24 décembre
Faites votre choix pour 2024
Donald Trump est écarté par une décision de la Cour Suprême dans l’affaire du Colorado stipulant qu’il ne peut participer aux élections de 2024 parce qu’il a été impliqué dans une insurrection, en application de la section 3 du 14e amendement de la Constitution des Etats-Unis. Le risque que les républicains MAGA reproduisent alors ce qui s’est passé le 6 janvier 2021, mais à une échelle beaucoup plus grande, n’est pas négligeable.
Donald Trump ne gagne pas les élections de 2024. Il contestera les résultats, comme il en a désormais l’habitude, et les Etats-Unis entreront dans une zone de turbulence maximale dont on ne sait pas trop qu’elle en serait l’issue.
Donald Trump gagne les élections et les Etats-Unis pourraient arrêter ce qu’ils appellent “The American Experiment” qu’ils ont engagé il y a 247 ans. Des analystes politiques se fondant sur les déclarations et les initiatives de l’ex-candidat ont déjà largement documenté cette hypothèse (Vers une inévitable dictature Trump ?).
En marge de ces conjectures, on peut rappeler qu’une condamnation de Donald Trump ne l’empêcherait pas de continuer sa campagne, même depuis la cellule de sa prison. Eugene Victor Debs avait été condamné à 10 ans de prison pour avoir violé la loi sur l’espionnage en 1918, ce qui ne l’a pas empêché de mener sa campagne électorale depuis sa cellule de la prison fédérale d’Atlanta, lors des élections présidentielles de 1920. Il avait recueilli 3,4 % des suffrages exprimés.
Les Etats-Unis se trouvent dans cette situation incertaine parce que les républicains n’ont pas pris leurs responsabilités lors du second impeachment.
17 décembre
Quatre nains et un ogre
Ils restent quatre à se disputer la deuxième place des primaires républicaines (Nikki Haley, Ron DeSantis, Vivek Ramaswamy et Chris Christie). Une place qui ne sert pas à grand-chose, sauf à rester mieux traité les tablettes de l’histoire ou à recycler l’exploit dans une nouvelle opportunité de carrière. Eventuellement à postuler la candidature à la vice-présidence. Ils auraient sans doute dû reconnaître leur statut de Lilliputiens et accorder leurs efforts pour terrasser Gulliver Trump. Deux débats supplémentaires, tout aussi inutiles, leur seront offerts par la chaîne CNN, le 10 janvier à Des Moines dans l’Iowa et le 21 janvier à Goffstown dans le New Hampshire, à supposer qu’ils soient qualifiés car la barre (10 % dans trois sondages différents) semble hors de portée pour les deux derniers. On aura donc droit à un affrontement entre Nikki Haley et Ron DeSantis qui, tous deux, ont déclaré lors du premier débat qu’ils soutiendraient l’ex-président si, par malheur, il était condamné par un tribunal. On fait mieux comme opposants, sans parler du fait qu’ils ont été longtemps de fervents supporters de Donald, par intérêt ou par conviction, peut-être les deux. Quant à l’ex-président, il veut écraser ses adversaires lors des deux premières primaires comme pour les asphyxier et « les manger tout cru ». Ce qui montrerait à nouveau l’extravagance de ce système où quelques milliers de voix – venant le plus souvent d’électeurs extrémistes – de deux « petits » Etats décident des candidats et où quelques milliers de voix dans certains Etats clés (dits Swing States ou Purple States) élisent le président des Etats-Unis.
10 décembre
Free Speech… just for me
En remettant en cause l’arrêt Roe v. Wade, les républicains n’ont eu de cesse d’expliquer que la question était du ressort des Etats rappelant que le pouvoir fédéral ne devait pas se hausser du col et rester à sa place. Dans un courrier adressé au ministre de la Justice et au secrétaire d’Etat, le sénateur de l’Ohio J.D. Vance s’insurge contre un article publié dans le Washington Post signé par Robert Kagan (Vers une inévitable dictature Trump ?) pointant le danger d’un second mandat de Donald Trump et des possibilités qu’auraient certains Etats de minimiser les effets d’un pouvoir fédéral autocratique. Il y écrit sans rire : “By that standard, I would like to know whether a supporter of President Trump might be “intimidate[d]” into foregoing the right to vote after learning that Robert Kagan has encouraged large blue states to rebel against the United States if Trump is elected”. J.D. Vance demande, entre autres, que les habilitations de sécurité de Victoria Nuland[i] soient révisées en raison de sa « close relationship » with Robert Kagan « in light of her husband’s call for rebellion against the United States ». Victoria est l’épouse de Robert. Avec les républicains MAGA, l’idée du Free Speech est simple : « il vaut pour moi mais pour toi, ça se discute ».
J.D. Vance est l’auteur à succès du roman autobiographique Hillbilly Elegy. Après avoir dit pis que pendre de Donald Trump, il en est un devenu un des plus fervents « cronies ». Sa lettre ira directement là où elle doit aller, la corbeille. Mais imagine-t-on où elle pourrait aller avec un ministère de la Justice à la botte de Donald Trump ? En fait, elle donne un avant-gout de ce que pourrait être un second mandat du candidat républicain.
[i] Victoria Nuland est sous-secrétaire d’Etat pour les Affaires politiques depuis 2021
3 décembre
Viré !
On pourrait penser à une tempête dans un verre d’eau. Pourtant l’événement est rarissime. George Santos, l’élu de l’Etat de New York, a été expulsé par ses pairs de la Chambre des représentants. C’est le sixième seulement à être déchu de ses fonctions depuis la création de la Chambre. Les raisons : Une liste longue comme le bras de mensonges et de délits compilés dans un document (56-page report) publié le mois dernier par la Commission d’éthique. Face à ce torrent de corruptions et de malversations, George Santos avait annoncé qu’il ne se représenterait pas, voulant échapper à une sanction qui aurait ainsi constitué une tâche dans un CV déjà lourdement chargé. Sous l’impulsion de la Commission, les Représentants ont donc souhaité mettre un peu d’ordre dans leurs rangs et le marquer du fer rouge de l’ignominie avant qu’il ne soit trop tard. Pour autant, les calculs politiques ne sont pas totalement absents de cette décision historique. Les méfaits de l’élu étaient plus dommageables au parti républicain, surtout dans la perspective des prochaines élections, que la seule valeur de son vote. Si la moitié (seulement) des élus républicains ont voté l’exclusion malgré la gravité des charges[i], les quatre plus hauts responsables des représentants républicains, dont le Speaker Mike Johnson, ont voté contre. Ce qui pour le moins fait désordre et montre la dimension chaotique de ce groupe. “People were frustrated with how leadership handled this entire thing. … If this was not the standard to remove someone, why even have an Ethics Committee?” a déclaré le républicain newyorkais Andrew Garbarino, membre de la Commission. Quittant l’hémicycle avant le vote, et descendant les marches du Capitole, George Santos a déclaré avec grâce : “Why would I want to stay here? To hell with this place”. Finalement, si expulser George Santos était une mesure de salubrité publique, la mise à l’écart du candidat Trump, dont les charges sont nettement plus lourdes, le serait bien plus. Mais cela demanderait sans doute un peu de courage. Ce qui apparemment fait défaut.
[i] Pour exclure un membre de la Chambre des représentants il faut les deux tiers des voix.
26 novembre
De la polarisation
La Transportation Security Administration (TSA) a enregistré quelque 30 millions de passagers aériens à l’occasion de la traditionnelle fête de Thanksgiving (entre le 17 et le 28 novembre). C’est la période de l’année la plus chargée à l’occasion de laquelle les Américains se retrouvent en famille. « Happy Thanksgiving to all – even the haters and losers ! » n’a pas hésité à écrire l’ex-président sur son réseau social dans un élan fédérateur. C’est donc pour les infrastructures aériennes le moment de tester leurs capacités à supporter un pic de trafic. Mais c’est aussi l’occasion pour les familles de vérifier si elles sont toujours unies et soudées. Depuis quelques années, un sujet de conversation est à éviter dans de nombreuses maisons tant la société américaine est devenue polarisée et fracturée : la politique. L’observation n’est pas nouvelle mais elle est semble prendre des proportions inégalées. L’ex-représentant Adam Kinzinger qui avait fait partie de la Commission du 6 janvier a publié des lettres qu’il avait reçues de sa propre famille pour montrer aux Américains l’intensité du phénomène : « You have embarrassed the Kinzinger family name » ou encore « what a disappointment you are to me and to God ! ».
A qui la faute ? Selon un sondage publié par Quinnipiac University[i], les réseaux sociaux viennent en tête avec 35 % des réponses devant les leaders politiques (32%) et les chaînes d’information continue (28%). Et ce sont les jeunes – les utilisateurs les plus actifs des réseaux sociaux – qui semblent être les plus clairvoyants puisqu’ils sont 45 % à les incriminer comme source de division. L’espoir que ces réseaux avaient suscités pour rendre le monde meilleur, par exemple lors des printemps arabes, n’est-il pas en train de se transformer en véritable cauchemar ?
[i] WHO IS MOST RESPONSIBLE FOR DIVISIONS IN THE U.S.? SOCIAL MEDIA RANKS #1 AMONG YOUNG VOTERS, QUINNIPIAC UNIVERSITY NATIONAL POLL FINDS; TABLE THE TALK ABOUT POLITICS AT THANKSGIVING, SAY VOTERS
19 novembre
Attaque entomologique sur l’Amérique
Le mois dernier, Donald Trump n’avait-il pas déclaré que « les immigrants illégaux empoisonnent le sang de notre pays », une formule que l’on peut retrouver dans Mein Kampf où il est écrit que « les Juifs et les immigrés empoisonnent le sang de l’Allemagne et de la race aryenne ». Samedi dernier, lors d’un rassemblement dans le New Hampshire, à l’occasion du Veterans Day, l’ex-président n’a pas hésité à traiter les opposants au sein de son parti de « Communists, Marxists, Fascists, and Radical Left Thugs that live like vermin ». Et il ne s’agissait pas d’une saillie verbale incontrôlée mais de la lecture d’un texte écrit en prenant le temps de la réflexion. Au cas où l’on n’aurait pas eu la chance de l’entendre, on peut relire la formulation démente sur le fil de son réseau social. Il ne s’agit donc pas d’un accident. “When you dehumanize an opponent, you strip them of their constitutional rights to participate securely in a democracy because you’re saying they’re not human. That’s what dictators do[i]”, explique Timothy Naftali, senior research scholar at Columbia University’s School of International and Public Affairs. “I am not going to comment on candidates and their campaign messaging”, a expliqué Ronna McDaniel, la présidente du parti républicain qui s’honore de prendre de la hauteur en se hissant au-dessus du caniveau. Plus le discours du candidat MAGA (ne devrait-on pas dire GAGA ?) se radicalise, plus l’ancien président des Etats-Unis accumule les inculpations, plus il insulte son futur opposant et plus il semble rasséréner ses soutiens. On est rassuré, la démocratie n’est pas en péril.
[i] Trump Goes Full Hitler by Calling Political Foes ‘Vermin’
12 novembre
Cours, Jenny, cours !
