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Que sont devenus les républicains ?

Malgré son inexpérience politique, Donald Trump a su imprimer sa marque sur le parti républicain et le transformer en une association de dévots et d’adulateurs que l’on pourrait baptiser Trumpoblican Party. Qui n’a pas grand-chose à voir avec le GOP et surtout avec le parti d’Abraham Lincoln. Un véritable tour de force que l’on ne peut que saluer. Qu’est-ce qui à rendu possible le phénomène selon lequel les Never Trumpers, si nombreux quelques semaines avant les élections, soient devenus les plus fervents et inconditionnels supporters du nouvel hôte de la Maison-Blanche ? On peut d’ailleurs penser que le phénomène inverse se produise en septembre et octobre prochains si les sondages donnent la bataille perdue pour Donald Trump et un avantage insurmontable à Joe Biden ? On le sait, Donald Trump demande une loyauté sans faille à tout son entourage qu’il impose par la peur. C’est d’ailleurs le titre du livre de Bob Woodward qui détaille les mécanismes mis en œuvre par le président pour arriver à ses fins. On se souvient aussi de l’échange entre James Comey et Donald Trump duquel l’ex-directeur s’était échappé et qui avait accéléré sa destitution.


In a Private Dinner, Trump Demanded Loyalty. Comey Demurred

The president then turned the conversation to whether Mr. Comey would pledge his loyalty to him.
Mr. Comey declined to make that pledge. Instead, Mr. Comey has recounted to others, he told Mr. Trump that he would always be honest with him, but that he was not “reliable” in the conventional political sense.
By Mr. Comey’s account, his answer to Mr. Trump’s initial question apparently did not satisfy the president, the associates said. Later in the dinner, Mr. Trump again said to Mr. Comey that he needed his loyalty.
Mr. Comey again replied that he would give him “honesty” and did not pledge his loyalty, according to the account of the conversation.
But Mr. Trump pressed him on whether it would be “honest loyalty.”
“You will have that,” Mr. Comey told his associates he responded
(Source : New York Times)


Lundi dernier, Donald Trump a franchi un nouveau pas dans le monde de l’absurde et de l’infâme. Après un discours dans lequel il menaçait de faire appel à l’armée pour « dominate the street », il a fait évacuer les alentours de Maison-Blanche, plus précisément le parc Lafayette, à grand renfort de gaz lacrymogène avant même que le couvre-feu soit en action, pour aller se rendre à l’église St-John, baptisée l’église des présidents, pour une opération de propagande photos baroques : Donald Trump ne semble pas savoir trop comment tenir et montrer la Bible : comme un haltère, un paquet de farine ou encore un verre de bière. On se demande d’ailleurs, s’il n’avait pas été plus approprié prendre la Constitution des États-Unis, le document est beaucoup moins lourd. Evidemment, l’objectif était de rallier les évangélistes, donc la Constitution ne sert pas à grand-chose. Cette séquence, à tout le moins embarrassante, n’a suscité aucun commentaire chez les élus républicains.

 

 

Elle nous amène au sujet de cet article : Comment les républicains ont-ils pu en arriver là ? Dans un article publié par le magazine The Atlantic intitulé History Will Judge the Complicit, Anne Appelbaum, senior fellow de l’Agora Institute à la Johns Hopkins University, tente d’expliquer le phénomène en posant la question : Why have Republican leaders abandoned their principles in support of an immoral and dangerous president? (sur le même sujet, lire l’article  de Charles Sykes intitulé The Strange Case of Ron Johnson |From champion of the IGs to crocodile tears).

Pour alimenter son propos, elle propose une comparaison entre Wolfgand Leonahard et Markus Wolf d’un côté et entre Lindsey Graham et Mitt Romney de l’autre. Wolfgand Leonahard et Markus Wolf ont eu la même éducation, le même parcours et soudain le premier décide de rompre avec le système alors que l’autre ne sourcille à aucun moment et reste un ardent défenseur du régime. En fait, elle raconte le moment, trivial précise-t-elle, qui aurait fait basculer le premier. En 1949, alors qu’il entre dans le bâtiment de comité central pour la première fois, il demande à un camarade où se trouve le restaurant. « tout dépend du billet dont tu disposes » lui répond-il car à différents billets correspondent différentes salles de restaurant. « Mais ne sommes-nous pas tous membres du parti, questionne-t-il, sans doute un peu naïveté ayant crû aux idées égalitaires professées officiellement par le régime Est-allemand.

Les deux hommes ont bien compris la différence existante entre la propagande et la réalité, mais ils en tirent des conclusions très différentes : le premier devient un « collaborateur » enthousiaste et le second ne supporte de trahir les idées et les valeurs auxquelles il croit. Leohnard émigra aux États-Unis et enseigna à Berlin Ouest, Oxford, Columbia University et Yale. George W. Bush qui suivit son cours dans les années 80 le décrivit comme une introduction sur la lutte entre la tyrannie et la liberté.

