dernier en course un poste au sein de son entreprise « virtuelle ». Cette émission a rendu célèbre quelques postulants et donné un quart d’heure de célébrité à nombre d’autres, mais elle a aussi conforté l’image de Donald Trump au fil des 14 saisons qu’a duré l’émission. Déjà, le népotisme était largement activé avec la participation de Donald Jr, Eric et Ivanka. Un avant-goût de ce qui allait se passer quelques années pus tard à la Maison Blanche.

Eric Zemmour avait déjà une présence médiatique forte dans différentes émissions – Zemmour et Nauleau sur Paris Première, ONPC animé par Laurent Ruquier sur la chaine publique France 2. CNews lui a ensuite fait un pont d’or en lui offrant l’antenne tous les soirs avec des faire-valoir autour de lui. De nombreux spécialistes et experts se sont alors essayés à débattre avec l’essayiste. Contrainte de décompter le temps de parole de l’éditorialiste à la mi-septembre, la chaîne de Vincent Bolloré, qui espérait pourtant le maintenir à l’antenne, a fait machine arrière en le remplaçant par d’autres animateurs. Mais n’était-il pas trop tard ? Eric Zemmour, toujours candidat virtuel et fort d’un talent médiatique évident, s’était implanté dans l’esprit des Français, ou tout au moins de nombre d’entre eux. La zemmourisation des esprits a remplacé la lepennisation (le père) des esprits.  

Autre caractéristique entre les deux personnages, la pratique des propos déjantés, sans aucunes limites (« Pétain a sauvé des milliers de juifs ! »), et la posture victimaire. Par exemple, le dernier reportage de l’hebdomadaire Paris Match avec des photos volées (on non) et un article très complaisant. Cela n’empêche pas le futur candidat de menacer de porter plainte d’attaquer en justice l’hebdomadaire. Il est partout, sature les ondes audiovisuelles et télévisuelles, et pourtant se prétend baillonné.

Eric Zemmour n’est-il pas un Jean-Marie Le Pen bis ? Tout simplement. Rappelons-nous les outrances du « père spirituel » du futur candidat : Les chambres à gaz sont un “détail” de l’histoire de la seconde guerre mondiale ; 2 millions d’immigrés = 2 millions de chomeurs ; la véritable invasion qui est en train de se produire dans notre pays, la constitution de villes étrangères ; L’abaissement des règles morales est une constante d’une société décadente, et je crois que la pédophilie, qui a trouvé ses lettres de noblesse… interdites, mais tout de même, dans l’exaltation de l’homosexualité, met en cause toutes les professions qui approchent l’enfance et la jeunesse ; Mais ils n’ont pas le même âge biologique (Européens et Africains), ni le même âge mental, ni le même niveau de connaissance et d’éducation… Et la liste n’est pas close.

Zemmour se présente différent des politiques habituels et professionnels, tout comme Donald Trump. Le premier vend des livres, le second son nom comme une marque. Mais tous les deux côtoient les politiques depuis des décennies, le premier en tant que journaliste, le second que promoteur immobilier. Il n’est donc pas dans le monde politique mais en connaît aussi bien les codes et les travers.

Pour arriver au pouvoir, Donald Trump a été obligé de participer à la longue procédure de la primaire républicaine contre 16 autres candidats mais pas de soumettre aux règles habituelles, attaquant ses principaux adversaires en dessous de la ceinture.

Pendant les primaires, le parti républicain a fait tout ce qu’il a pu pour freiner la candidature de Donald Trump. Jusqu’au point de non retour où il a bien été forcé de reconnaître le vainqueur. Le parti s’est alors constitué en deux camps, les Never Trumpers, très peu nombreux, et les soutiens du candidat républicain, la plus grande partie. Fort d’un soutien populaire très fort, Donald Trump a été – et est toujours – en mesure de prendre les élus en tenaille et de les menacer de placer un concurrent républicain lors des prochaines primaires. Il promeut Harriet Haberman dans les prochaines primaires pour les élections des midterms contre Liz Cheney, la représentante du Wyoming.