Jenny Hoffman a couru 4800 kilomètres en un peu plus de 47 jours (47 jours, 12 heures et 35 minutes), soit une moyenne de 100 kilomètres par jour. Elle est partie de San Francisco le 16 septembre pour arriver à New York le 3 novembre, traversant ainsi tous les Etats-Unis d’Ouest en Est. Elle a ainsi battu le précédent record du Guinness World Records de plus d’une semaine. “Tu es stupide ou quoi” demandait Jenny à Forest Gump et aurait pu s’interroger Jenny Hoffman accomplissant sa randonnée à travers l’Amérique. “N’est stupide que la stupidité” aurait-elle pu se répondre à elle-même. En accomplissant son périple, elle a déclaré avoir découvert combien les Américains sont amicaux et hospitaliers. Dans le Nebraska, une femme lui a donné une douzaine d’œufs frais. Dans l’Utah, une entreprise de cimenterie, une veste réfléchissante pour sa sécurité. “Red States, blue states, peu importe, toutes les personnes que j’ai rencontrées ont été si généreuses. Rafraîchissant et étonnant contraste avec le public qui vocifère lors des meetings politique de Donald Trump et donne une image inquiétante de l’Amérique. Il se trouve que Jenny Hoffman est professeur de physique quantique à l’université de Harvard. A la fois onde et particule, elle a réussi à occuper un grand nombre de positions différentes en même temps, ou presque. Et selon le principe de Contrafactualité, considéré comme la septième merveille du monde quantique, elle a sans doute été tentée d’abandonner à de multiples reprises mais ne l’a pas fait, ce qui a exercé une influence déterminante sur l’expérience, la transformant en une parfaite réussite.
“Vous ne croirez pas si je vous le disais, mais je coure comme souffle le vent”.
5 novembre
Bump Stocks or not Bump Stocks?
Donald Trump avait-il l’autorité de bannir les « Bump Stocks », ces dispositifs qui transforment les armes semi-automatiques en armes automatiques ? [i] La Cour Suprême a accepté d’examiner la question dans le courant de l’année prochaine. Le 1er octobre 2017, Stephen Paddock, un retraité de la Poste, positionné au 32e étage du Mandalay Bay Resort de Las Vegas et muni d’une arme à feu transformée en « machine gun », tue 60 personnes et en blesse 413. Il peut tirer plus de 1000 coups en 11 minutes sur une foule de 22 000 personnes venues assister à un concert en plein air sur le Las Vegas Strip. Un véritable carnage. En février 2018, Donald Trump demande au Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives de se pencher sur la légalité des « Bump Stocks » et de revenir sur une décision prise sous l’administration Obama. L’interdiction de ces dispositifs de mort prend effet en 2019. Après le massacre de Las Vegas, des responsables du ministère de la Justice affirment que l’Exécutif n’a pas l’autorité de prendre une telle décision sans consulter le Congrès. Ce n’est donc pas le deuxième Amendement qui est en question mais la légalité d’une décision prise par le président. La NRA répète à l’envi que ce ne sont pas les armes à feu qui tuent mais les personnes qui les détiennent. Toutefois, on peut affirmer sans crainte d’être contredit que sans arme automatique, Stephen Paddock n’aurait pas réussi une telle hécatombe. Les Etats-Unis sont malades des armes à feu et 2023 sera une année record en tuerie de masse.
[i] Le National Firearms Act of 1934 définit une « machine gun » comme une arme qui tire, peut tirer ou peut être transformée pour tirer automatiquement plus d’un coup sans avoir à recharger et en appuyant une seule fois sur la gâchette. Le Gun Control Act of 1968 a élargi cette définition en incluant les dispositifs (comme les Bump Stocks) qui peuvent être utilisés pour transformer une arme en « machine gun ».
29 octobre
Chaos (suite et fin) : Un MAGA inconnu prend le gavel
Exit Jim Jordan, trop clivant, Exit Steve Scalise, cassé par les supporters du premier, Exit Tom Emmer, banni par Donald Trump car il avait voté pour la certification des vrais grands électeurs et ainsi accepté l’élection de Joe Biden. Voici Mike Johnson, un inconnu, trop inconnu pour avoir beaucoup d’ennemis mais un vrai républicain MAGA, supporter inconditionnel de Donald Trump qu’il avait accompagné activement dans sa tentative de coup d’état et dont il avait défendu la cause lors du second Impeachment.
Cinquante-sixième speaker de la Chambre des représentants mais premier élu de la Louisiane à atteindre cette fonction, Mike Johnson est considéré comme un « nice guy », ce qui ne l’empêche pas d’avoir des positions radicales. Se présentant comme un chrétien évangélique, il est FAROUCHEMENT anti-IVG, anti-mariage pourtous, anti-syndicats, anti-LGBT et largement hostile à l’immigration. Côté international, Il est proche de l’extrême-droite israélienne mais contre un soutien financier additionnel à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. Pour compléter ce portrait, Mike Johnson est l’élu le moins expérimenté à devenir speaker depuis un siècle, entre autres, il n’a jamais assumé de présidence de commission. Le sénateur Mitt Romney (R-UT), qui a reconnu ne pas le connaître, a déclaré : « Apparently experience isn’t necessary for the speaker job… We’re down to folks who haven’t had leadership or chairmanship roles, which means their administration of the House will be a new experience for them ». Un tel speaker va-t-il être un atout pour Donald Trump en 2024 ? Pas sûr.
15 octobre
Chaos historique (suite)
Le film est en train de se transformer en série. Le premier épisode a été la révocation du Speaker McCarthy, première fois dans l’histoire des Etats-Unis. Le deuxième épisode a vu deux candidats se présenter pour décrocher le marteau : Jim Jordan et Steve Scalise. Le premier est un pro-Trump de la première heure, a participé à la tentative de coup d’Etat et veut à tout prix débouter Joe Biden. Le second s’est comparé au Grand sorcier du KKK. Charybde Scalise a déclaré forfait car il a compris qu’il n’obtiendrait pas les 217 voix nécessaires. Le troisième épisode commence donc avec la candidature de Scylla Jim Jordan qui n’est pas dans une meilleure position pour décrocher le mandat. Certains poussent à élargir les prérogatives du Speaker temporaire (pro tempore), mais primo, cela n’a jamais été mis en œuvre, et secundo, il est peu probable qu’il bénéficie du soutien nécessaire. Rappelons que le Speaker est le troisième personnage de l’Etat. Sans Speaker, le Congrès est en panne. Il ne pourra pas voter les fonds d’aide à l’Ukraine ou à Israël et ne sera pas en mesure d’empêcher le government shutdown qui se profile à l’horizon du mois de novembre. Bref, un gouvernement qui ne peut gouverner et ne semble pas le vouloir. Les républicains se présentent comme le parti du « Law and Order ». Une qualification qui ne correspond plus à la réalité quand certains refusent le verdict des urnes, essayent d’en changer le résultat, veulent supprimer les trois-quarts de l’administration – le ministère de l’Education, le FBI ou la CIA -, bloquent les nominations des hauts postes de l’armée, veulent faire remplir un « wokeness questionnaire » aux personnels du Département d’Etat… Que nous réserve le quatrième épisode ? Et qu’attendre d’une possible deuxième saison qui pourrait commencer en fanfare avec l’élection de Donald Trump ?
8 octobre
Chaos historique !
Cette semaine, le speaker républicain Kevin McCarthy de la Chambre des représentants a été révoqué par un groupuscule de huit élus de la frange ultra-right. Qualifier l’événement d’historique n’est pas exagéré dans la mesure où c’est la première fois dans l’histoire des Etats-Unis. Un élément de plus qui s’ajoute aux dysfonctionnements des institutions américaines qui collectionnent désormais les premières. Une tentative de coup d’État, qui a commencé le soir même des élections pour atteindre son point culminant le 6 janvier 2021 avec l’attaque du Capitole et la tentative d’empêcher la certification des votes des grands électeurs. Un ancien président qui refuse toujours d’accepter le résultat des élections présidentielles de 2020 au motif qu’elles auraient été frauduleuses. Un ex-président qui accuse l’ancien chef d’état-major des armées de trahison et considère que cela mérite la peine de mort. Un ex-président qui propose de tirer sans sommation sur les voleurs des magasins. Un ex-président qui est mis en examen sur quatre affaires différentes et 91 chefs d’accusation et est actuellement jugé pour des malversations financières.
Et la situation ne devrait pas s’améliorer à court terme si l’on en juge par le profil des deux candidats à la fonction de speaker, Jim Jordan et Steve Scalise. Le premier est un pro-Trump de la première heure, a participé à la tentative de coup d’Etat et a passé une bonne partie de son mandat à chercher – en vain – des éléments pour lancer une procédure d’impeachment contre Joe Biden. Le second s’est lui-même qualifié de « David Duke[i] without the baggage ». Les républicains sains d’esprit qui restent vont-ils un jour couper les ponts avec les extrémistes MAGA, avant qu’il ne soit trop tard ?
[i] David Duke est ancien Grand Sorcier des Knights of the Ku Klux Klan, néonazi, promoteur de théories racistes et complotistes, militant de la suprématie blanche et du « nationalisme blanc »
1er octobre
Le plafond de verre qui ne veut pas être brisé
« La femme est l’avenir de l’homme » chantait Jean Ferrat reprenant la maxime d’Aragon dans le Fou d’Elsa. Mais l’homme fait de la résistance. Qu’on en juge ! Les femmes représentent 10% des CEO (Chief Executive Officer) des entreprises du Fortune 500 et 30% des conseils d’administration[i]. Une situation anormale si l’on considère que les CEO ont obtenu leur diplôme du supérieur dans les années 1990 et qu’à cette époque déjà, 18% des femmes étaient titulaires d’un Bachelor contre 24% des hommes. A diplôme égal, elles devraient donc être 40% des CEO. Pourquoi un tel décalage ? La première raison invoquée par les Américains dans un sondage réalisé par le Pew Research Institute (How Americans see the state of gender and leadership in business) est que les femmes doivent prouver plus que les hommes pour obtenir les mêmes postes. La seconde est qu’elles sont confrontées à des mesures discriminatoires. Ce qui veut dire à peu près la même chose. Viennent ensuite les responsabilités familiales.
Les démocrates se désolent beaucoup plus de cette situation que les républicains (73% contre 33%).
Aujourd’hui, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être diplômées du supérieur : 36,7% contre 33,7%. Le plafond de verre va-t-il un jour disparaître ?
[i] Le monde politique est un peu en avance puisque 28 % des élus de la Chambre des représentants sont des femmes. Cela grâce aux démocrates (43 % des démocrates contre 14 % chez les républicains)
24 septembre
Le chili bowl entre melting pot et salad bowl
Il y a autant d’Américains d’origine mexicaine aujourd’hui qu’il y avait d’habitants au Mexique en 1960. Et c’est le groupe d’origine hispanique de loin le plus important (35,9 millions) devant les Portoricains (5,6) et les Salvadoriens (2,3). Pour la première fois, les Américains d’origine colombienne et hondurienne ont dépassé le million. Du côté de l’Asie, c’est la Chine (incluant Taïwan) qui vient en tête avec 5,2 millions devant l’Inde (4,4) à égalité devant les Philippines et devant le Vietnam (2,3), la Corée du Sud (2) et le Japon (1,6).
