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Brett Kavanaugh : l’histoire se répète-t-elle ?

Donald Trump allait remplir la deuxième case : celle de la Cour Suprême. En moins de deux ans, par un hasard de circonstances – l’âge des juges – et une volonté affichée, il allait faire nommer son deuxième juge conservateur au sein du troisième pouvoir. Après Neil Gorsuch l’an passé, Brett Kavanaugh allait prendre le fauteuil du juge Kennedy démissionnaire. Cette nomination doit avoir un impact durable sur l’évolution de la société américaine, car si le juge Kennedy était partagé sur les différents sujets sur lesquels la Cour a à statuer, Brett Kavanaugh est un authentique conservateur, sur tous les sujets, y compris celui de l’avortement. L’arrêt Roe v. Wade légalisant l’avortement pourrait bien être remis en question.

Certes les sénateurs démocrates de la commission judiciaire avaient bien tenté de le mettre en difficulté sans y parvenir réellement. Tout était donc sur les rails pour une confirmation sans problème.

Et puis, patatras, une information de harcèlement sexuel est arrivée sur la place publique, provoquant un charivari dans lequel républicains et démocrates essayent de trouver l’arme pour faire avancer leur agenda.

Les républicains d’abord. Ils s’y sont très mal pris pour cacher leur volonté de nommer coûte que coûte leur candidat. Ils ont fixé des dates impératives qui n’avaient aucun lieu d’être. Ils se sont opposés à une enquête par le FBI sur le sujet alors qu’une démarche comparable qui a déjà eu lieu dans d’autres circonstances (l’affaire Anita Hill, professeur de droit à l’Université d’Oklahoma) et le juge Clarence Thomas) et ne demandent 2 ou 3 jours. Également au motif que le FBI avait déjà examiné le candidat, mais pas sur cette affaire. Donc aucune justification qui tient à un examen un peu poussé si ce n’est qu’ils souhaitent absolument pousser leur champion. C’est sans doute l’une des raisons avec la réforme fiscale (baisse des impôts pour les classes les plus riches et les entreprises) pour laquelle ils ont voté Donald Trump et supportent son comportement pour le moins peu présidentiel.

Les démocrates y trouvent là un moyen, certes sérieux et justifié, de remettre en cause une nomination dont ils ne veulent pas. Et puis, ils ont sans doute gardé une certaine rancœur de la conduite des sénateurs républicains qui n’ont pas daigné examiner la nomination de Merrick Garland – un candidat dont le pedigree juridique n’a rien à envier à celui de Brett Kavanaugh –  pendant près d’un an, sans aucune justification.

Anita Hill interviewée cette semaine sur PBS

Déclaration introductive d’Anita Hill devant la Commission du Sénat

Déclaration de Clarence Thomas devant la Commission du Sénat

Joe Biden (président de la Commission qui a auditionné Anita Hill) interviewé sur l’affaire Christine Blasey Ford

https://youtu.be/bSe0rGQNh2I

Un reportage sur l’émission 60 minutes

Une situation analogue à celle de Brett Kavanaugh/ Christine Blasey Ford en 1991. Alors que le juge Clarence Thomas allait être nommé, Anita Hill qui avait travaillé pour celui-ci au ministère de l’Éducation et à la Commission pour l’égalité en matière d’emploi lançait une accusation de harcèlement sexuel. Avant l’audition, 48 % des Américains trouvaient les allégations de Clarence Thomas plus crédibles que celles d’Anita Hill (48 % contre 26%). Après l’audition dont près de 9 Américains sur 10 avaient regardé à la télévision (en entier ou en partie), le rapport avait largement évolué : 38 % pensaient qu’Anita Hill disait la vérité contre 44 % pour Clarence Thomas. Ce dernier n’a pas hésité a utilisé l’arme suprême du racisme pour expliquer cette affaire : « From a standpoint as a black Americain, as far as I’m concerned, it is a high-tech lynching for uppity blacks ».

Le 15 octobre 1991, Clarence Thomas était nommé par un sénat à majorité démocrate avec une très faible majorité : 52 contre 48.

Dans l’affaire Kavanaugh, l’opinion est assez clairement en train de se retourner en défaveur du futur possible Juge : selon un sondage réalisé par l’institut Gallup, 42 % des Américains sont contre la confirmation de Brett Kavanaugh, 39 % y sont favorables.

Difficile de dire à ce jour si Brett Kavanaugh va être confirmé par le Sénat même si la probabilité est assez forte. Mais c’est là un assez mauvais calcul que font les républicains dans la perspective des élections de midterms. Car ils risquent un retour de bâton de la part de nombre d’électrices. Et puis, s’ils ne font pas tout ce qui est leur pouvoir pour s’assurer que cette confirmation est parfaitement régulière, leur candidat traînera avec lui un soupçon qui pourra peser lourd de votes à venir de la Cour Suprême. Mais, ils font peut-être un calcul simple : perdre des élections avec l’espoir de les gagner d’ici deux ans, mais nommer à vie un Juge à la Cour Suprême, pensant que toute cette effervescence serait oubliée d’ici quelques mois. Le jeu en vaut bien la chandelle.

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