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La Grande Muette américaine devient bavarde

Il faisait partie de ceux qu’on appelait les adultes, ceux qui étaient censés contrôler Donald Trump et lui faire entendre raison. De son côté, le président les appelait « my general », comme s’ils étaient des membres du personnel de son entreprise à son service.  Les autres adultes généraux sont également partis : John Kelly, chief of Staff, H. R. McMaster, National security adviser. Il faudrait ajouter Michael Flynn, National security adviser mais celui-ci fut obligé de démissionné quelques jours seulement après sa nomination. Et il est certain qu’il ne fait pas partie du même groupe. Il avait déjà été « licencié » par Barack Obama.

L’armée américaine devant le Lincoln Memorial : fiction ou réalité ?

Jim Mattis avait démissionné, car au motif qu’il ne soutenait pas la décision prise alors par Donald Trump de simplement laisser tomber les Kurdes. Sa lettre de démission était un modèle de retenue et de décence. Retenu dont il a fait preuve depuis départ de la Maison-Blanche fin 2018 et qu’il a gardé même à l’occasion de la publication de ses mémoires. Avec l’idée qu’on ne critique pas un président en exercice par principe et par pragmatisme, car cela ne peut que lui compliquer la tâche.

Il vient de publier une tribune dans le magazine The Atlantic qui ne laisse place à aucune interprétation tant l’expression est claire et limpide :

« Donald Trump is the first president in my lifetime who does not try to unite the American people -does not even pretend to try. Instead he tries to divide us. We are witnessing the consequences of three years of this deliberate effort. We are witnessing the consequences of three years without mature leadership.We can unite without him, drawing on the strengths inherent in our civil society. This will not be easy, as the past few days have shown, but we owe it to our fellow citizens; to past generations that bled to defend our promise; and to our children. »

On se souvient que lors d’une réunion du cabinet (équivalent au conseil des ministres), il avait été le seul – avec un ou deux autres membres comme Rex Tillerson, Secretary of State, et Dan Coats, directeur du renseignement national – à garder un minimum de décence en ne tombant pas la flatterie obséquieuse vis-à-vis du président.

Lors de sa nomination, Donald Trump n’avait que des propos dithyrambes comme il sait le faire pour James Mattis.

Opinion qu’il a évidemment changée pour une attaque ad personam comme il en a l’habitude.

Mais il restera de tout cela que la critique de James Mattis pourrait bien constituer une première qui en appellera bien d’autres et faire tomber comme un château de cartes tout un système de relations. Surtout si les élections ne se présentent pas au mieux.

Dans la foulée, Mike Mullen, ancien Chef d’État-Major des armées (Chairman of the Joint Chieffs of Staff) de 2007 à 2011 a emboîté le pas avec une tribune (I Cannot Remain Silent) tout aussi critique du président. « I have to date been reticent to speak out on issues surrounding President Trump’s leadership, but we are at an inflection point, and the events of the past few weeks have made it impossible to remain silent ». Il n’hésite pas à parler d’ « Institutional racism » et de « police brutality and sustained injustices against the african-american community », des problèmes endémiques de la société américaine.

Donald Trump a invoqué l’Insurrection Act de 1807. La situation ne le justifie pas considère Mike Mullen. « I remain confident in the professionalism of our men and women in uniform », explique-t-il mais « But I am less confident in the soundness of the orders they will be given by this commander in chief ».

C’est ensuite au tour de John Allen, un général quatre étoiles qui a entre autres commandé les troupes américaines en Afghanistan, d’appuyer les propos de ses pairs avec une tribune (A Moment of National Shame and Peril – and Hope) dans le magazine Foreign Policy qui commence sans ambiguïté : « The slide of the United States into illiberalism may well have begun on June 1, 2020. Remember the date. It may well signal the beginning of the end of the American experiment ». Le 1er juin c’est le jour où Donald Trump critique les gouverneurs et les maires de ne pas contrôler les émeutes (comme ils ne contrôlaient pas l’épidémie) et où il menace de faire appel à l’armée pour attaquer les citoyens américains. Pour John Allen, Donald Trump est incapable de reconnaître les maux de la société américaine : « systemic racism and inequality, a historic absence of respect, and a denial of justice ». Le 1er juin est donc un jour de honte et de danger mais aussi un jour d’espoir : So mark your calendars—this could be the beginning of the change of American democracy not to illiberalism, but to enlightenment. But it will have to come from the bottom up. For at the White House, there is no one home. Mais il va sans dire que cet espoir ne pourra pas se faire avec le Commander in Chief actuel.

Puis ce fut au tour de John Kelly, l’ancien directeur de cabinet de Donald Trump, d’apporter son soutien à James Mattis dans une interview au Washington Post dans laquelle il rappelle que James Mattis a bien démissionné et non été débarqué par Donald Trump, que c’est un « honorable man ». John Kelly avait déjà fait part de ses critiques sur Donald Trump dans une longue interview en février dernier (John Kelly Finally Lets Loose on Trump) au magazine The Atlantic. Il faudrait aussi mentionner la voix du Général Barry McCaffrey dans une interview à la chaîne MSNBC, un peu plus contrastée qui demande aux militaires de rester en dehors de la politique.

Toutes ses voix provenant de personnes respectées par beaucoup comptent, mais les détracteurs diront qu’elles proviennent toutes de retraités. Sans aucun doute. Mais le propre ministre de la Défense, Mark Esper a lui aussi déclaré qu’il ne soutenait pas l’utilisation de la force armée pour contrôler les manifestations actuelles. Il est fort probable que ses jours comme Secretary of Defense sont comptés.

Ces condamnations par les militaires ont-elles trouvé un écho chez les politiques ? La réponse est simple : non. Car en dehors de Mitt Romney, très seul chez les sénateurs républicains traditionnels antitrump, et de Lisa Murkowski qui, de temps en temps, hausse le ton pour ensuite rentrer dans le rang, il n’y a pas grand monde. La raison de cette timidité et de cette retenue à critiquer le chef est tout simplement qu’il ne le tolère pas. D’ailleurs, concernant cette dernière, les représailles ne se sont pas fait attendre dans un tweet menaçant. A bon entendeur !

Des actions extrêmes dignes du Milieu.

 

 

 

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