Ces Américains venus d’ailleurs sont de plus en plus nombreux, ils s’ajoutent à ceux présents depuis plus longtemps, les Européens, et les Afro-Américains. Sans oublier les premiers habitants de l’Amérique, les Indiens dont les Cherokees sont les plus nombreux (1,5). Telles sont les données du recensement de 2020.
On le voit, par construction, les Etats-Unis sont un pays d’immigration. Cette caractéristique n’est pas près de s’effacer car ils restent, et de loin, la destination de prédilection pour bon nombre d’habitants de la planète. Les républicains MAGA ont développé un discours critique, voire hostile, à l’immigration. Les démocrates y sont plus favorables, parfois avec des arrière-pensées politiques.
Pourtant, rien ne s’y oppose pour une nation fondée sur l’état de droit et les textes fondateurs que sont la Constitution et la Déclaration d’indépendance, même si l’appartenance identitaire, l’histoire et la tradition personnelles peuvent freiner cette nécessaire alchimie. Entre la métaphore du melting pot, qui créé un ensemble d’homogène, et celle du salad bowl, qui met l’accent sur la dimension multiculturelle, certains proposent l’alternative médiane du Chili bowl qui concilie le caractère unique de chaque individu et l’identité collective. C’est sans doute plus facile à dire qu’à faire.
17 septembre
L’UAW against Corporate Greed
« Greed is good, greed is right, greed works », s’exclamait Gordon Gekko dans le film d’Oliver Stone « Wall Street: Money Never Sleeps ». Ce n’est pas l’avis du syndicat des travailleurs de l’industrie automobile United Auto Workers qui vient de lancer le premier mouvement conjoint de grève des travailleurs des Big 3 – General Motors, Ford et Stellantis qui regroupe les marques Chrysler, Jeep et Ram – depuis la création du syndicat il y a près de 90 ans. Mouvement initié par Shawn Fain, premier président élu directement par les membres du syndicat en mars dernier. Auparavant, les présidents étaient désignés par cooptation, un mode de sélection qui avait abouti à des problèmes de corruption – les deux prédécesseurs de Shawn Fain ont été condamnés à de la prison – et à des relations très consensuelles avec les directions des entreprises. Succédant aux “Sit Down Strikes”, ce nouveau type de grève baptisée “Stand Up Strike” consiste à commencer le mouvement localement et à l’étendre si nécessaire. La première salve des arrêts de travail touche 13 000 travailleurs sur les 150 000 salariés et cible les usines fabriquant plutôt des modèles haut de gamme.
Après avoir fait des concessions depuis la crise de 2007-2008, notamment en abandonnant le principe d’ajustement des salaires en fonction de l’inflation instauré en 1948 et un niveau de salaire nettement inférieur pour les nouveaux entrants, l’UAW demande une revalorisation substantielle que les entreprises ne semblent pas prêtes à accepter. Le syndicat peut tenir car il bénéficie d’un fonds de grève de plus de 800 M$. De leur côté, les Big 3 ont réalisé 250 Mds$ de bénéfices entre 2013 et 2022 et 20 Mds$ au premier semestre 2023. Fidèle à l’idée que « unions built the middle class », le président Joe Biden soutien le mouvement même si cela pourrait à terme se retourner contre lui lors des élections de 2024 en impactant l’économie américaine. Quant à l’ineffable U.S. Chamber of Commerce, sa présidente Suzanne Clark a déclaré que “The UAW strike and indeed the ‘summer of strikes’ is the natural result of the Biden administration’s ‘whole of government’ approach to promoting unionization at all costs”.
10 septembre
What’s the matters with Wisconsin ?
En avril dernier, la démocrate Janet Protasiewicz a battu Dan Kelly dans une élection pour le poste de juge à la Cour Suprême de l’Etat. Cette élection était de première importance puisqu’elle donna une majorité aux libéraux face aux conservateurs (4-3). Par ailleurs, elle a été l’une des plus coûteuses de l’histoire engloutissant quelque 40 millions de dollars. Quand le juge démissionnaire fut élu il y a 20 ans, les dépenses totales avaient été de 27 000 dollars. Suivant la trace de Donald Trump, Daniel Kelly, le concurrent de Janet Protasiewicz, a refusé d’appeler son adversaire pour concéder l’élection, affirmant « qu’il respectait la décision des électeurs mais pas elle ».
Aujourd’hui, les républicains ont eu une révélation en comprenant qu’ils pouvaient lancer une procédure d’impeachment contre la juge, sachant que cette dernière n’a pas encore statué sur une affaire. Ils justifient leur initiative parce qu’elle a fait connaître sa position avant d’être élue sur le cas de Gerrymandering qui va être porté devant la Cour Suprême du Wisconsin et qu’elle ne projette pas de se récuser sur cette affaire. Une telle procédure d’impeachment n’est intervenue qu’une seule fois dans l’histoire du Wisconsin, en 1853, cinq ans seulement après que l’Etat a été rattaché à l’Union.
Pour lancer la procédure, il suffit d’une majorité simple de la chambre des représentants de l’Etat. A supposer que le Sénat du Wisconsin confirme la procédure (c’est possible car les républicains ont une très large majorité – 22/11), le gouverneur (démocrate) pourrait nommer son remplaçant du jour au lendemain en attendant de nouvelles élections l’année prochaine. Au vu des résultats de cette année, l’élection d’un juge libéral est plus que probable. Donc cette manœuvre des républicains n’est que de la gesticulation. Et il témoigne d’un comportement selon lequel si tu n’aimes pas le résultat des élections, il faut soit les contester soit les inverser.
3 septembre
« Pound the table and yell like hell »
Depuis son inculpation en Géorgie, l’ex-président n’a de cesse d’attaquer la procureure Fani Willis, de l’insulter comme il sait si bien le faire. Un activisme destiné notamment à mobiliser les troupes pour trouver la parade aux inéluctables conséquences de cette mise en examen. La dernière initiative est celle du sénateur de l’Etat de Géorgie Colton Moore qui veut tout simplement lancer une procédure d’impeachment contre la procureure : « I’m not going to sit back and watch as radical left prosecutors politically TARGET political opponents » a-t-il déclaré le mois dernier en ajoutant qu’il avait une majorité des trois cinquièmes des deux Chambres pour soutenir cette procédure. La création d’une Prosecuting Attorneys Qualifications Commission ayant le pouvoir de débouter des procureurs locaux pourrait faciliter une telle entreprise et Fani Willis serait une cible idéale pour cette nouvelle commission (Au passage, le gouverneur de Floride Ron DeSantis a révoqué des procureurs qui ne lui plaisaient pas).
Ce qui pourrait être considéré comme de la gesticulation semble avoir été stoppé net par Brian Kemp lui-même qui a déclaré lors d’une conférence de presse « Up to this point, I have not seen any evidence that DA Willis’ actions or lack thereof warrant action by the prosecuting attorney oversight commission (…) As long as I am governor, we’re going to follow the law and the Constitution, regardless of who it helps or harms politically. »
« If the facts are against you, argue the law. If the law is against you, argue the facts. If the law and the facts are against you, pound the table and yell like hell » expliquait non sans humour l’écrivain Carl Sandburg(1). Il a trouvé un adepte inconditionnel de son conseil avisé.
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(1) Carl Sandburg, né en 1878 à Galesburg (Illinois), et mort en 1967 à Flat Rock (Caroline du Nord), est un poète, historien, écrivain américain d’origine suédoise.
27 août
Il y a soixante ans Martin Luther King “had a deam”
Le 28 août 1963, 250 000 personnes convergèrent vers l’obélisque à l’occasion de la « Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté ». Martin Luther King y fit son fameux discours « I have a dream » qui reste dans la mémoire collective américaine et marqua la l’apogée d’un mouvement destiné à corriger le péché originel des Etats-Unis : l’esclavage. Comme le remarque David Brog[i], ce discours clos un drame en trois actes qui avait commencé à la création des Etats-Unis d’Amérique. L’esclavage y avait été accepté comme un compromis nécessaire pour maintenir l’Union. Il était reconnu dans la Constitution. Le second acte a été ouvert avec la guerre de Sécession et se termina par le vote des 13e, 14e et 15e Amendements qui abolissaient l’esclavage, garantissaient la citoyenneté aux Noirs et le droit de vote, et leur protection égale de la loi. Pour limiter l’application de ces nouveaux droits, les démocrates du Sud mirent en œuvre la ségrégation, la discrimination et la terreur. « Five score[ii] » plus tard, Martin Luther King, chef de file du mouvement des droits civiques, ouvrait le troisième acte qui garantissait dans les faits cette réalité que « We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal ». « Si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant » pourrait-on ajouter en citant Talleyrand. Peu après, Lyndon Johnson signait le Civil Rights of 1964 et le Voting Rights Act of 1965. Cinq ans plus tard, Martin Luther King était assassiné. Etait-il trop woke ? Ou un trop ardent défenseur de la Critical Race Theory ?
[i] It Was Dr. King Who Made America the Nation Promised at Our Founding – David Brog , executive director of the Maccabee Task Force – Newsweek.
[ii] Martin Luther King commence son discours par : « Five score years ago, a great American, in whose symbolic shadow we stand today, signed the Emancipation Proclamation » pour faire écho au discours de Gettysburg d’Abraham Lincoln dans son: « Fourscore and seven years ago our fathers brought forth on this continent a new nation, conceived in liberty, and dedicated to the proposition that all men are created equal ».
20 août
What’s the matter with Oklahoma?
L’American Civil Liberties Union (ACLU) et une demi-douzaine d’organisations ont engagé une action judiciaire contre l’état de l’Oklahoma pour qu’il arrête de financer l’école St Isidore of Seville Catholic Church Virtual School au motif de violer la constitution et la loi Oklahoma Charter Schools Act. En cause, les mesures discriminatoires dans le recrutement des élèves et du personnel, notamment en matière religieuse et d’orientation sexuelle. Pour compliquer la situation, St Isidore est une charter school, école publique gérée de manière privée, ici le diocèse d’Oklahoma City. St Isidore ne cache pas ses objectifs et ses valeurs en mettant « the Church at the service of the community in the realm of education » et en intégrant « the teachings of the Catholic Church in every aspect of the school ». Pourquoi pas mais alors pourquoi demander des fonds publics et constituer ainsi une école publique privée. L’ACLU rappelle qu’il s’agit-là d’un « oxymore constitutionnel » : « Public school are not Sunday schools ». Le jugement est important dans la mesure où il pourrait faire jurisprudence dans de nombreux Etats. Cette affaire n’intervient pas par hasard mais dans un État ultra dominé par les républicains, au niveau du gouvernorat et des deux chambres avec une très large majorité (81R/20D et 39R/8D). Également, tous les élus à la Chambre des Représentants et du Sénat sont républicains. Aux élections de 2020, Donald Trump avait recueilli 65 % des suffrages. Proposer une école virtuelle ne manque pas de sel lorsque l’on se souvient des critiques des républicains quand il s’agissait de faire les cours en virtuel pendant la pandémie du Covid.
