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Quelle feuille de route pour la gauche progressiste ?

S’ils veulent espérer (re)conquérir durablement le pouvoir politique, les démocrates doivent s’assurer du soutien des classes populaires (working class). Tel est le message central de l’étude Commonsense Solidarity, How a working-class coalition can be built, and maintained réalisée par le magazine socialiste (ou ça existe) basé à New York Jacobin (un titre qui résonne bien français) en partenariat avec le Think Tank Center for Working Class Politics et l’institut de sondage Yougov.

Selon les auteurs de cette étude, la gauche progressiste américaine, inspirée par la campagne de Bernie Sanders en 2016, a mobilisé largement et obtenu de bons résultats dans les grandes métropoles, qui regroupent des populations diplômées et à hauts revenus, déjà acquis aux démocrates. Mais en dehors de ces centres urbains très bleus, la gauche progressiste est en grande difficulté. Un tel paysage politique ne permet pas de faire des réformes comme celle du « Medicare for All » (une assurance santé réellement universelle) ou des programmes sociaux inscrits à l’agenda des démocrates.

Les classes populaires et ouvrières regroupent dans cette étude ceux qui n’ont pas diplômes universitaires et qui constituent la majorité des Américains (près de 2 sur 3 : 63 %) ou les familles dont les revenus sont inférieurs à 100 000 dollars par an (74 % de la population).

Pendant la plus grande partie du 20e siècle, les classes populaires et ouvrières étaient largement acquises aux démocrates. Mais depuis les années 1970 et encore plus pendant la dernière décennie, ces classes sociales ont déserté le parti de l’âne. Le phénomène avait été illustré par Thomas Frank dans son livre What’s the matter with Kansas: How Conservatives Won The Heart Of America. Dans son essai publié en 2017 The Once and Future Liberal: After Identity Politics (La gauche identitaire: L’Amérique en miettes), après l’élection de Donald Trump, Mark Lilla expliquait les raisons qui avaient conduit à la défaite des démocrates plus intéressés par les questions sociétales et les questions de race et de genre que par les questions sociales et économiques.

Historiquement, rappelle les auteurs de l’étude de Jacobin, les grandes avancées économiques et sociales, le New Deal de Franklin Roosevelt, le mouvement des droits civiques de Martin Luther King, La Great Society de Lyndon Johnson n’ont pu se concrétiser que grâce aux soutiens des classes populaires.

Cette étude tente de répondre à trois questions :

  1. Comment la gauche progressiste peut gagner le soutien des classes populaires ?
  2. Comment les progressistes peuvent-ils engager plus efficacement les électeurs de la classe ouvrière, indépendamment de la race et de la géographie, en particulier en dehors des grandes villes ?
  3. Quels sont les avantages et les inconvénients électoraux des divers types de plateformes et de messages progressistes ? Différents messages progressifs peuvent-ils fonctionner dans différents domaines ?

Pour y répondre, l’étude rappelle les points suivants sur lesquels devraient s’appuyer la gauche progressiste si elle veut gagner.

– Les classes populaires préfèrent les candidats progressistes qui s’intéressent principalement aux questions économiques (emplois, salaires, santé…) et qui les formulent de manière universelle et non découpée en tranches en fonctions des différentes minorités, de race ou de genre. Ceci est encore plus vrai en dehors des grands centres urbains largement acquis aux démocrates. Dans un de ses derniers livres, The People, No: A Brief History of Anti-Populism, Thomas Frank rappelle le bref succès du People’s Party dans les années 1890 parce qu’il se concentrait précisément sur les questions économiques (Il y précise en particulier l’origine du mot populisme qui n’avait pas la connotation négative qu’il a aujourd’hui) ;

– Les messages des populistes (ceux d’aujourd’hui) qui mettent en cause les élites et pointe sur leurs responsabilités sont en général bien perçues par les classes populaires ;

– Les progressistes ne doivent pas abandonner les questions de justice sociale, mais la rhétorique fondée sur le « wokisme » et le politiquement correct est un handicap. Les candidats qui adoptent un discours très identitaire et centrés sur les minorités (race, genre, orientation sexuelle…) obtiennent de moins bons résultats que les candidats qui adoptent un message populiste (au sens originel, représenté par Bernie Sanders) et un langage plus traditionnel.

– Les classes populaires préfèrent les candidats issus des classes populaires. Ici, on peut saluer la performance de Donald Trump qui a su se faire passer pour appartenant au peuple alors qu’il n’en n’a jamais fait parti et n’a réellement aucune empathie pour lui.

Qu’en est-il des républicains ? Pour gagner les élections de 2022, 2024 et les suivantes, les républicains sont lancés dans une vaste opération de charcutage électoral (gerrymandering), sont en train d’instaurer de nouvelles lois visant à rendre plus difficile le vote de certaines minorités et de prendre des dispositions (remplacer des officiels neutres par des agents partisans) pour un meilleur contrôle. Quand la température monte, il est plus simple de casser le thermomètre.

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