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Une nation d’immigrants

En 1958, il y a plus de 60 ans, John Kennedy, alors sénateur du Massachusetts, se voit proposer par l’Anti-Defamation League[1] de réfléchir à la question de l’immigration. Une réflexion qui donnera matière au document Une nation d’immigrants que l’éditeur HarperCollins a eu la bonne idée de publier à nouveau dans un petit ouvrage de poche.

Ce qui frappe avant tout en lisant ce petit texte de 70 pages est l’optimisme qu’il diffuse et qui fait contraste avec le discours ambiant, très sombre et anxiogène, fondé sur des contre-vérités, véhiculé par le président actuel.  Est-ce cela correspond à deux époques, l’une, les années 60, pleine de confiance dans l’avenir et, celle d’aujourd’hui, saturée de désespérance.

 

Ces Etats sont le plus ample des poèmes,
Ici n’est pas seulement une nation, mais une Nation grouillante de nations
Walt Whitman

John Kennedy le rappelle. Si les Etats-Unis sont bien une « teeming Nation of nations » (Une Nation grouillante de nation), l’immigration n’a pas été un long fleuve tranquille et il y a eu de nombreuses forces qui, à toutes les époques, se sont élevées contre cette « invasion » : les nativistes, le KKK (Ku Klux Klan), les Know nothings, les lois infamantes antijaponaises ou antichinoises… Et les arguments avancés qui ont en particulier été utilisés pour la loi de 1924 ne semblent pas beaucoup avoir changé et restent d’actualité, même si certains sont liés à la période historique :

  1. L’isolationnisme de l’après-guerre ;
  2. la doctrine de la prétendue supériorité des « races » anglo-saxonnes et teutonnes ;
  3. La peur que la main-d’œuvre pauvre » ne fasse baisser le niveau des salaires ;
  4. L’idée que les habitants de certains pays étaient moins respectueux des lois ;
  5. La crainte des idéologies étrangères et de la subversion ;
  6. La peur que l’arrivée de trop de personnes aux coutumes et aux habitudes différentes ne sape l’ordre social et l’unité nationale.

De même, les raisons qui poussent les immigrants à venir en Amérique n’ont, elles non plus pas trop changés : La persécution religieuse, l’oppression politique (et sa version extrême qui est la guerre) et les difficultés économiques.

Dans sa déclaration de candidatures, Donald Trump a d’emblée inscrit ce problème de l’immigration en utilisant des arguments bien plus radicaux :

« When Mexico sends its people, they’re not sending their best. They’re not sending you. They’re not sending you. They’re sending people that have lots of problems, and they’re bringing those problems with us. They’re bringing drugs. They’re bringing crime. They’re rapists. And some, I assume, are good people ».

Le nom « Amérique » fut donné à ce continent par un cartographe allemand, Martin Waldseemüller, en l’honneur d’un explorateur italien, Americo Vespucci.

Comment en est-on arrivé là ? La situation des années 60 était-elle à ce point enviable ? Pas si sûr !

« Les années 60 ne sont pas que des années de prospérité, ce sont aussi des années de colère et de soulèvements », nous rappelle Laurent Gaudé dans la préface du livre.

« La seule chose que nous devons craindre est la crainte elle-même » avait déclaré Franklin Roosevelt et cette crainte de l’étranger est totalement absente du livre de JFK.

John Kennedy propose une description détaillée des différentes vagues migratoires et montre les problèmes qu’elles n’ont pas manqué de générer. « De toute évidence, l’immigration n’était pas toujours une expérience heureuse », écrit-il. Il rappelle que les Irlandais furent les premiers à subir le « mépris et la discrimination qui devaient être par la suite infligés, jusqu’à un certain point, à chaque vague d’immigrants par les « Américains » déjà installés ».

Concernant la contribution des immigrés, JFK reprend une citation d’Oscar Handlin : « Avant j’envisageais d’écrire une histoire des immigrés en Amérique. Puis, j’ai découvert que les immigrés étaient l’histoire de l’Amérique ».

Alors, en bon démocrate, John Kennedy est-il favorable à l’ouverture totale des frontières ? « Bien sûr, il y a des raisons légitimes de limiter l’immigration. Nous n’avons plus besoin de pionniers ». Ce sont les idées qu’il a défendues, mais qu’il n’aura pas le temps de mettre en œuvre en tant que président, assassiné le 22 novembre 1963. C’est donc son successeur, Lyndon Johnson, qui signera l’Immigration and Nationality Act de 1965.

 

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[1]
L’Anti-Defamation League est une organisation non gouvernementale fondée par l’organisation B’nai B’rith aux États-Unis dont le but premier est de soutenir les Juifs contre toute forme d’antisémitisme et de discrimination, par tous les moyens légaux possibles et des campagnes d’information et de sensibilisation. Ses statuts précisent qu’elle « combat l’antisémitisme et toute forme d’intolérance, défend les idéaux démocratiques et sauvegarde les droits civiques pour tous ». L’ADL est fondée par Sigmund Livingston en 1913 en réponse à l’arrestation en Géorgie de Leo Frank. Condamné à mort puis gracié par le gouverneur, convaincu de son innocence, Léo Frank est lynché par des habitants de Marietta.

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