PS : Parmi les mesures baroques avancées par les candidats républicains, Vivek Ramaswami, qui se présente comme un « Trump jeune », veut supprimer le ministère de l’Education.
13 août
Quitte ou double !
Il y a 49 ans cette semaine, Richard Nixon, sous l’évidence des faits et la pression des membres de son parti, démissionnait de sa fonction de président des Etats-Unis. Il annonçait cette décision par le truchement de la lettre la plus laconique qui soit, adressée à Henry Kissinger : « Dear Mr. Secretary: I hereby resign the Office of President of the United States ». Message complété par une déclaration à la télévision un peu plus passionnelle. Quelques mois plus tôt, en novembre 1973, lors d’une conférence de presse, il faisait cette déclaration restée dans la postérité : « I’m not a crook ». Devenu président, Gerald Ford lui accordait le pardon pour réunifier le peuple américain et aller de l’avant. Richard Nixon était néanmoins radié du barreau de l’Etat de New York.
Un demi-siècle plus tard, un ex-président, sous l’objet de trois inculpations et d’une quatrième à venir, utilise sa candidature aux élections présidentielles de 2024 pour maquiller des initiatives judiciaires en opérations politiques. On avait eu droit à « on n’inculpe pas un président en exercice, on ne destitue pas un président qui ne l’est plus », on a maintenant : « on n’attaque pas un candidat aux élections présidentielles, de surcroît en tête dans les primaires ». 70 % des électeurs républicains ne trouvent rien à y redire et continuent à financer ses frais d’avocats et le GOP semble prêt à le soutenir, quel qu’en soit le prix à payer. Quelques voix s’élèvent. Parmi les dernières les plus notables, citons celle de deux professeurs de droit (conservateurs) qui viennent de publier un article affirmant que l’article 3 du 14e amendement « forbids holding office by former office holders who then participate in insurrection or rebellion ». La réponse de l’intéressé : « Même pas peur » et des responsables du GOP : « What about Joe Biden? ». S’il est élu, il pourra s’auto-administrer le pardon présidentiel pour se blanchir et définitivement empêcher tous ses opposants d’une quelconque velléité de lui chercher des noises.
Richard Nixon – “I’m not a crook”
The Sweep and Force of Section Three – University of Pennsylvania Law Review, Vol. 172, 2024
William Baude, University of Chicago – Law School, Michael Stokes Paulsen – University of St. Thomas School of Law. August 9, 2023
6 août
La séparation des pouvoirs en action
Ils étaient sept[i] sénateurs, autant que les Magnificent Seven, à voter en faveur de la seconde procédure de destitution de Donald Trump pour incitation à l’insurrection. Cependant, contrairement au film où les sept mercenaires ont réussi à protéger le village mexicain de la bande de Calvera, il aurait fallu qu’ils soient dix-sept pour sauvegarder la démocratie américaine et ainsi rendre l’ancien président inéligible. Pourtant, le leader de la minorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell, avait été clair en désignant Donald Trump comme étant « moralement responsable de l’attaque du 6 janvier contre le Capitole des États-Unis ». Par la suite, il s’est retranché derrière une argutie de procédure en expliquant qu’un ancien président ne pouvait être destitué par le Congrès. Sorti indemne, voire galvanisée, avec l’impression qu’il était intouchable, l’ancien président est donc reparti de plus belle en clamant haut et fort que les élections avaient été frauduleuses et que Joe Biden n’était pas légitime.
Deux ans et demi plus tard, cet ancien président, deux fois mis en accusation (impeached), trois fois inculpé et ayant mis à mal le système judiciaire des États-Unis, sera en mesure de se présenter de nouveau aux élections présidentielles. « Sénateurs, c’est l’un de ces moments », exhortait sans succès Joe Neguse, Représentant démocrate du Colorado, les sénateurs à voter en faveur de la mise en accusation (impeachment), « car la froide et dure vérité est que ce qui s’est passé le 6 janvier peut se reproduire (…) Sénateurs, cela ne peut pas être le début, cela doit être la fin. Et cette décision est entre vos mains ». La branche législative n’a pas franchi le pas. C’est maintenant au tour de la branche judiciaire de remplir son devoir.
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[i] Susan Collins (Maine), Lisa Murkowski (Alaska), Mitt Romney (Utah), Ben Sasse (Nebraska), Pat Toomey (Pennsylvanie), Richard Burr (Caroline du Nord) et Bill Cassidy (Louisiane)
Groundhog Year !
A la suite de multiples manœuvres de son équipe d’avocats, Donald Trump a réussi à reporter le procès concernant l’affaire du complot contre l’État après les élections de 2024. Comme prévu, il a largement gagné les primaires républicaines. Après le Super Tuesday, les autres candidats se sont rendus à l’évidence et ont jeté l’éponge. Heureusement d’ailleurs car son emploi du temps judiciaire était plutôt chargé. Grâce à l’habileté de ses avocats, il a été acquitté de toutes les autres affaires juridiques en cours, lui laissant le champ libre pour préparer les élections générales. Il a alors bâti sa campagne sur trois éléments : renforcer le pouvoir présidentiel, châtier ses ennemis et attaquer le deep state. Le slogan Make America Great Again s’est transformé en Glory To Our Beloved Leader. Dans son programme, le titre de président deviendra président “suprême”. Si une cour pouvait s’affubler de ce qualificatif, pourquoi pas le président. Il a de nouveau repris l’idée qu’il ne pouvait que gagner les élections. Le soir du 5 novembre 2024, vers minuit, alors que les résultats ne sont pas connus, il organise une conférence de presse pour déclarer victoire. Les résultats sont serrés et officiellement annoncés le vendredi 8 et c’est de nouveau Joe Biden qui l’emporte. Entouré de conseillers et avocats en tous genres, aguerri par l’expérience de 2020, Donald Trump lance toutes sortes d’actions devant les tribunaux, toutes déboutées par les juges. Qu’à cela ne tienne, il déclenche des initiatives auprès des ministres des affaires étrangères des Etats clés pour créer des listes de grands électeurs alternatifs… La suite est connue.
A quoi bon la démocratie ?
69 % des républicains (ou affiliés) pensent que la victoire de Joe Biden aux élections de 2020 est illégitime. Sans doute les mêmes qu’Hillary Clinton avait surnommé les « deplorables ». Un pourcentage qui reste stable et élevé alors qu’il n’existe aucune évidence que les élections n’ont pas été « fair and square ». Trois Américains sur quatre ayant voté pour Donald Trump en 2020 expriment des doutes sur la légitimité de Joe Biden. Une élection ne devrait-elle pas être considérée juste tant qu’elle n’est pas avérée frauduleuse ? 38 % des Américains pensent (un bien grand mot pour une idée pareille) que Joe Biden n’a pas réuni assez de votes pour être élu. Environ un Américain sur deux continue à croire qu’il est assez probable qu’un candidat peut subvertir le résultat d’une élection si son parti ne gagne pas. « La démocratie est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres » aurait dit Churchill. Mais comment ce « mauvais » système de gouvernement peut-il subsister si les citoyens ne croient pas dans la sincérité des élections alors même que celles-ci constituent le pilier sur laquelle la démocratie repose. Ce résultat n’est pas un hasard. « I AM NOW GOING TO WASHINGTON, D.C., TO BE ARRESTED FOR HAVING CHALLENGED A CORRUPT, RIGGED, & STOLEN ELECTION. IT IS A GREAT HONOR, BECAUSE I AM BEING ARRESTED FOR YOU » écrit sur son réseau social préféré Donald Trump deux ans et demi après l’élection de 2020. « I NEED ONE MORE INDICTMENT TO ENSURE MY ELECTION! » poursuit-il commentant cette nouvelle décision de justice et arborant ses inculpations comme les joueurs de football affichent les étoiles sur leur maillot pour chaque coupe du monde gagnée. Apparemment, chaque inculpation lui donne l’occasion de récolter des fonds et de monter dans les sondages. Et malgré les injonctions du juge, il menace : « IF YOU GO AFTER ME, I’M COMING AFTER YOU! » De guerre lasse, si les Américains veulent se choisir un charlatan comme président, qu’ils le fassent !
30 juillet
Démocratie et gérontocratie
Il est loin le temps où le monde s’émerveillait de la jeunesse de John Kennedy. L’âge moyen des sénateurs des Etats-Unis est de 64 ans – l’âge légal de la retraite en France depuis quelques semaines 🙂 – et l’âge médian de 65 ans, c’est-à-dire que la moitié des sénateurs ont plus de 65 ans. Depuis 1980, la moyenne d’âge des sénateurs a augmenté de 12 ans. Le sujet de l’âge est à nouveau venu sur le tapis après que le leader de la minorité du Sénat, de neuf mois l’aîné de Joe Biden, a été confronté à un long moment d’absence, une vingtaine de secondes immobile devant le micro pendant lesquelles il semblait être sur une autre planète. Les Républicains, toujours prompts à mettre en doute les capacités cognitives du président, se sont voulus des plus rassurants. Le numéro trois du parti républicain au Sénat, John Barrasso, élu du Wyoming, a salué un « rétablissement remarquable ». Curieusement, ils n’abordent jamais l’âge de leur capitaine qui pourtant suit de près celui de son successeur à la Maison Blanche. L’âge serait donc un facteur dépendant de l’appartenance politique. Il n’empêche que certains élus ont clairement dépassé la limite. Dianne Feinstein, sénatrice démocrate de Californie, qui vient de souffler ses 90 bougies, a vraiment mérité une paisible retraite. Malheureusement, tous n’ont pas le sens de l’humour de Ronald Reagan, qui avait « très bien connu Thomas Jefferson, a friend of mine », lorsqu’il répondait sur cette question de l’âge : « I am not going to exploit, for political purposes, my opponent’s youth and inexperience » en parlant de son opposant démocrate Walter Mondale. Comme le faisait remarquer Georges Brassens, « L’âge ne fait rien à l’affaire (…) Qu’on ait vingt ans, qu’on soit grand-père… ».
23 juillet
The Big One
« In the government of the Commonwealth of Massachusetts, the legislative, executive, and judicial power shall be placed in separate departments, to the end that it might be a government of laws, and not of men » énonce la Constitution du Commonwealth of Massachusetts à laquelle John Adams avait contribué et qui a largement influencé la Constitution des Etats-Unis. Aujourd’hui, la question n’est plus celle-là. L’alternative est désormais « The Rule of Laws versus The Rule of Trump ». Les semaines passent et les inculpations s’amoncellent. Tout cela à cause des « vicious Communists, Marxists, Fascists, and Radical Left Democrats » bien sûr ! Et on attend l’inculpation pour le méfait de loin le plus grave : ce qu’il faut bien appeler une tentative de coup d’État et qui a culminé avec l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. A côté, les délits du Watergate et du Bureau Ovale transformé en lieu de luxure sont de la roupie de sansonnet. La campagne de 2024 du candidat républicain alternera meetings politiques et procédures judiciaires. Pourtant, cela ne fait pas vaciller les membres du parti républicain et euphorise la base. La situation où Trump sera déclaré coupable de crimes et nommé candidat républicain pour les élections de 2024 est de plus en plus plausible. On utilise trop souvent les superlatifs, mais ici c’est bien du jamais vu dans toute l’histoire des Etats-Unis. « Where is the King in America », écrivait Thomas Paine dans son Pamphlet Common Sense. « I’ll tell you Friend…that in America THE LAW IS KING. For an absolute governments the King is law, so in free countries the law ought to be King; and there ought to be no other ». Le choix des Américains est simple : Trump ou la démocratie.
