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Les chrétiens évangéliques surmontront-ils leurs divisions ?

En 1976, Newsweek publiait un article en couverture intitulé « The Year of Evangelical ». A cette époque, le chrétien évangélique était Jimmy Carter. Celui qui faisait le cathéchisme et parfois prêchait avait été élu président des Etats-Unis en battant le républicain Gerald Ford, le président sortant mais le seul président à ne pas avoir été élu. A la faveur de la démission forcée de Spiro Agnew alors qu’il est accusé d’évasion fiscale et de corruption passive, Gerald Ford est nommé par Vice-Président par Richard Nixon. Et c’est à la suite de la démission de ce dernier avant d’être « impeached » après le scandale du Watergate que Gerald Ford est devenu président.

Jimmy Carter a été élevé dans un milieu fortement religieux, une congrégation calviniste d’origine hollandaise plutôt stricte qui, par exemple, questionnait l’idée de lire le journal le dimanche. La course à la Maison Blanche fut celle entre deux « born again[1] », Jimmy Carter et Gerald Ford, le premier qui faisait de sa foi un élément de sa campagne, le second qui la considérait comme un élément de sa vie privée. Jimmy Carter est le premier président de l’ère moderne à parler aussi ouvertement de sa foi dans ses discours publics. Il fut présenté comme le premier président évangélique à une époque où les chrétiens évangéliques ne participaient pas à la vie politique. Avec Jimmy Carter, ils allaient avoir leur champion. Pour sa part, malgré sa forte religiosité, Jimmy Carter était opposé à l’idée d’une quelconque religion d’état. Il déçut ainsi ses supporters. « Il nous dit qu’il était religieux, il ne l’est pas » avait déclaré le pasteur Maddox qui avait été nommé conseiller pour les affaires religieuses.

Si 1976 avait été l’année du mouvement évangélique, 1980 serait celle de la droite évangélique. Parmi les leaders religieux à saisir cette opportunité, le pasteur Jerry Falwell fut l’un des plus actifs à participer à l’élection de Ronald Reagan. Avec la création de la Moral Majority en 1979, le mouvement évangélique faisait un double choix : la religion allait s’occuper activement de politique alors que jusqu’ici elle en était restée en retrait ; elle avait choisi son camp : la droite conservatrice. Le mouvement était fondé sur un triptyque simple et lisible : anti-avortement, anti-Equal Rights Amendment et anti-gay rights. Depuis le cap a été maintenu et les évangéliques sont devenus depuis de plus en plus intransigeants sur ces sujets et conservateurs en général.

Lors de la dernière réunion de la Southern Baptism Convention qui vient de se réunir à Nashville sous fond de batailles contre les abus sexuels dans les églises SBC et de rejet en bloc de la « critical race theory », trois candidats se sont présentés pour la présidence de l’association qui revendique quelque 14 millions de fidèles. Et si Ed Litton qualifié de modéré a emporté le vote, il ne doit son qualificatif qu’en comparaison des deux autres. “I know Ed, I’ve met Ed. Ed is a superconservative guy, but the New York Times called him a moderate. I mean, compared to what? Idi Amin[2]“, déclarait Greg Thornbury, professeur de philosophie et de théologie à l’Union University, une université baptiste basée dans le Tennessee (Fondée en 1823, 3000 étudiants).

Cette élection confirme l’enracinement dans l’ultraconservatisme des chrétiens blancs évangéliques. Rappelons que ces derniers ont apporté un soutien quasi inconditionnels à Donald Trump, avec une légère baisse entre 2016 et 2020 (75 % contre 81 %). Ils sont désormais arrimés à un parti républicain, lui-même arrimés à Donald Trump. Mais comme les autres communautés religieuses aux Etats-Unis, ils n’échappent pas au phénomène de sécularisation qui touche désormais toute la société américaine (Joe Biden et la sécularisation de la société américaine). Entre 2006 et 2020, les membres de la SBC ont perdu quelque 2 millions de fidèles. Est-ce dans cet enracinement ultradroitier qu’ils trouveront leur salut ?

Un évangélique est chrétien qui aime Billy Graham. Un fondamentaliste est un chrétien qui pense que Billy Graham est un conciliateur qui est devenu trop modéré.

George Marsden professeur d’histoire à l’Université de Notre Dame.


[1] Born again, littéralement « né de nouveau » ou encore « régénéré » est une expression principalement utilisée par les chrétiens évangéliques. Il désigne un individu qui affirme avoir vécu une régénération spirituelle par le Saint-Esprit après repentance de ses péchés et donc s’être réconcilié avec Dieu. Après la renaissance de son esprit, il est appelé « enfant de Dieu »

[2] Idi Amin Dada Oumee, né Idi Awo-Ongo Angoo vers 1925 à Koboko et mort le 16 août 2003 à Djeddah, est un militaire et homme d’État ougandais, exerçant un pouvoir absolu sur le pays entre le 25 janvier 1971 et le 11 avril 1979, en tant que président à vie. Il a laissé l’image d’un dictateur violent et sanguinaire (Source : Wikipedia).

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