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Twitter et Trump : Du gazouillis au mugissement

A deux reprises cette semaine, le réseau social Twitter a corrigé des tweets publiés par le président des États-Unis. Une première fois en apposant un message « Get the facts about mail-in-ballots » renvoyant vers des articles indiquant qu’il n’y avait aucune preuve tangible de fraudes massives sur les votes par correspondants avancées par Donald Trump. Une seconde, encore plus marquante, en masquant le tweet avec un message indiquant que « ce tweet a enfreint les Règles de Twitter relatives à la glorification de la violence. Toutefois Twitter a déterminé que sa disponibilité peut présenter un intérêt pour le public.

On imagine aisément les réactions de Donald Trump. Il a menacé de fermer son compte. On comprend vite qu’il ne mettra pas cette menace à exécution, car Twitter est son contact direct avec « sa base ». Mais beaucoup plus sérieux il a menacé de réviser la section 230 du Communication Decency Act même s’il n’a pas le pouvoir de le faire. Cet amendement de la loi votée en 1996 est indispensable à la survie des réseaux sociaux. Il permet de les considéré comme plate-forme n’ayant aucune responsabilité sur ce qui est publié sur leur site et non comme un média de presse.

Cet amendement bipartisan rédigé par les députés démocrate Ron Wyden et républicain Chris Cox fait suite à un procès entre la compagnie de courtage Stratton Oakmont and Progidy (un des ancêtres du Web). La première avait attaqué la seconde au motif qu’elle avait publié un billet de ses utilisateurs sur son bulletin board (l’ancêtre du réseau social) que le CEO de Stratton Oakmont était impliqué dans des affaires frauduleuses. La Cour suprême de l’état de New York avait alors considéré Progidy comme un support de presse puisqu’elle avait effectué des corrections sur le billet. Paradoxalement, si Prodigy n’avait effectué aucune modification, elle aurait été totalement déchargée en bénéficiant de la clause de protection liée au Premier amendement (free speech) comme les libraires ou les opérateurs de réseaux.

Les deux rédacteurs de l’amendement ont eu une certaine intuition en rédigeant cet amendement, car il est à la base des réseaux sociaux. Sans cet amendement, pas de réseaux sociaux tels que nous les connaissons (Serait-ce un mal ?). Si l’on prend le cas de Facebook, on comprend aisément qu’il est totalement impossible de contrôler le contenu publié par plus de deux milliards d’utilisateurs. Ron Wyken utilisait la métaphore du glaive et du bouclier pour décrire les implications de son amendement. Bouclier, car il les protège de toutes les attaques possibles liées à la publication des contenus sur leur plate-forme, glaive, car il leur permet de définir des conditions d’utilisation et ainsi de se donner le droit de modifier un contenu qui enfreindrait ces règles. Cela peut même aller jusqu’à l’exclusion d’un utilisateur comme ce fut le cas du complotiste d’extrême-droite Alex Jones.

Cette section 230 n’est pas sans poser de problèmes, car l’emprise des réseaux sociaux sur la vie sociale est devenue considérable. Dit de manière un peu excessive, elle leur permet de publier quasiment n’importe quoi surtout quand on l’association avec l’idée du Free Speech. La presse a été appelée le cinquième pouvoir. Les réseaux sociaux en seraient le sixième avec une influence qui n’est pas sans poser de problèmes. Les élections présidentielles de 2016 le montrent de manière emblématique. Et il n’est pas à exclure que le phénomène s’amplifie pour celles de 2020. Un des problèmes est peut-être lié au fait que l’on peut publier en cachant son identité et en utilisant un pseudo. Mais autant les problèmes liés aux réseaux sociaux sont assez faciles à expliciter, autant les solutions à trouver ne sont pas simples. Car à qui donner le pouvoir de censure ? Sous quelles conditions ?

Par petite touche, le législateur essaie de modifie le périmètre de cette section 230. En 2018, deux lois ont été déposées, FOSTA (Allow States and Victims to Fight Online Sex Trafficking Act) et SESTA (Stop Enabling Sex Traffickers Act) rendant responsables ces plates-formes dans la diffusion de publicité de prostitution postée par des tiers. On comprend alors que de proche en proche, il serait ainsi possible de modifier la portée de cette section 230.

Donald Trump pose une question qui est légitime. Le problème est qu’il le fait tout simplement parce que ses intérêts personnels sont en jeu. S’il le pouvait, il publierait une loi selon laquelle les réseaux sociaux peuvent contrôler le contenu de tous les utilisateurs sauf celui publié par le président. Twitter s’est engagé dans un bras de fer avec le président et a ouvert un boite de pandore. Car il n’est pas une journée où Donald Trump ne publie un tweet justifiant les mêmes actions correctives  (fact-check, appel à la violence). Twitter va-t-il désormais opérer cette censure quotidiennement ? C’est là une position difficilement tenable. Le patron de Facebook Mark Zuckerberg l’a bien compris, car la modification de cet amendement mettrait en danger son activité. Le réseau social n’a d’ailleurs pas touché au même message posté par Donald Trump sur sa page Facebook.