16 juillet
Oui, mais !
Selon le Consumer Price Index, l’inflation est retombée à 3 % en juin[i]. Oui, mais Hunter Biden… Au sommet de l’OTAN, Joe Biden a renforcé l’unité de l’alliance avec les entrées, actée de la Suède après la levée du veto turque, et, à venir, de l’Ukraine[ii]. Oui, mais de la cocaïne a été trouvée à la Maison Blanche… Le chômage est au plus bas depuis un demi-siècle[iii]. Oui, mais Joe Biden n’a pas reconnu une de ses petites-filles[iv]… La crise à la frontière avec le Mexique s’est améliorée avec une chute de 70 % des entrées illégales depuis mai[v]. Oui, mais les élections présidentielles de 2020 ont été frauduleuses… Le taux de criminalité a baissé de 11 % cette année par rapport à l’année dernière[vi] et ce malgré les tueries de masse qui ont continué d’augmenter. Oui, mais Joe Biden est le « président le plus corrompu de l’histoire des Etats-Unis[vii] »… Les Etats-Unis investissent massivement dans leur capacité de production de semiconducteurs. Oui, mais Joe Biden utilise le ministère de la Justice pour enquêter sur son futur rival politique de 2024. Bref, les échanges entre démocrates et républicains lors de la campagne de 2024 risquent d’être plutôt un dialogue de sourds. Les démocrates veulent parler des problèmes des Etats-Unis (ils n’en manquent pas), les républicains veulent parler des problèmes des démocrates. Comme l’explique le magazine Axios[viii], à la question “Do you think economic conditions are good or bad?”», les personnes interrogées comprennent “Do you like the current president or not?” ». En octobre 2020, le sentiment des républicains sur la qualité de la situation économique était de 26 points supérieur à celui des démocrates. En février 2021, alors que Biden venait d’entrer à la Maison Blanche (et donc n’avait encore rien fait), les Républicains évaluaient la situation économique 28 points plus bas que ne le faisaient les démocrates.
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[i] Inflation Eased to 3% in June, Slowest Pace in More Than Two Years
[ii] Sommet de l’Otan : Joe Biden, maître à bord ?
[iii] Unemployment has fallen to 3.5%, matching the lowest level in half a century
[iv] Biden campaigns on ‘decency.’ Refusing to acknowledge his granddaughter is anything but.
[v] Southern border ‘eerily quiet’ after policy shift on asylum seekers
[vi] U.S. Murder Rate Finally Dropping—Even As Mass Shootings Reach Record Levels
[vii] https://truthsocial.com/@realDonaldTrump
[viii] State of the economy: The vibes vs. the data
9 juillet
3 000 milliards au soleil !
Les marchés financiers croient de plus en plus aux technologies. Pour preuve, Apple vient de dépasser les 3 000 milliards de dollars de capitalisation boursière, un montant équivalent au PIB de la France. Sur les dix plus importantes valeurs au niveau mondial, huit sont des entreprises de technologies, toutes américaines sauf une qui est taïwanaise.
De leur côté, les individus doutent de plus en plus de la science. L’épisode du Covid-19 a montré combien les antivax ont fait entendre leurs doutes plutôt que de saluer la performance d’avoir développé un vaccin aussi rapidement et d’avoir ainsi sauvé des millions de vies (on ne soulèvera pas ici pas la question légitime du Big Pharma).
La tech n’est pourtant qu’un domaine dérivé de la science, sans science pas de tech. L’informatique quantique n’est qu’une application magistrale de la physique du même nom.
Comment une telle fracture a-t-elle pu se produire ? Les réseaux sociaux, une des dernières itérations des technologies de l’information, en portent sans doute une lourde responsabilité.
« À l’avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale », avait écrit Andy Warhol en 1968 dans le catalogue d’une exposition au Moderna Museet de Stockholm. Avec Facebook, Twitter et compagnie, chacun peut afficher sa propre réalité au monde. « Chacun a droit à ses propres opinions, mais pas à ses propres faits », déclarait en son temps Daniel Moynihan. « Ce ne sont plus nos opinions sur les faits qui nous divisent, mais les faits eux-mêmes », répond Jaron Lanier[i]. »
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[i] Citations mentionnées dans Les ingénieurs du chaos, Giuliano da Empoli, Folio actuel
2 juillet
Supreme Court Unchained !
Pas plus qu’on ne doit être surpris lorsque le marteau frappe le clou, on ne doit s’étonner des arrêts que la Cour Suprême des Etats-Unis publie jour après jour. C’était un plan longuement mûri par la Federalist Society depuis des décennies et concrétisé par Donald Trump avec la nomination de trois juges ultra-conservateurs. D’abord, les arrêts Students for Fair Admissions v. University of North Carolina et Students for Fair Admissions v. President and Fellows of Harvard College qui affirment que la prise en compte du critère de la race dans les admissions des universités est inconstitutionnelle, remettant en cause une pratique d’un demi-siècle (Adieu Affirmation action). Ensuite, l’arrêt Creative LLC v. Elenis qui donne raison à la créatrice de site Web lorsqu’elle refuse d’offrir ses services pour un mariage gay. Une affaire totalement fabriquée pour porter le cas devant la Cour Suprême. Enfin, la décision Biden v. Nebraska qui invalide le programme d’annulation de la dette décidé par Joe Biden. Un arrêt fondé sur une nouvelle doctrine sortie tout droit du cerveau des juges conservateurs baptisée « major questions » selon laquelle le Congrès ne peut pas déléguer des décisions aux agences fédérales sur des sujets essentiels. La Cour avait déjà mis en œuvre cette doctrine en déniant à l’Agence de la protection de l’environnement (EPA) le droit de réglementer la pollution de l’air. Trois arrêts en une semaine qui s’ajoutent à celui publié l’année dernière invalidant l’arrêt Roe v. Wade vieux d’un demi-siècle qui affirme que la Constitution ne confère pas de droit à l’IVG renvoyant ainsi cette prérogative aux Etats.
La démocratie repose sur la séparation des pouvoirs et sur les mécanismes de « checks and balances ». Clairement la Cour Suprême s’est arrogé des pouvoirs exorbitants pour régenter la société américaine et dans lesquels l’idéologie contamine le droit. « Retour sur le futur » toute !
25 juin
Expunge ou comment effacer l’histoire
Réindustrialiser le pays, contrôler l’expansion chinoise, réduire l’inflation, le déficit et la dette, régler le problème de l’immigration, s’atteler à la criminalité rampante ou à la menace liée au cocktail détonnant du fentanyl et de la xylazine… Bref, gouverner au nom du peuple américain, telle était l’ambition des républicains affichée lors des élections de mi-mandat de 2022. Mais sous l’influence de leur gourou, ils sont partis dans un délire procédurier qui n’a pas grand-chose à voir avec la conduite des affaires publiques. Les représentants républicains MAGA ont lancé une procédure d’impeachment contre la moitié des membres du cabinet de la Maison Blanche. Et à tout seigneur, tout honneur, envers son président Joe Biden. C’est très utile mais pas suffisant ! Deux des plus solides soutiens de Donald Trump, Elise Stefanik (R-N.Y.), numéro trois du GOP à la Chambre des représentants, ex-modérée piquée par la maladie de l’immodération, et Marjorie Taylor Greene (R-Ga), qui elle, semble en avoir été atteinte étant petite, ont engagé une démarche pour effacer (expunge ou un-impeach) les deux actions d’impeachement lancées contre l’ex-président : la première à la suite du « perfect call » avec le président ukrainien, la seconde pour l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021. C’est là une voie inexplorée jusqu’ici dans l’histoire des Etats-Unis concernant les 60 initiatives d’impeachment d’élus. Qu’elles aient abouties ou non, aucune de ces procédures n’a fait l’objet d’une action d’« un-impeachment ». Une tentative d’escamotage qui n’est pas sans rappeler les méthodes des maîtres du Kremlin qui, ne tolérant plus de voir des opposants à côté d’eux sur les photos officielles, les faisaient tout simplement effacer.
18 juin
Mr Teflon sticks to Washington
On n’inculpe par un président en exercice. La Chambre des représentants avait néanmoins lancé la première procédure d’impeachment à cause d’un « perfect call » dans lequel le président des Etats-Unis conditionnait la livraison d’armes à son homologue ukrainien à l’échange d’informations sur le fils de son futur opposant démocrate dans les élections de 2020. Les républicains du Sénat n’ont pas suivi, ne jugeant pas l’affaire suffisamment grave pour destituer le président. Seul Mitt Romney a voté pour le premier des deux chefs d’accusation. Rebelote après l’assaut du Capitole, véritable tentative de coup d’État. Les républicains n’ont toujours pas suivi, prétextant cette fois-là qu’on ne pouvait « impeached », un président qui n’est plus en exercice. Sept sénateurs républicains seulement ont joint leur voix à celles des démocrates. En novembre 2022, Donald Trump annonce sa candidature aux élections de novembre 2024. Deux ans avant l’échéance. Pourquoi si tôt ? La motivation principale est cousue de fil blanc. Une fois candidat, toute initiative judiciaire contre Donald Trump serait exclusivement liée à des motivations politiques. Et ses soutiens ajoutent que c’est aux Américains de décider par les urnes. Argument spécieux, voire inepte, puisqu’il supprime à la Justice sa raison d’être : dire le droit. Pour l’heure, les mises en examens et le calendrier électoral qui se charge tous les jours de nouveaux rendez-vous judiciaires ne semblent pas nuire au candidat républicain. Même s’il était condamné à de la prison ferme, rien ne l’empêcherait d’être élu[i]. Et du fond de sa cellule, le président élu pourrait alors accorder le pardon au détenu Donald Trump.
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[i] Eugene Debs s’est présenté aux élections de 1920 alors qu’il est détenu au pénitencier fédéral d’Atlanta en Géorgie. Il obtient 913 664 voix (3,4 %), le deuxième meilleur score du parti socialiste jamais obtenu. Peut-être Donald Trump battra-t-il ce record ?
11 juin
Fromage et dessert
Le restaurant Lamer Ica, spécialisé dans la gastronomie démocratique, vient d’obtenir sa troisième fourchette au titre de ses états de service depuis 2015. Pendant cette période exceptionnelle de créativité et d’inventivité, il a concocté un « four course meal » qui fait désormais sa réputation dans le monde entier.
En entrée, une condamnation à base d’agression sexuelle assortie d’une peine de 5 millions de dollars. La préparation de ce plat a demandé des années de réflexion. Il a eu un tel succès, que le chef du restaurant réfléchit à une nouvelle version qui pourrait atteindre les 10 millions de dollars.
