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Vive le mensonge et vive la crise !

Après avoir fait appel à une call girl aux frais de l’entreprise pour des services n’ayant aucun rapport avec l’activité de l’entreprise et dissimulé les notes de frais afférentes, Mark Hurd a été démissionné par le conseil d’administration d’HP et est parti avec un pactole de 34 millions de dollars. Au lieu de se faire oublier quelque temps, il s’est fait embauché par Larry Ellisson qui en profitait pour faire un joli pied de nez à HP, le patron d’Oracle ayant déclaré que ce licenciement a été la plus grosse bêtise depuis qu’Apple avait limogé Steve Jobs.

HP a riposté immédiatement en engageant une action juridique contre Mark Hurd arguant du fait qu’il ne pouvait logiquement exercer son activité sans divulguer des informations confidentielles. « Malgré avoir été payé des millions de dollars en salaire, actions et stock options en échange d’un contrat de confidentialité afin de protéger des informations confidentielles et des secrets industriels pendant son mandat (…) Mark Hurd met ces informations en péril ».

Dans l’introduction de la plainte (Pour accéder au document), les cabinets d’avocat chargé de cette affaire citent un article du magazine Computerworld selon lequel « le fait qu’Oracle embauche quelqu’un connaissant finement  la stratégie d’HP, ses marchés et ses clients est un avantage important ». Un analyste indépendant, également cité dans l’article, considère que « connaître les comptes Sun qui seront en priorité visés par HP et ceux qui sont les plus vulnérables parmi les grandes entreprises pourra être très utile ».


L’affaire de Mark Hurd est symptomatique d’un comportement de pratiques qui semblent malheureusement se généraliser ; Dans un climat qui, crise ou pas crise, leur est toujours plus favorable. Le rapport que vient de publier l’Institute for Policy Studies intitulé Executive Excess 2010 : CEO Pay and the Great Recession ne peut que laisser perplexe. Selon cette étude, les CEO des 50 entreprises qui ont licencié le plus ont, malgré la crise, empoché 12 millions de dollars en 2009, soit 42 % de plus que la moyenne des émoluments reçus par les CEO des 500 entreprises du S&P. Et Mark Hurd fait parti de ce groupe d’ « élite ». Selon le magazine Forbes, les 500 premières entreprises américaines ont supprimé près de 700 000 emplois entre novembre 2008 et avril 2010. Plus des trois-quarts de ces licenciements – 530 000 exactement – sont le fait de 50 entreprises. Les opérateurs télécom ont été particulièrement « actives » avec près de 44 000 licenciements par AT&T, Verizon et Sprint Nextel.

« Je suis étonné de voir que toutes ces affaires ignorent le fait c’est un type qui a décidé de la suppression de 30 000 emplois ces dernières années, tout en empochant quelque 20 millions de dollars chaque année », expliquait Sarah Anderson, auteur de l’étude (cité par Bill Snyder dans un article du magazine Infoworld intitulé Take a lesson from Hurd: It pays to break the rules when you’re the boss.

La grande majorité des entreprises (72 %) ont annoncé des suppressions d’emplois massives au  moment où elles annonçaient des bénéfices largement positifs, rapporte l’étude qui confirmerait l’idée que, pendant la Grande Récession qui secoue les Etats-Unis, « les grandes entreprises réduisent les effectifs pour doper les résultats financiers et continuer à payer grassement les CEO ».

Certes, les revenus des CEO des 50 plus grandes entreprises américaines ont légèrement  régressé en 2009 (de 9,2 M$ en moyenne en 2008, ils sont tombés à 8,5 M$ en 2009), mais ils n’ont fait qu’augmenté régulièrement sur le long terme : x2 par rapport à 1990, x4 par rapport à 1980 et x8 sur l’ensemble du 20e siècle.  A l’inverse, les salariés ont vu leurs revenus baissé depuis 1970. A cette époque, rappelle l’étude, le rapport entre le salaire moyen et celui des CEO était de 30, aujourd’hui il serait de 263.

Mais peut-être plus grave, HP symbolise une autre tendance plutôt fâcheuse selon laquelle les entreprises trouvent tous les moyens pour ne pas payer les taxes qu’elles devraient payer. Selon les règles financières actuelles, les entreprises américaines doivent payer 35 % de taxes sur leur profit. Sur les 50 entreprises qui ont licencié le plus, 2 seulement se sont acquitté de ce taux et la plupart ont payé largement moins selon  une analyse de l’Institute for Policy Studies. En 2005, HP avait payé 47 millions de dollars d’impôts sur les bénéfices, soit environ 2 % du bénéfice net, très loin des 35 % réglementaires. Comme de nombreuses sociétés, HP est enregistré depuis 1988 en tant que société commerciale dans le Delaware, un état qui joue un peu le rôle de paradis fiscal aux Etats-Unis. Plus de la moitié des 500 plus grosses fortunes et plus de 40 % des sociétés cotées à la Bourse de New York y sont domiciliées.

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