On le sait le mot collaborateur a une double signification rappelle Anne Appelbaum : le plus courant désigne tout simplement un collègue et est relativement neutre, le second véhicule l’idée de collaborer avec l’adversaire, qu’il soit interne ou étranger. Le sociologue Stanley Hoffman les divise en collaborateurs volontaires et involontaires. Parmi les premiers, il y a encore deux catégories : ceux qui travaillent avec l’ennemi parce qu’ils pensent qu’ils pourront minimiser les conséquences et ainsi préserver l’intérêt général et ceux qui parce qu’ils partagent les mêmes idées ou pourront tout simplement acquérir une partie du pouvoir.

Lindsey Graham, sénateur républicain, a servi dans les années 80 dans l’U.S. Force comme avocat des tribunaux militaires. Il était alors basé en Allemagne de l’Ouest en pleine guerre froide. Il a servi ensuite comme officier de réserve et est allé à plusieurs reprises en Irak et en Afghanistan. Il était un des plus proches amis de John McCain et un temps un fort critique du candidat puis du président qu’il avait qualifié de « jackass, nutjob, race-baiting, xenophbic, religious bigot ». On peut être facilement plus aimable. En mars 2016, il déclara « If we Republicans choose Donald Trump as our nominee, the prospects for a safe and prosperous future are greatly diminished ». On ne saurait être plus clair.

Mitt Romney a fondé Bain Capital avant de devenir PDG de la maison-mère Bain Capital. Il s’est ensuite lancé dans la politique et fut élu gouverneur du Massachusetts en 2002. Pendant son mandat, il passa une réforme d’assurance maladie qui avait servi de modèle à la réforme proposée par Barack Obama. Il a eu des mots tout aussi durs contre Donald Trump en le qualifiant de : « the bullying, the greed, the showing off, the misogyny, the absurd third-grade theatrics, a con man and a fraud ». Pas très gentil non plus.

Lindsey Graham et Mitt Romney ont, tous deux, eu des ambitions présidentielles. Mitt Romney a été le candidat républicain en 2012, mais a perdu face à Barack Obama. Lindsey Graham a déclaré avoir voté pour le candidat indépendant Evan McMullin, Romney n’a pas soutenu le candidat Trump.

Donald Trump est devenu président. Linsey Graham est devenu un de ses plus ardents supporters (on ne sait pas s’il le laisse gagner quand il joue au golf avec lui) et Mitt Romney est reste très critique. Le problème est que Lindsey Graham est largement entouré, Mitt Romney est seul.

Et pourtant, dès son discours d’investiture, Donald Trump n’a pas caché le président qu’il allait être. Dans son discours d’inauguration, il est allé jusqu’à décrire Washington, symbole du gouvernement, comme l’establishment qui en a profité en détriment du peuple. « Their victories have not been your victories (…) Their triumphs have not been your triumphs ». Et dès le lendemain, il a commencé ses mensonges à répétition en affirmant que la foule venue le voir était plus nombreuse que celle ayant assisté aux discours d’inauguration de Barack Obama. Un sujet trivial s’il en est et pourtant, la machine était en marche.

Ce glissement, explique Anne Appelbaum, s’effectue par petites touches, c’est un processus lent, à petits pas, qui permet à ceux qui suivent ce chemin de s’y habituer progressivement. Pour arriver en bout de course, à un soutien massif, inconditionnel et constant. De telle sorte qu’ensuite, il est difficile de faire marche arrière car c’est se désavouer en totalité.

Et les choses sont allés très vite. La nomination d’un cabinet rempli de milliardaires et de lobbyistes, ceux-là mêmes qu’il pourfendait dans ses discours. Nombre d’entre eux ont dû démissionner pour corruption (qui se souvient de Scott Pruit, Tom Price, Alexander Acosta, David Shulkin…). Puis l’arrivée des l’équipe Steve Bannon défenseur du « national conservatism » et chargé de rationaliser et de donner une forme idéologique le comportement de Donald Trump : « anti–Wall Street, anti-foreign-wars, anti-immigration alternative to the small-government libertarianism of the establishment Republican Party ». Avec le slogan « Drain the Swamp ». Et le reste est allé crescendo jusqu’à la gestion catastrophique de l’épidémie et, tout récemment, de la crise raciale à la suite du meurtre de George Floyd par un policier blanc.

Aujourd’hui, Donald Trump a mis une main de fer sur le parti, qui est désormais dévoué corps et âme au président. Mais à supposer que le vent tourne, seront-ils prêts à couler avec leur nouveau maître ou essayeront-il de changer casaque pour essayer de sauver ce qui pourra l’être ? Cette hypothèse n’est pas à exclure étant donné la situation dans laquelle se trouvent actuellement les États-Unis. Comme le faisait remarquer un analyste politique, cette élection associera 1974 avec la crise du Watergate, 1918 avec la crise espagnole et 1929 avec la Grande dépression. On espérant qu’il n’y aura pas d’autres dates à égrener pour décrire les circonstances actuelles.

Comme le faisait remarquer Michael Hayden, l’ancien directeur de la CIA, sur CNN : « après quatre ans de Trump, il sera possible de retrouver une situation normale, après huit ans, les Etats-Unis seront un autre pays ».

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