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L’inégalité démocratique

En 2040, 70 % des Américains habiteront dans 15 états. Cette évolution ne sera pas sans poser des problèmes de représentation démocratique. C’est ce qu’avait révélé David Birdsell, doyen de l’école des affaires internationales au Baruch College (une des écoles du CUNY). La question n’est pas nouvelle mais elle ne fait que s’aggraver (Le Sénat est-il démocratique ?)

.  Cette répartition inégale de la population n’est pas un problème en soi mais en raison des institutions qui la sous-tendent. En effet, ces 70 % de la population ne sont représentés que par 30 sénateurs et à l’inverse, 30 % de la population détiennent 70 % des sénateurs.  

Cette inégalité démographique se doublent d’une différence socio-économique majeure. Les « petits-états » sont plutôt des états ruraux à forte majorité blanche et républicaine, les « grands-états » sont beaucoup plus diversifiés avec une forte représentation des minorités et plutôt démocrates. Cette situation peut donc se résumer de la manière suivante : une minorité plutôt blanche et fortement républicaine et conservatrice peut gouverner le pays. Alexis Tocqueville avait pointé la tyrannie de la majorité en mettant en garde contre « les conséquences de cet état de choses sont funestes et dangereuses pour l’avenir ». Avec l’idée simple qui prévaut dans la Constitution américaine selon laquelle toute personne ou institution ayant un pouvoir a fortement tendance à en user, voire en abuser. D’où l’idée de mettre en place des checks and balances (freins et contrepoids). Mais aujourd’hui, on n’est plus dans ce contexte. On peut parler de tyrannie de la minorité largement préemptée par le parti républicain.

Avec le système obsolète des grands électeurs, le président peut être élu avec une minorité des voix populaires. C’était le cas en 2000, où George W. Bush a été élu avec le concours de la Cour suprême. En 2016, Donald Trump a été élu alors qu’il avait 2 % de voix de moins que son opposante. En 2020, il a été battu avec près de 7 millions de moins que son Joe Biden. Il a alors tenté d’inverser le résultat (on peut appeler ça un coup d’état) et crie à la fraude depuis.

La Chambre des représentants pourrait être la branche du pouvoir exempte de ce déséquilibre puisque le nombre d’élus est révisé tous les dix ans en fonction des résultats du recensement. Mais en fait, les républicains ont largement utilisé l’outil du Gerrymandering (Gerrymandering for dummies !). En 2016, les démocrates auraient dû être majoritaires car ils avaient recueilli la majorité des voix populaires mais cela n’a pas été le cas en raison de ce charcutage électoral.

La Chambre des Représentants est censée refléter la population, le Sénat les Etats. Le déséquilibre existant entre le nombre d’habitants de chaque état et le nombre d’élus ne seraient donc pas un problème. Sauf quand il devient exorbitant ce qui commence à devenir le cas.

Le couple Président / Sénat est celui qui installe les Juges à la Cour Suprême. Le président propose des candidats et le Sénat les confirme à la suite de longues auditions. Mais le Sénat peut jouer un rôle encore plus actif en retenant les propositions du président ou pas. Conduisant ainsi à une politisation croissante de la troisième branche du gouvernement. C’est ce qui s’est passé lors de la présentation de Merrick Garland pour remplacer Antonin Scalia. Mitch McConnell a refusé de retenir cette candidature au motif fallacieux que c’était la dernière année du mandat de Barack Obama. Le poste est resté vacant jusqu’aux élections de 2016.

Lorsque Donald Trump a été élu, il s’est donc empressé de présenter un juge de son choix. C’est ainsi que Neil Gorsuch a été nommé. Et lorsque Ruth Bader Ginsburg est décédé le 18 septembre 2020, trois semaines avant les élections. Donald Trump et Mitch McConnell ont mené à bien la nomination de son successeur dans un temps record. Oubliée la règle de la nomination dans la dernière année du mandat.

« Les institutions américaines ont été conçues par les Pères fondateurs avec pour priorité non de créer une démocratie, mais d’empêcher l’émergence d’un régime tyrannique », nous rappelle Anne Deysine, professeure émérite à l’université Paris-Nanterre (Aux Etats-Unis, la tyrannie de la minorité). L’évolution de ces dernières années de la démocratie américaine n’est pas sans poser un problème de plus en plus préoccupant.

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