Aller au contenu Skip to footer

Nationalisme contre patriotisme : Donald Trump contre Emmanuel Macron ?

« Le nationalisme, c’est la guerre » s’était écrié François Mitterrand devant le Parlement européen, nous rappelle Jean-Pierre Chevènement dans son livre 1914-2014 avec comment sous-titre plutôt provocant L’Europe sortie de l’Histoire. « Mais répétons-le, le nationalisme n’est pas la nation. Il en est la maladie toujours possible selon laquelle il faut lutter contre l’affirmation d’une conception républicaine de la nation, cadre culturel de la démocratie et lieu privilégié de la solidarité » poursuit l’ancien ministre de François Mitterrand.

Nous venons donc de tourner la page 1918-2018 avec les commémorations du centenaire de la signature de l’Armistice de la Guerre de 14. « Les commémorations insisteront sans doute davantage sur le rôle déterminant des troupes américaines », prévient Jean-Pierre Chevènement qui sur ce point s’est simplement trompé. Car dans le discours d’Emmanuel Macron, aucune référence n’est faite sur ce point. La raison est sans doute liée au fait qu’Emmanuel Macron souhaitait s’adresser à l’ensemble des responsables politiques présents. La vraie raison selon Jean-Pierre Chevènement est que « les troupes américaines ne furent engagées en majorité et en masse que le 12 septembre 1918 pour réduire le saillant de Saint-Mihel (treize divisions américaines et huit françaises) ».

Comment il sait si bien le faire, Donald Trump s’était cru obligé sur la base d’une mauvaise information de vilipender Emmanuel Macron via un tweet avant même d’atterrir à Paris. Pas très bien élevé quand on est invité. Comment allait-il se comporter pendant cette commémoration de la Première Guerre, la Der des Ders qui dit bien mal son nom ? Donald Trump n’a pas failli à sa réputation. Il a fait cérémonie à part pourrait-on dire en ne participant à la marche des leaders de 70 pays vers l’Arc de triomphe, ni au Forum de la paix organisé le dimanche après-midi.

Comme l’indiquait un commentateur de CNN, les faits et gestes de Donald Trump doivent toujours s’interpréter en fonction de base. Le slogan « America First » peut simplement se traduire par « Base First ». Donald Trump ne semble pas ou plutôt ne veut pas comprendre qu’il est président de tous les Américains et non d’une petite moitié qu’il s’applique à attiser contre l’autre.

Bilatéralisme contre multilatéralisme, nationalisme contre patriotisme, ostracisation contre inclusion, tels semblent être les choix permanents du nouveau leader de ce que l’on appelait le monde libre. Est-ce là un procès d’intention ? Pour ce qui concerne le nationalisme, c’est Donald Trump lui-même qui s’est défini comme tel et qu’il oppose au globalisme. Un globaliste, explique-t-il lors de son meeting de soutien à Ted Cruz, son ex-nouvel ami et futur ennemi (à moins que ce soit l’inverse) de la manière suivante :

A “globalist” is a person “who wants the globe to do well, frankly, but not caring our country so much.” He went on to say there is an “old-fashioned” word that he embraced: A “nationalist.”

 Car Donald Trump voit le monde comme un jeu à somme nulle : Si quelqu’un gagne, quelqu’un d’autre doit nécessaire perdre. Et comme il entend que l’Amérique gagne, « America First », il faut donc que d’autres nations perdent. Discours qu’il renforce en permanence avec l’autre idée que toutes les nations du monde prennent avantage des Etats-Unis. C’est l’antithèse de la formule que l’on attribue à John F. Kennedy selon laquelle « a rising tide floats all boats ».

Maniant le politiquement incorrect comme un antidote du politiquement correct, Donald Trump n’hésite jamais à lancer une controverse et de fabriquer des provocations, Donald Trump s’est donc qualifié lui-même de nationaliste.

Qu’est-ce que le nationalisme ?

Si l’on se réfère à la définition du Larousse, le mot doit se comprendre de la manière suivante :

« Mouvement politique d’individus qui prennent conscience de former une communauté nationale en raison des liens (langue, culture) qui les unissent et qui peuvent vouloir se doter d’un État souverain. Le nationalisme a incité les peuples à former des États souverains ou à revendiquer leur indépendance ».

Mais car il y a toujours un mais, « il existe un autre type de nationalisme, qui tend à se développer dans des États dont l’unité politique est depuis longtemps réalisée, poursuit le dictionnaire. Ce nationalisme se réclame des valeurs de la tradition (la famille, la terre, les ancêtres) et de la morale patriotique. Le sentiment national se mobilise alors pour conserver ce qui fait la grandeur de la nation et pour s’opposer à des changements importants. Ce nationalisme, hostile à tout ce qui pourrait porter atteinte à ce qui lui semble être l’essence de la nation, peut devenir xénophobe ou raciste ».

Mais un mot n’a pas une définition figée. D’abord, il évolue dans le temps et peut prendre des contours fluctuants. Ensuite, si l’on se réfère à Marshall McLuhan, « le médium, c’est le message ». Mais on pourrait ajouter que le messager a peut-être plus d’importance que le message. De surcroît, le contexte et l’environnement jouent un rôle tout aussi important. Lorsque Donald Trump affirme qu’il est un nationaliste, on entend tout autant autre chose que si de Gaulle avait déclaré la même chose.

Donald Trump aurait dû savoir que le mot nationaliste était connoté aux Etats-Unis et que son emploi pouvait susciter une certaine confusion, voire émotion. Car on ne peut pas ne pas faire le lien entre nationalist et white nationalist.

La question lui a été posée par le désormais banni journaliste de CNN Jin Acosta lors d’une conférence de presse organisée dans le Bureau Oval fin octobre : « There is a concern that his remarks represented coded language. Trump denied he was making any illusion to white nationalism ».

Bien entendu, Donald Trump a répondu qu’il ne faisait pas le lien entre les deux notions.

Dans son discours devant les 70 chefs d’état et de gouvernement présent à l’Arc de triomphe, Emmanuel Macron a profité de l’occasion pour remettre en perspective les deux idées – nationaliste et patriotisme – en affirmant que « le patriotisme est l’exact contraire du nationalisme : le nationalisme en est la trahison. En disant “nos intérêts d’abord et qu’importent les autres !”, on gomme ce qu’une Nation a de plus précieux, ce qui la fait vivre, ce qui la porte à être grande, ce qui est le plus important : ses valeurs morales ». Une formulation claire et nette qui reprend celle de Romain Gary : « Le patriotisme c’est l’amour des siens. Le nationalisme c’est la haine des autres. »

« Ensemble, nous pouvons rompre avec la nouvelle “trahison des clercs[1]” qui est à l’œuvre, celle qui alimente les contre-vérités, accepte les injustices qui minent nos peuples, nourrit les extrêmes et l’obscurantisme contemporain » poursuivait le président français pour ceux qui n’auraient pas bien compris.

On ne sait pas bien ce qu’en a compris Donald Trump. Mais pour en avoir une idée, Il suffit d’écouter Sebastian Gorka, ancien conseiller de Donald Trump, plus trumpiste que Donald Trump lui-même.

 

[1] La Trahison des clercs1 est un ouvrage de Julien Benda paru initialement en 1927 et réédité en 1946

Leave a comment

Recevez les derniers articles directement dans votre boîte mail !

Un Jour en Amérique © 2024. Tous droits réservés. 
Consentement des cookies