En plat principal, une inculpation pour sept chefs d’accusation qui donnent une palette de goûts et de saveurs incomparable. Conservation de documents top secret, faux témoignage et conspiration en vue de faire obstruction à la justice sont les principaux ingrédients qui composent ce met dont la finesse le dispute à la profondeur.
En fromage, la Géorgie est à l’honneur avec une pâte persillée inédite à base de milliers de voix faisant écho au plat principal et donnant une perspective olfactive étonnante. Les clients qui en ont goûté ne l’ont pas regretté mais tous ne l’ont pas essayée.
Et pour le dessert, The grand finale, une implication directe dans une attaque soutenue par des milliers de partisans chauffés à blanc saupoudrés sur le Capitole. Aucun restaurant n’avait atteint une telle perfection. Les gourmets qui l’ont consommé ont témoigné qu’ils n’avaient jamais rien connu de tel dans leur vie.
Pour l’apéritif, le chef avait prévu une mise en examen baptisée Stormy Daniels Storm, une mise en bouche facilitant une mise en appétit exceptionnelle.
Le menu est arrosé des plus grands vins que l’on puisse trouver dans la cave de Lamer Ica : Big Lie Chardonnay, Vanity Pinot Noir, Vulgarity Zinfandel et Dishonesty Merlot.
4 juin
What’s the matter with Ohio?
L’Ohio est surnommé « the mother of presidents » avec 8 présidents nés sur ses terres, plus que tout autre Etat. Tous républicains sauf William Harrison qui appartenait au parti Whig. Cela n’empêchait pas le « Buckeye State » d’être ce que l’on appelle un « swing state », un État bascule qui vote tantôt démocrate, tantôt républicain. Ce n’est plus le cas. Il a largement voté pour Donald Trump aux deux dernières élections. Et c’est aujourd’hui un Trifecta républicain, à savoir que le GOP détient le poste de gouverneur et une large majorité dans les deux chambres (26 R/7D au Sénat ; 67R/32D à la Chambre des représentants). Cette situation pousse les élus à voter des lois de plus en plus radicales sur différents sujets sociétaux. Exemple : les armes à feu. Déjà, l’Ohio est l’un des états les plus laxistes : pas de vérification des antécédents judiciaires, possibilité de porter des armes sans permis, pas d’obligation chez soi de ranger les armes en lieu sûr, loin des enfants et les agresseurs domestiques peuvent continuer à porter leurs armes, même lorsqu’ils font face à des ordonnances restrictives. Mais cela ne semble pas suffisant aux républicains pour satisfaire à leur interprétation (folle) du Deuxième amendement. C’est ainsi que le projet de loi 189 de la Chambre, présenté par le représentant de l’État, Al Cutrona, vise à supprimer les taxes sur les ventes des armes à feu et à accorder des incitations fiscales aux fabricants. Aux Etats-Unis, on dénombre 268 fusillades de masse depuis le début de l’année. Un record. Mais apparemment, ce n’est pas assez.
28 mai
Le test Paxton
Ken Paxton est procureur général du Texas depuis janvier 2015. Il a auparavant été sénateur et représentant du même Etat. Il a obtenu un doctorat en droit à l’université de Virginie. Autrement dit, il est censé connaître le Droit et la Justice. La Commission d’enquête de la Chambre des représentants du Texas, à majorité républicaine et présidée par le républicain Andrew Murr, a condamné à l’unanimité Ken Paxton au titre de 20 chefs d’accusation et a demandé à la Chambre de voter la procédure d’impeachment. Pour qu’elle aboutisse, il faudrait que 11 élus républicains (sur 85) ajoutent leurs voix à celles des 64 démocrates qui la voteront tous. Ce sera ensuite au Sénat de conduire le procès et de voter ou non la destitution. Pour sa défense, Ken Paxton a déclaré que la Commission fondait son enquête sur « des rumeurs et des ragots » et a critiqué les propres membres de son parti les qualifiant de « RINO [1] on the same side as Joe Biden (…) collaborating to tie our hands and render Texas less powerful and effective in the fight for the nation’s future ». Il a également argué que les Texans l’avaient élu à trois reprises. Une attaque contre lui est donc une attaque contre eux. Une curieuse idée de la démocratie. Il va sans dire que Ken Paxton est un ardent supporter de Donald Trump qui utilise les mêmes arguments : « In reality, they are not after me, they’re after you. I’am just the way ». Alors que les affaires s’accumulaient depuis son élection en 2015, les républicains du Texas ont préféré regarder leurs chaussures en espérant que la situation se règle d’elle-même. Mais, cette fois, ils vont devoir se prononcer et ainsi montrer s’ils sont plus attachés à leur parti ou à leur Constitution.
N.B. : la Chambre des représentants du Texas a voté la procédure d’impeachment à une large majorité (121-23). Le Sénat, à forte majorité républicaine (19-12) va donc ouvrir le procès de destitution. Curiosité, la femme de Ken Paxton est une élue républicaine du Sénat. Ken Paxton a été relevé de ses fonctions.
Les 20 chefs d’accusation pour l’impeachment de Ken Paxton
Disregard of official duty (7)
Misapplication of public resources (1)
Constitutional bribery (2)
Obstruction of justice (2)
False statements in official records (3)
Conspiracy and attempted conspiracy (1)
Misappropriation of public ressources (1)
Dereliction of duty (1)
Unfitness for office (1)
Abuse of public trust (1)
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[1] Republican In Name Only
21 mai
Quelque part en Sologne
Forêt silencieuse, aimable solitude,
Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré !
Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,
J’éprouve un sentiment libre d’inquiétude !
La Forêt – François-René de Chateaubriand
14 mail
« I have a dream… »
La guerre entre la Russie et l’Ukraine bat son plein, les Etats-Unis ne savent pas s’ils décideront de relever le plafond de la dette, la Turquie vote pour savoir si elle va continuer dans la dictature ou si elle donne à nouveau sa chance à la démocratie, l’Inde est devenu le pays le plus peuplé de la terre, la Chine, sous la houlette de Xi Jinping, ne cache plus ses ambitions hégémoniques et attend le bon moment pour absorber Taïwan, les BRICS s’opposent frontalement au G7, le dérèglement climatique entre dans nos vies quotidiennes, l’Intelligence artificielle va changer notre manière d’appréhender le monde, la multipolarité du monde se transforme peu à peu en chaos… bref, les problèmes que nous, les humains, avons à affronter ne sont pas minces. Et de quoi parlons-nous ? De Donald Trump qui fait appel du jugement le condamnant pour abus sexuel et transforme une soirée politique sur CNN en cirque médiatique avec le soutien d’un public acquis à sa cause et ricanant quelles que soient les absurdités et les obscénités qu’il prononce. Est-ce là une sorte d’addiction dont nous n’arrivons pas à nous défaire ? La raison est simple, ce triste individu est candidat pour la troisième fois à la présidence des Etats-Unis. A ce jour, on ne voit pas qui, du côté républicain, pourrait l’en empêcher. Et l’hypothèse qu’il entre à nouveau à la Maison Blanche ne doit pas être écartée d’un revers de main tant le système des élections américaines est fragile. « Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd’hui et demain, je fais pourtant un rêve »[i]. Je rêve que l’Amérique retrouve le moment du « Have You No Sense of Decency? » de Joseph Welch. « Faites sonner la cloche de la liberté sur les prodigieux sommets du New Hampshire[ii] ? Faites-la sonner sur les puissantes montagnes de l’Etat de New York[iii] ».
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[i] Extrait du fameux discours de Martin Luther King « I have a dream » prononcé le 28 août 1963 durant la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté
[ii] L’interview de Donald Trump sur CNN devant un public acquis à sa cause s’est tenu au Saint Anselm College dans le New Hampshire.
[iii] La condamnation de Donald Trump a été rendue par un jury populaire lors du procès qui s’est tenu à New York.
7 mai
DJT : Un puits sans fond !
Quand on pense que DJT touche le fond, on s’aperçoit qu’il n’est pas sans ressource pour trouver le moyen de descendre encore plus bas. Dans le procès au civil où E. John Carroll l’accuse de « battery[i] et defamation[ii] », DJT n’a pas jugé bon venir témoigner. Roberta Kaplan, l’avocate de l’agressée, a obtenu que la vidéo de la déposition faite par DJT en octobre dernier à Mar-a-Lago soit présentée pendant l’audience. Si à certains moments, DJT semble agité et importuné par les questions de l’avocate d’E. John Carroll, on perçoit également un sentiment d’impunité absolu, comme si rien ni même la Justice pouvait l’atteindre et comme si ses supporters le suivraient jusqu’en enfer. Il l’avait d’ailleurs théorisé en affirmant : « I Could … Shoot Somebody, And I Wouldn’t Lose Any Voters ». Parmi les éléments de défense de l’ex-président : « She is not my type » explique-t-il comme preuve qu’il ne peut pas avoir violé E. John Carroll affirmant de surcroît qu’il ne connaît pas la victime. Lorsque l’avocate lui montre une photo montrant DJT discutant avec E. John Carroll, DJT semble un peu confus, confondant l’intéressée avec son ex-femme Marla Maples. Quand il est questionné sur une autre présumée victime l’accusant d’agression sexuelle, DJT s’agite à nouveau et déclare à l’avocate : « You wouldn’t be a choice of mine, either, to be honest. »
En fait, DJT est un puits sans fond. « Chaque jour qui passe l’enfonce un peu plus dans la nuit noire et froide du puits sans fond de sa désespérance » (Antoni Girod, Petites histoires de la confiance en soi). Ou encore : « Et toujours son aventure était un puits sans fond où tombait sa raison » (Honoré de Balzac).
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[i] Battery is a criminal offense involving unlawful physical contact, distinct from assault which is the act of creating apprehension of such contact. Battery is a specific common law offense,
[ii] Defamation is the act of communicating to a third party false statements about a person, place, or thing that results in damage to its reputation. It can be spoken (slander) or written (libel). It constitutes a tort or a crime.
Deux vidéos
Donald Trump Gives Deposition in Jean Carroll Rape, Defamation Case
This Is Who He Is (The Lincoln Project)
29 avril
From heartbeat to deadbeat
Depuis les années 1960, la définition de la mort se fonde sur l’arrêt irréversible de toutes les fonctions neurologiques, transférant ainsi le symbole de la vie du cœur au cerveau. Si le cœur assure les fonctions circulatoires, c’est le cerveau qui confère à l’être humain,sa dignité, sa conscience et, pour les croyants, son âme. Depuis bien longtemps, on a compris que le cœur peut continuer à battre dans le corps d’une personne dans un état végétatif ou comateux, la vie l’ayant quittée. Un mort vivant en quelque sorte.