Eric Zemmour devra prendre un autre chemin en raison de notre système politique très différent. Jusqu’ici, il joue les rôles de trublion et de disrupter en essayant d’imposer ses deux idées, l’immigration et le grand remplacement d’un côté et le combat contre l’islam de l’autre. Il a plutôt bien réussi puisque beaucoup de candidats se sont crus obligés de reprendre ses thèmes et de durcir leurs positions. Fort de sa montée dans les sondages, il va essayer de briser le parti LR en appelant à lui les plus à droites. S’il y arrivait, il pourrait alors jeter le coup de grâce sur le RN dont nombre de militants ont de sérieux doutes sur la capacité de leur leader à remporter l’élection.

Tous les deux sont certainement adeptes de la citation que l’on attribue souvent à Léon Zitrone : « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi ! ». Dans ce domaine, Eric Zemmour a sans doute encore à apprendre de son maître qui n’avait pas hésité à appeler les journaux sous une fausse identité pour qu’on parle de lui.

A la suite de l’affaire des sous-marins australiens, Jean-Yves Le Drian n’avait-il pas dénoncé « une méthode Biden qui ressemble à celle de Trump, sans les tweets et avec une forme de déclaration solennelle assez insupportable ». Biden c’est Trump sans les tweets, la formule, est bonne mais excessive et doit être mise sous le coup de la colère du ministre des Affaires étrangères. Ceux qui avait accueilli l’élection de Joe Biden comme le début d’un revirement complet de la politique étrangère américaine en sont donc pour les frais. Et s’ils sont déçus, ce n’est pas tant du fait du nouveau président que de leur mauvaise appréciation de la situation.

Pour Nicole Gnesotto, titulaire de la chaire « Union Européenne » au Cnam, la méthode Biden s’inscrit dans la continuité d’un tournant pris par Barack Obama avec son fameux Pivot et partage trois points de la politique étrangère de Donald Trump. D’abord, démocrates comme républicains partagent ce qu’elle qualifie « d’obsession chinoise ». Donald Trump avait une vision commerciale fondée sur une politique de sanctions, Joe Biden a une vision plus globale et stratégique. Le terme obsession est excessif comme si l’expansionnisme de la Chine n’était pas préoccupant. Le second concerne « l’unilatéralisme même si les démocrates prônent le multilatéralisme. Biden n’a jamais parlé à ses alliés ». Ce n’est pas exact puisqu’il a parlé à ses alliés de l’anglosphère et que nous faisons les frais de ce choix sélectif. Enfin, le troisième point concerne « l’amateurisme » de l’équipe actuelle alors que Joe Biden avait soi-disant une longue expérience de la diplomatie en tant que vice-président de Barack Obama pendant 8 ans et que membre de la commission des affaires étrangères du Sénat. Certes, le président comme son ministre des Affaires étrangères ont été pris de court sur l’effondrement de l’Afghanistan, peut-être un manquement des services de renseignement mais il a quand même réussi le tour de force, dans des conditions chaotiques, à faire un pont-aérien permettant d’évacuer plus de 120 000 personnes en 15 jours.

Concernant la forme, certains commentateurs ont expliqué que l’annonce soudaine faite par Joe Biden avec ses alliés Boris Johnson et Scott Morrison visait à surprendre la Chine et créer un effet de sidération. Par ailleurs, Joe Biden sait bien qu’il n’a peut-être pas beaucoup de temps devant lui. Car les prochaines midterms donneront peut-être le Congrès aux républicains qui s’attacheront à l’empêcher de prendre une quelconque initiative.

On peut comprendre que cette brutalité du président actuel lors de ces deux événements majeurs – retrait de l’Afghanistan sans concertation des alliés et création de l’AUKUS – pourrait conduire à une équivalence entre les deux présidents. Mais là, la comparaison n’irait pas très loin. Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Le Temps considère à juste titre que comparer Biden à Trump est extrêmement sévère pour le premier, tant sur le plus intérieur qu’extérieur et aussi sur celui de la personnalité. Pour mémoire, Donald Trump a été le seul président de l’histoire des Etats à avoir subi la procédure d’impeachment à deux reprises et à avoir fomenté un coup d’état (le mot n’est pas trop fort). A côté, Joe Biden serait un enfant de chœur.  

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