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L’offshore s’invente dans la campagne présidentielle

Reshoring : Le terme n’est pas encore passé dans le langage courant. Et pour cause, il ne correspondait jusqu’ici à aucune réalité et n’avait donc qu’utilité théorique. Alors que la campagne commence à faire rage entre Mitt Romney et Barack Obama, le sujet de l’offshore s’est largement invité dans le débat. Une des raisons est le clip vidéo que vient de diffuser Barack Obama sur les ondes dans lequel il rappelle le rôle de MR au sein de Bain capital. Grosso modo, MR, CEO de Bain capital s’est enrichi sur le dos des travailleurs en conseillant les entreprises à consolider leurs activités – terme pudique pour dire supprimer des emplois – et à transférer des emplois dans des pays à bas coût.

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Une note publiée par le think tank Center for American Progress 5 Facts About Overseas Outsourcing rappelle que pendant la décennie 2000, les grandes entreprises multinationales américaines qui emploient un cinquième de la force salariale du pays ont supprimé 2,9 millions d’emplois aux Etats-Unis  et en ont créé 2,4 millions dans les pays émergents. Le système des vases communicants en quelque sorte.

Attaqué frontalement, MR a minimisé son rôle au sein de Bain Capital expliquant qu’il n’avait plus la responsabilité opérationnelle de l’entreprise pendant les années où ces événements sont intervenus. Tout simplement, parce qu’il avait été détaché pour prendre la responsabilité de l’organisation des JO d’hiver de Salt Lake City de 2002. Il ensuite essayé de contre-attaquer en demandant des excuses au président en place.

Mais c’est au sein de son propre parti qu’était venu l’attaque la plus virulente. Grâce au financement par les SuperPAC, Newt Gingrich avait commandité lors des primaires un  film d’une demi-heure constituant un véritable réquisitoire contre MR accusé de s’être enrichi aux dépends des travailleurs américains. Ce dernier n’avait alors pas demandé d’excuses à son concurrent républicain

Suite à des pressions y compris de son propre camp, MR avait rendu public ses deux dernières déclarations de revenus. Mais des pressions encore plus fortes aujourd’hui demandent encore plus de transparence de la part du candidat républicain placé dans un délicat dilemme. Son père, candidat aux primaires républicaines de 1968, était remonté douze ans en arrière. S’il n’a rien à cacher pourquoi ne les rendrait-il pas publiques ? S’il ne s’exécute pas cela donne l’impression qu’il cache quelque chose.

L’offshore et la désindustrialisation sont désormais au cœur de la campagne présidentielle américaine. Et pour cause, les chiffres sont  éloquents dans une situation économique plus que difficile. Selon la note du CAP, le nombre d’emplois industriels est passé de 19,5 millions en juin 1979 à 11,( millions en décembre 2009. Une perte de plus de 40 %. Pendant la dernière décennie, plus de 51 000 usines ont fermé.

Mais cette tendance serait en train de s’inverser : c’est reshoring selon  lequel les entreprises américaines décideraient de relocaliser certaines de leurs activités aux Etats-Unis. Le cabinet de conseil Boston Consulting Group avait publié un rapport il y a quelques mois sur ce nouveau phénomène. Aujourd’hui, c’est le cabinet The Hacket Group qui publie un rapport intitulé Reshoring Global Manufacturing: Myths and Realities  qui confirme cette tendance tout particulièrement avec la Chine et indique 2013 comme année de rupture.

La stagnation voire la baisse des salaires industriels  aux Etats-Unis, l’augmentation des coûts de transport, des inquiétudes concernant la propriété intellectuelle et une augmentation des coûts salariaux chinois réduisent significativement la compétitivité des entreprises chinoises.

Le facteur le plus important pour délocaliser la production de biens est ce que The Hackett Group appelle « Total Landed Cost » et qui inclut :

– Les coûts des matières premières et des composants ;
– Les coûts de fabrication (fixes et variables) ;
– Les coûts de transport ;
– Les coûts de stockage ;
– Les impôts et taxes.

En 2013, le différentiel entre les coûts salariaux chinois et américains sera de 30 %, celui entre le « total landed cost » de 16 %. Le rapport prend l’exemple de l’iPad fabriqué en totalité en Chine. Sur un prix au consommateur de 500 dollars, les couts salariaux représentent 10 dollars. Si Apple transférait la fabrication (ou plutôt l’assemblage) aux Etats-Unis, les coûts salariaux pourraient  tripler. Il est concevable poursuit le rapport qu’Apple serait en mesure de convaincre les consommateurs américains de payer un peu  plus cher en échange de l’idée du « made in USA ». On pourrait ajouter qu’Apple pourrait aussi rogner un peu sur ses marges.

Cette hypothèse plausible du reshoring nécessite que la capacité de fabrication américaines et sa flexibilité permette de répondre aux besoins. Ce qui, déplore le rapport, n’est pas le cas.

Une simulation faite par The Hacket Group fixe trois seuils de différentiel pour modifier des stratégies d’entreprises. A 20 %, les entreprises décident de transférer leur production de pays développés vers des pays à faible coûts salariaux. A 18 %, elles la transféreront d’un pays à faible couts salariaux vers un autre pays plus avantageux. A 16 %, elles envisagent de rapatrier la production aux Etats-Unis. Or, 16 %, c’est précisément le seuil qui sera atteint en 2013 entre la Chine et les Etats-Unis.

En 2014, le reshoring pourrait concerner 19% de la capacité industrielle américaine. Dans les années à venir, la Chine pourrait donc bien subir cette nouvelle tendance mettant en difficulté le pouvoir politique pour lequel tout va bien tant qu’il peut redistribuer les fruits d’une croissance élevée.

Quant aux élections américaines, cette bonne nouvelle pourrait profiter à l’équipe en place même si elle reste encore hypothétique et devra se concrétiser. Car pour l’heure, une enquête réalisée par la Business School de la Duke University montre qu’en dépit des coûts salariaux croissant offshore, seulement 4 % des grandes entreprises ont de réels projets de relocaliser des emplois aux Etats-Unis. L’enquête n’identifie pas les raisons mais estime que « le système fiscal actuel favorisent les entreprises qui investissent à l’étranger ». C’est là où la politique peut jouer un rôle important.

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