En 2022, la Cour Suprême a publié l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, invalidant l’arrêt Roe v. Wade de 1973 qui protégeait par la Constitution le droit des femmes à l’IVG, et donnant aux Etats la décision de légiférer. Depuis, plus d’une douzaine d’Etats ont voté ou mis en chantier une loi baptisée « fetal heartbeat bill » fixant à 6 semaines après la conception le moment où la femme a encore le droit à l’IVG. La raison invoquée: c’est le moment où l’on peut détecter les premières activités cardiaques. On revient donc plus d’un demi-siècle en arrière en retenant à nouveau le cœur comme la pièce essentielle de la vie. Les républicains radicaux vont-ils se contenter de cette première victoire ? Il semble que non si l’on en croît l’initiative du juge texan ordonnant le retrait de la pilule abortive agréée depuis plus de 20 ans par la FDA. Décision invalidée temporairement par la Cour Suprême. Leur conception de la vie est simple : l’être humain existe dès que l’ovocyte a été fécondé. A partir de cette seconde, l’embryon est une personne puisqu’il contient tout le matériel génétique pour devenir une personne. Mais ce matériel n’existait-il pas déjà, de manière séparée, dans l’ovocyte et le spermatozoïde ? Ils se sont habilement baptisés Pro-Life. Mais qui est contre la vie ? Ce n’est pas la brindille qui bouge, c’est le vent qui la pousse.
23 avril
Quelque part en Sologne
« Il faut s’offrir le luxe de se lever à l’aube, d’être dans les bois une demi-heure avant le jour pour assister à la rencontre des couche-tard et des lève-tôt.Il fait bon mouiller ses chaussures dans la rosée à l’heure où les chauves-souris se rapprochent de leurs abris sous les toits, où la dernière chouette hulotte lance un appel pour dire qu’elle va regagner son châtaignier creux. Les sangliers, repus par une nuit de maraude passée à retourner l’herbe des prairies, les talus des chemins ou des routes, rejoignent en file indienne les fourrés secrets dans lesquels ils passeront une paisible journée de repos. »
Pierre Aucante “Itinéraires de découvertes,La Sologne”
16 avril
Corruption à la Cour Suprême
Le magazine ProPublica vient de révéler que le très conservateur juge à la Cour Suprême, Clarence Thomas, avait reçu des pots de vin du promoteur immobilier texan Harlan Crow : vacances exotiques pour toute la famille impliquant avions privés, yacht de luxe, cadeaux étranges comme une statue en bronze de gnome ou une réplique de la cabane de Hagrid de Harry Potter. Le milliardaire de l’ultra droite, qui a développé ses activités au Texas, a également racheté des propriétés au juge à des prix largement surévalués. Au-delà de ce qui apparaît clairement comme de la corruption, Clarence Thomas n’a jamais déclaré toutes ces largesses au fisc américain. Comme si cela ne suffisait pas, la femme du Juge, Gini Thomas, s’est distinguée par un activisme forcené pour défendre l’ex-président, notamment à l’occasion dernier épisode qui a conduit à l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021. Le juge avait également omis de déclarer 1,6 million de revenus récoltés par sa femme auprès d’organisations conservatrices. Tous ces dérapages n’ont pas fait l’objet de remarques particulières dans le camp républicain, tendance MAGA. Et la défense du juriste Ilya Shapiro, qui reflète l’opinion des conservateurs, est assez pitoyable. En résumé : « Tout le monde sait que Clarence Thomas est quelqu’un de bien et que, de toute façon, ces cadeaux ne l’ont en rien influencé dans son activité de juge à la Cour Suprême ». Quand on connaît le pouvoir de la troisième branche du gouvernement aux Etats-Unis, on peut questionner le principe du « checks and balances ». Clarence Thomas est pourtant à l’abri du besoin, il a reçu plus de 6 millions de dollars en salaire depuis sa nomination de juge à la Cour Suprême en 1991.
9 avril
Une pilule dure à avaler
Le 22 janvier 1973, la Cour Suprême publiait l’arrêt Roe v. Wade dont l’effet principal était la protection du droit des femmes à procéder à l’interruption volontaire de grossesse[i]. Rédigeant l’opinion de la Cour, le juge Blackmun rappelait que les lois interdisant l’avortement étaient très récentes et découlaient de modifications législatives intervenues dans la seconde moitié du 19e siècle puisant leur inspiration dans la morale Victorienne[ii]. Sept juges sur neuf – dont trois nommés par Nixon – réfutaient l’idée que le fœtus devienne une « personne » dès la conception et donc ne puisse pas bénéficier des droits et de la protection de la Constitution. A partir de cette date, les anti-IVG, qui se sont habilement baptisés « Pro-life », ont lancé une croisade qui a abouti l’année dernière à l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization spécifiant que la Constitution ne confère pas de droit à l’avortement, laissant aux Etats le soin de légiférer. Allaient-ils se satisfaire de ce résultat ? Certainement pas. L’objectif des plus radicaux, qui sont aussi les plus bruyants, est tout simplement d’interdire l’avortement dès la conception et en toutes circonstances (même en cas de viol, inceste, mise en danger de la mère). Confirmant cette funeste tendance, Matthew Kacsmaryk, un juge de district du Texas – nommé par Donald Trump – a sommé la FDA de retirer l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone (accordée en 2000), l’une des deux pilules utilisées pour réaliser un avortement. Le ministère de la Justice a indiqué qu’il déposerait un recours. Selon le Guttmacher Institute, les médicaments sont utilisés pour la moitié des IVG[iii]. Ces tenants d’un conservatisme extrême n’ont encore pas compris qu’ils allaient à l’encontre de l’opinion majoritaire des Américains et risquaient d’en subir les conséquences dans les urnes.
[i] Ironie de l’histoire, Jane Roe était une résidente du comté de Dallas au Texas
[ii] Roe v. Wade – Les grands arrêts de la Cour Suprême des Etats-Unis – Elisabeth Zoller (p 429)
[iii] Medication Abortion Now Accounts for More Than Half of All US Abortions
2 avril
Des maires au président
Les États-Unis sont une démocratie et croient en la séparation des pouvoirs, donc en l’indépendance de la Justice et des juges. De fait, des maires ont été inculpés et condamnés. Des gouverneurs ont été inculpés et condamnés. Quatre des dix derniers gouverneurs de l’Illinois sont allés en prison : Rod Blagojevich condamné en 2011, George Ryan en 2006, Daniel Walker en 1987, Otto Kerner en 1973 (trois démocrates et un républicain). Des vice-présidents ont également été accusés de crimes. Accusé du meurtre d’Alexander Hamilton dans les Etats de New York et du New Jersey, Aaron Burr s’est enfui en Californie. Trois ans plus tard, il est jugé pour trahison par un tribunal fédéral établi à Richmond en Virginie. Spiro Agnew, le vice-président de Richard Nixon, a plaidé coupable dans une affaire d’évasion fiscale et de corruption passive dans le cadre de ses fonctions. Il ne manquait plus qu’un président. C’est chose faite. Faut-il s’en féliciter ? Oui, si l’on pense que « no man is above the law ». Non, lorsque l’on considère les dégâts à venir posés par cette affaire. Alors qu’il rédigeait la Constitution du Massachusetts, John Adams expliqua ses objectifs : « to the end it may be a government of laws and not of men ». Pour finir, deux conseils de La Fontaine au Juge en charge du dossier :
« Le juge prétendait qu’à tort et à travers
On ne saurait manquer, condamnant un pervers ».
Le loup plaidant contre le renard par devant le singe
« Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».
Les animaux malades de la peste
De George Washington à Donald Trump
George Washington pose les fondations des Etats-Unis
John Adams préserve la neutralité de l’Amérique
Thomas Jefferson double la superficie du pays
James Madison gagne la seconde guerre d’indépendance
James Monroe définit la doctrine éponyme
John Quincy Adams développe les voies de communication
Andrew Jackson met en place le spoils system
Martin Van Buren crée une banque centrale sous contrôle fédéral
William Harrison convoque le Congrès en session extraordinaire
John Tyler annexe le Texas
James Polk réduit les droits de douane
Zacharie Taylor fait entrer la Californie dans l’Union
Millard Fillmore ouvre le commerce avec le Japon
Franklin Pierce signe la loi Kansas-Nebraska
James Buchanan utilise son droit de véto
Abraham Lincoln maintient l’union des Etats-Unis
Andrew Johnson évite l’impeachment
Ulysse Grant, le soldat président
Rutherford Hayes met un terme à la Reconstruction
James Garfield lutte contre la corruption
Chester Arthur réforme la fonction publique
Stephen Cleveland réduit les droits de douane
Benjamin Harrison met un terme aux guerres indiennes
William McKinley mène la guerre contre l’Espagne à Cuba
Theodore Roosevelt lutte contre le big business
William Taft poursuit la lutte contre le big business
Woodrow Wilson propose le plan en « Quartorze Points »
Warren Harding limite l’immigration
Calvin Coolidge présente une vision minimale de l’état fédéral
Franklin Roosevelt lance le New Deal
Harry Truman prolonge avec le Fair Deal
Dwight Eisenhower renoue avec la prospérité
John Kennedy évite le conflit nucléaire avec l’URSS
Lyndon Johnson défend les droits civiques
Richard Nixon finit la guerre du Vietnam
Gerald Ford signe les accords d’Helsinki
Jimmy Carter normalise les relations avec la Chine
Ronald Reagan ouvre la révolution conservatrice
George H.W. Bush gagne la première guerre du Golfe
Bill Clinton renoue avec les excédents budgétaires
George W. Bush lance la guerre en Afghanistan et en Irak
Barack Obama signe l’Affordable Care Act
Donald Trump : deux procédures d’impeachment et une inculpation au pénal
26 mars
Le procureur au banc des accusés
« On ne discute pas une décision de justice ». C’est ce que disent souvent les hommes politiques, animés par l’idée de la séparation des pouvoirs. Oui, mais lorsque la décision n’a pas encore été prise ? Qu’à cela ne tienne ! Il suffit de l’inventer, puis de la critiquer, d’insulter le juge [« Bragg is a (Soros) Racist »], de le menacer (il a depuis reçu des menaces de mort) et d’en appeler à ses supporters pour mettre le pays à feu et à sang, répétant à l’occasion que les élections ont été truquées (« I beat them TWICE, doing much better the second time »). C’est la méthode, désormais classique, qu’actionne Donald Trump dans l’affaire de paiement à la star du porno Stormy Daniel avant les élections de 2016 pour acheter son silence avec de l’argent de campagne. Samedi dernier il publie un message soi-disant fondé sur des fuites illégales, indiquant qu’il serait arrêté le mardi suivant, insultant le District Attorney (DA) et demandant à ses affidés de « PROTEST, TAKE OUR NATIONA BACK ». Depuis, il a publié un tombereau de ce qu’on peut aisément qualifier d’insanités et de monstruosités appelant directement à la violence si le DA osait le mettre en examen. Le plus odieux et intriguant dans cette histoire est qu’il a collecté 1,5 million de dollars dans les trois jours qui ont suivis, le triple de ce qu’il récolte habituellement. Et du côté des élus républicains, les MAGA le soutiennent sans retenue et/ou invectivent le juge (« Americans want X, Y or Z, not a Donald Trump Prosecution »), les autres regardent leurs chaussures en espérant que les choses se passent. Ils peuvent toujours espérer ! C’est ce Donald Trump qui est candidat aux élections de 2024 et qui a encore le soutien d’une bonne partie des républicains.
