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Le cas Huawei est-il l’arbre qui cache la forêt technologique ?

La puissance d’un pays s’exprimait jusqu’ici principalement par la force de ses armées. De ce point de vue, les Etats-Unis dominent largement les autres pays du Monde. Notamment avec un budget qui dépasse largement tous les autres et est à peu près l’équivalent de celui des dix pays suivants.

La technologie – dont l’intelligence artificielle et la 5G sont deux figures de proue – est plus que jamais l’instrument de puissance d’un pays. Le leadership technologique assurera le leadership mondial. On se souvient de la phrase d’André Malraux : le 21e siècle sera spirituel (et non religieux comme on l’écrit souvent) ou ne sera pas ? Certes même si l’on observe des mouvements contradictoires, certains allant vers le fanatisme religieux, d’autres vers le sécularisme. Mais il sera aussi technologique pourrait-on ajouter sans crainte d’être démenti.

Et la Chine l’a bien compris en annonçant en 2015 son programme « Made in China 2025 » visant à consolider son industrie et redynamiser son économie : les technologies numériques incluant la 5G et l’IA, les machines-outils à commande numérique et les robots, les équipements aéronautiques, les équipements d’ingénierie océanique et les navires high-tech, les équipements ferroviaires, les économies d’énergie et les véhicules à énergie nouvelle, les équipements liés à la production d’énergie, les nouveaux matériaux, la médecine biologique et les instruments médicaux, et les machines agricoles…Programme dont elle fait moins la promotion pour des raisons d’image, mais qui reste tout aussi actif.

Et de fait, la Chine a fait des progrès spectaculaires dans de nombreux domaines, grâce à des capacités propres mais aussi au pillage technologique et de la propriété intellectuelle des entreprises occidentales. C’est le cas de la fameuse 5G, la cinquième génération de la téléphonie mobile où les Chinois, par le truchement de la société Huawei, est devenue le leader mondial. Cette question est posée dans le cadre d’un conflit commercial et de négociations dont le manque d’avancées a poussé Donald Trump à installer des droits de douane sur la plupart des importations chinoises. Au dernier Mobile World Congress de Barcelone, grand-messe mondiale des télécoms mobiles, Huawei était l’une des incontestables vedettes.

Mais avec Huawei, il ne s’agit pas seulement d’échanges commerciaux mais beaucoup plus de maîtrise technologique et de sécurité nationale. Car l’introduction de tels équipements dans les réseaux pourrait donner à la Chine la possibilité d’intervenir de différentes manières. Sachant que de son côté les Etats-Unis ne sont pas en reste pour ce qui concerne les programmes d’intelligence et de surveillance. On se souvient de l’épisode des écoutes téléphoniques sur le téléphone portable d’Angela Merkel.

Depuis plusieurs mois l’administration Trump a fait des déclarations sur cette question de Huawei pointant sur le danger que posait l’acquisition de ces technologies par des sociétés américaines. La semaine dernière, le président américain a mis ses menaces à exécution en signant un décret exécutif intitulé : Executive Order on Securing the Information and Communications Technology and Services Supply Chain.

Le constat est sans ambiguïté : « The President of The United States of America find that foreign adversaries are increasingly creating and exploiting vulnerabilities in information and communications technology and services, which store and communicate vast amounts of sensitive information, facilitate the digital economy, and support critical infrastructure and vital emergency services, in order to commit malicious cyber-enabled actions, including economic and industrial espionage against the United States and its people ».

La section 1 de l’EO régule donc l’achat de tout équipement technologique et le soumet à l’autorisation de différentes administration et agences fédérales. Sans citer Huawei ni aucune autre société chinoise, l’EO bannit donc l’acquisition de technologies chinoises par les sociétés américaines. Mais le lendemain de la signature de cet EO, le département du commerce plaçait Huawei sur sa « entity list » citant donc explicitement l’entreprise chinoise et bannissant ainsi l’importation d’équipements provenant de cette société.

Certes les opérateurs télécoms américains pourront se fournir auprès d’autres équipementiers mais avec, pour l’instant, des équipements plus chers et moins performants. D’une certaine manière, cet épisode Huawei n’est-il la reconnaissance d’une défaite pour les Américains qui se sont fait doubler par les Chinois dans ce domaine de la téléphonie mobile ? Dans les années 80, le gouvernement américain interdisait l’exportation de certaines technologies, dont les supercalculateurs, dans certains pays. Aujourd’hui, elle interdit leur importation. C’est là un renversement brutal.

Cette décision pourrait surprendre, car, à aucun moment depuis qu’il est à la Maison-Blanche, Donald Trump n’a parlé de la nécessité pour les Etats-Unis de maintenir leur avance technologique, il préfère le charbon à la 5G ou l’acier à l’Intelligence artificielle. Construire un mur sur la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique est bien plus important que développer le premier ordinateur quantique. Les technologies lui semblent étrangères. Cette décision est également surprenante dans la mesure où Donald Trump a toujours mis en doute (pour le moins) la réalité de l’intervention russe bien réelle dans les élections de 2016 contre l’avis de toutes les agences de renseignement.

Quoi qu’il en soit, la Chine pose un réel problème. On notera d’ailleurs que les démocrates n’ont pas opposé de fortes critiques dans cette initiative. « We can disagree on whether Donald Trump is the American President that America deserves right now but I am absolutely certain he’s the American president that China deserves right now because it needed someone who was going to actually take on the trade relationship between the two countries that was misaligned » résume l’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman,

 

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