Le Tweet de Laurence Tribe,
professeur (liberal) de droit à l’université de Harvard

A la suite de ces deux initiatives et fidèle à son habitude, Donald Trump (ou son staff éditorial, car maintenant c’est devenu une activité à plein temps) a publié des rafales de tweets vengeurs et surtout signé un décret intitulé Executive Order on Preventing Online Censorship dont on ne saisit pas vraiment la portée. Mais, Donald Trump va mobiliser son administration pour trouver la faille interdisant aux réseaux sociaux de le censurer. Le ministre de la Justice William Barr a déclaré à cette occasion : « They’ve had unchecked power to censure, restrict, edit, shape, hide, alter virtually any form of communication between private citizens or large public audiences, » La bataille est donc engagée.

 

 


Executive Order on Preventing Online Censorship

By the authority vested in me as President by the Constitution and the laws of the United States of America, it is hereby ordered as follows:
Section 1.  Policy.  Free speech is the bedrock of American democracy.  Our Founding Fathers protected this sacred right with the First Amendment to the Constitution.  The freedom to express and debate ideas is the foundation for all of our rights as a free people.

In a country that has long cherished the freedom of expression, we cannot allow a limited number of online platforms to hand pick the speech that Americans may access and convey on the internet.  This practice is fundamentally un-American and anti-democratic.  When large, powerful social media companies censor opinions with which they disagree, they exercise a dangerous power.  They cease functioning as passive bulletin boards, and ought to be viewed and treated as content creators.

The growth of online platforms in recent years raises important questions about applying the ideals of the First Amendment to modern communications technology.  Today, many Americans follow the news, stay in touch with friends and family, and share their views on current events through social media and other online platforms.  As a result, these platforms function in many ways as a 21st century equivalent of the public square.

Twitter, Facebook, Instagram, and YouTube wield immense, if not unprecedented, power to shape the interpretation of public events; to censor, delete, or disappear information; and to control what people see or do not see.

As President, I have made clear my commitment to free and open debate on the internet. Such debate is just as important online as it is in our universities, our town halls, and our homes.  It is essential to sustaining our democracy.

Pour lire la suite du décret


 

Excerpt from The Twenty-Six Words That Created the Internet by Jeff Kosseff. Copyright © 2019 by Jeff Kosseff. Reprinted by permission of Cornell University Press.

In 1995, Chris Cox was straight out of central casting for a Republican congressman from Orange County. Shortly after the Republican takeover, Cox had lunch in the Capitol’s private, members-only dining room with Ron Wyden, a liberal Democratic congressman from Portland, Oregon. That day, Cox recalled, most tables were entirely Democratic or entirely Republican: “It was like boys and girls at an eighth-grade dance.”

In an interview in later years at his Senate office in Washington, D.C., Wyden smiled as he recalled “kibbitzing” with Cox and getting ice cream together: “I just always thought he was smart, and I enjoyed being around him. Chris Cox and I had become friends because we both liked to talk about ideas, and thought that not enough about government was ideas driven.” Rather than rehash those well-debated topics, Cox and Wyden agreed to identify issues so new that political parties and interest groups had not yet developed an entrenched position.

Although Wyden did not share all of Cox’s free market conservative ideals, he was interested in fostering growth in the technology sector. He had long advocated for Oregon’s timber industry, which was in decline. Wyden saw the technology industry as the future for Oregon. Throughout the 1990s, some of the state’s largest private employers were technology companies such as Intel and Tektronix.

Cox and Wyden, working with technology companies and civil liberties groups, wrote a bill hoping to encourage early online services such as America Online and Prodigy to moderate pornography, filthy jokes, violent stories, and other words and images that could harm children.

By immunizing all online services from lawsuits over materials that their users upload, Cox and Wyden hoped to encourage the companies to feel free to adopt basic conduct codes and delete material that the companies believe is inappropriate.

But there was another reason that Cox and Wyden provided such sweeping immunity. They both recognized that the Internet had the potential to create a new industry. Section 230, they hoped, would allow technology companies to freely innovate and create open platforms for user content. Shielding Internet companies from regulation and lawsuits would encourage investment and growth, they thought.

“Why would anybody invest in a technology company,” Wyden recalled, “if they thought they would be held personally liable?”

Even Cox and Wyden had little inkling of the Internet that Section 230 would create. Only 40 million people worldwide had any Internet access, a tiny sliver of the more than 3 billion today. Apple would not introduce the first iPhone for more than a decade. Mark Zuckerberg was 11 years old. “I always thought the bill was going to be useful,” Wyden said, speaking in 2017, “but I never thought that its reach would be this dramatic.”

There is little evidence—or recollection by Section 230’s architects—that interest groups mounted any significant opposition to the bill or even raised much criticism of it. This indifference likely stemmed from the relatively small size of the Internet industry; America Online and Prodigy were large, but they were only a fraction of the size that Google and Facebook would become in the following two decades. As the Internet economy grew, Section 230 would prevent individuals from recovering damages from some of the largest companies in the United States.

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