19 mars
Les effets différés du Covid
On ne parle plus beaucoup du Covid ces derniers temps (ou en n’a plus trop envie d’en parler, peut-être à juste titre), sauf pour connaître l’origine du « China virus » comme l’avait qualifié en son temps l’ex-président des Etats-Unis. Bien qu’ils aient développé et fabriqué le vaccin dans un temps record, les Etats-Unis ont payé un lourd tribut avec 1,15 million de décès liés à cette maladie. Un des plus mauvais résultats des pays dits développés alors que les Etats-Unis ont consacré 19,5 % de leur PIB aux dépenses de santé, environ 50 % de plus que la moyenne des pays de l’OCDE. Une des conséquences immédiates a été la baisse de l’espérance de vie, un phénomène qui avait commencé avant et que le Covid a prolongé et amplifié[i]. En augmentation constante depuis le début du 20e siècle où elle était de 47 ans, l’espérance de vie avait atteint un pic en 2019 avec 79 ans. Elle est tombée à 77 ans en 2020 et 76 ans en 2021. Avec des disparités importantes selon les races et les classes sociales. Elément explicatif de la poursuite de cette chute en 2022, les effets différés du Covid qui viennent d’être mis en évidence et chiffrés par une étude publiée par le National Bureau of Economic Research[ii]. L’explosion du Covid a saturé les systèmes de soins et donc entraîné des annulations ou des délais de rendez-vous médicaux pour des soins non urgents. Ce phénomène a eu pour conséquence des décès supplémentaires d’environ 0,3‰ par visite reportée de 30 jours. Avec là encore des disparités importantes en fonction de l’âge et des comorbidités.
[i] Why life expectancy in the US is falling – COVID-19 and drug overdoses are the biggest contributors.
October 20, 2022
[ii] Mortality Effects of Healthcare Supply Shocks: Evidence Using Linked Deaths and Electronic Health Records
12 mars
Ennemi public numéro Un ?
Les Américains semblent n’être plus d’accord sur grand-chose sauf sur l’idée que la Chine constitue une menace grandissante, pour eux et pour le monde. Il y a un peu plus de 50 ans, Richard Nixon confiait à Henry Kissinger, alors conseiller américain à la sécurité nationale, une mission secrète sous le nom de code « Marco Polo » pour engager la normalisation des relations entre les deux pays. Les motivations de l’ancien président n’étaient pas sans arrière-pensées. Elles visaient en particulier à rééquilibrer l’impact de la puissance soviétique. Également à relancer les relations économiques entre les deux pays, en particulier en permettant aux entreprises américaines d’accéder au marché chinois. Sur ce plan, la suite est connue, le déficit commercial n’a cessé de croître pour dépasser chaque année les 300 milliards de dollars dans la dernière décennie. De son côté, Xi Jinping, qui vient d’être élu président de la Chine pour un troisième mandat, consolide son pouvoir personnel dans un régime de plus en plus autocratique et qui affiche désormais ses ambitions mondiales. Résultat, l’opinion des Américains sur l’Empire du Milieu est au plus bas depuis 1979, date de la reconnaissance de la Chine par les Etats-Unis, avec 15 % d’opinions favorables. Et deux Américains sur trois considèrent qu’elle constitue une menace économique et militaire. Mais cet unisson n’est-il pas le moteur d’une politique américaine à venir qui manquerait de circonspection et n’entendrait que la voix des faucons, toujours très vocaux ?
5 mars
Républicains : l’heure du choix
Il pleut, c’est la faute de Joe Biden. Et s’il ne pleut pas, c’est pareil. Il y a la guerre en Ukraine, c’est la faute de Joe Biden. L’inflation, c’est la faute de Joe Biden… Une mère perd ses deux enfants, c’est la faute de Joe Biden parce qu’il refuse de sécuriser la frontière et de stopper les cartels qui tuent des Américains tous les jours avec du fentanyl Chinois. C’est en tout cas ce qu’affirme Marjorie Taylor Greene sur son fil Twitter. Lors d’une réunion d’élus démocrates à Baltimore, Joe Biden s’est exclamé avec ironie : « Isn’t she amazing? She was very specific. I shouldn’t digress, probably – I read, she was very specific recently saying that a mom, a poor mother who lost two kids to fentanyl, that I killed her sons. Well, the interesting thing is, that fentanyl they took came during the last administration ». Effectivement la chaîne CNN a vérifié le fait et découvert que ce tragique accident est intervenu en juillet 2020, sous l’administration Trump. Vérification qui a été ajoutée sur le fil twitter de l’élue de Géorgie. « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère… ». L’ancien président du parti républicain, Michael Steele, a été moins diplomatique : « She needs to just shut the hell up ». Dans la perspective des élections de 2024, les républicains vont devoir clairement choisir : Le fanatisme, le sectarisme et l’intolérance tendance MAGA ou la raison et la pondération. L’approche de Nikki Haley semble indiquer qu’ils rejettent ce choix. Alors qu’elle se présente dans la seconde catégorie, elle n’ose critiquer son ancien patron (1) et fait appel au pasteur John Hagee (2) pour introduire son annonce de candidature.
(1) Nikki Haley a été ambassadrice aux Nations Unies pendant l’administration Trump
(2) Parmi les insanités dudit pasteur : l’Ouragan Katrina est intervenu parce que la ville avait autorisé une gay pride, Dieu a envoyé Hitler sur la Terre pour créer Israël et les femmes sont juste bonnes à porter des enfants.
26 février
Jimmy who (1) ?
Surgissant de nulle part (2), Jimmy Carter est élu président des Etats-Unis d’extrême justesse en 1976 avec 50,1 % des voix populaires (55 % des voix des grands électeurs) contre 48 % pour le républicain Gerald Ford (3), président en exercice. Les Etats-Unis sont affaiblis par la guerre du Vietnam, le scandale du Watergate, le premier choc pétrolier qui remet en cause l’American way of life, l’inflation qui ronge le bas de laine des Américains et échauffe les esprits. Dans son discours d’investiture, Jimmy Carter indique vouloir lutter contre la pauvreté, l’ignorance et l’injustice. Quarante ans après, sa présidence est souvent considérée comme un échec et il est classé comme un président faible. Sans doute à tort. A son actif, on doit inscrire les accords de Camp David, les accords sur la limitation des armes nucléaires SALT II, la normalisation des relations avec la Chine engagées par Richard Nixon, la dérégulation du secteur aérien (qu’on attribue souvent à son successeur), la signature d’une loi sur l’énergie favorisant la production domestique de pétrole et le développement des sources d’énergie alternatives et enfin la création du Département de l’énergie.
En fin de mandat, il accepte que le Shah d’Iran, détrôné par la révolution des Mollahs, soit soigné au Centre médical de l’Université de New York. La réponse des Iraniens ne se fait pas attendre avec la prise de 52 otages américains. Le coup de grâce sonne en avril 1980 avec l’échec du sauvetage des otages. Ronald Reagan est élu président avec 50,7 % des voix populaires mais 90 % des Grands électeurs. Il ouvre une nouvelle ère de déréglementation et de baisses d’impôts systématiques, surtout pour les plus riches, et où le gouvernement est devenu le problème. Une ère dont l’Amérique a du mal à se sortir.
(1) Jimmy Who? est un film créé pour la campagne présidentielle de 1976 du candidat démocrate Jimmy Carter. Le film a été utilisé à l’origine pour présenter l’ancien gouverneur de Géorgie aux électeurs pendant la saison des primaires et a été mis à jour au fur et à mesure que la course progressait.
(2) Jimmy Carter a été élu sénateur de l’État de Géorgie avant de devenir gouverneur en 1971.
(3) Gerald Ford est le seul président à n’avoir jamais été élu. Vice-président de Richard Nixon, Spiro Agnew a dû démissionner à la suite de scandales. Nixon le remplaça par Gerald Ford qui devint président lorsque Richard Nixon fût contraint à démissionner à la suite du Watergate.
19 février
Free speech ? Peut-être, mais à quel coût ?
« Sidney Powell is lying by the way. I caught her. It’s insane » écrivait Tucker Carlson, l’un des animateurs vedette de la chaîne Fox News à sa collègue Laura Ingraham en parlant de l’« avocate » de Donald Trump qui se répandait en fausses accusations contre les machines à voter de la société Dominion. « Sidney is a complete nut. No one will work with her. Ditto with Rudy (Giulani) », lui a répondu cette dernière. Cela ne les a pas empêchés de répéter à l’envi le contraire à l’antenne, expliquant que les machines Dominion avaient faussé le résultat des élections et que Joe Biden n’était pas légitime.
Pourquoi croire à une chose et dire le contraire publiquement ? Tucker Carlson a donné lui-même la réponse à Sean Hannity, l’autre animateur vedette de la chaîne en parlant de la correspondante de la chaîne à la Maison Blanche, Jacqui Heinrich, dont les reportages contredisaient les fausses accusations sur les machines à voter : « Please get her fired. Seriousl … What the fuck. It needs to stop immediately, like tonight (…) It’s measurably hurting the company. The company price is down. Not a joke ». Après avoir bourré le crane de ses téléspectateurs, la chaine en est devenu prisonnière. Comble de l’histoire, c’est Fox News qui, après avoir annoncé les résultats de l’Arizona, avait attribué la victoire à Joe Biden. « (…) but the core of this case remains about freedom of the press and freedom of speech, which are fondamental rights afforded by the Constitution », déclare la chaîne dans un communiqué. La société Dominion attaque en justice Fox News et demande 1,6 milliard de dommage et intérêts. Liberté (1) de dire n’importe quoi mais pas sans conséquence financière. Et au cas où on aurait oublié, plus de deux ans après, Donald Trump continue à clamer haut et fort que les élections ont été truquées.
12 février
Choice between normal and crazy
« Government control, radical left, woke mob, CRT, authoritarian mandates, reckless spending, worst border crisis in American history, indocrination in our schools, high gas prices, empty grocery shelves, big government… » ». Sarah Huckabee Sanders, gouverneur de l’Arkansas, avait retenu tous les éléments de langage du camp MAGA dans son message. Choisie par les élus républicains pour délivrer le discours censé être une réponse au discours sur l’état de l’Union de Joe Biden, l’ex-porte-parole de la Maison Blanche sous la présidence Trump a expliqué que le choix n’était plus entre la droite et la gauche, mais « between normal or crazy ». Le problème est qu’elle n’a pas précisé qui était crazy. Au vu des auditions[i] menées dans le cadre des nouvelles commissions mises en place par le nouveau Congrès (House Judiciary Select Subcommittee on the Weaponization of the Federal Government, House Oversight Committee), on est facilement amené à penser que ce ne peut pas être les démocrates. Ce qui ne laisse pas beaucoup de choix. « It is time for a new generation of Republican leadership » a-t-elle poursuivi. Suggère-t-elle que Donald Trump devrait profiter de sa retraite dans son country club de Mar-a-Lago ?
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[i] Pour s’en convaincre, on peut écouter les interventions de Lauren Borbert et Marjorie Taylor Greene : Twitter’s Response to Hunter Biden Laptop Story
5 février
Un discours sur l’état de l’Union dans une Amérique désunie
Les démocrates vont se lever et applaudir à tout rompre, les républicains vont rester assis en attendant que ça se passe. Il n’est pas impossible qu’un député de la frange MAGA se distingue par une interjection incongrue. On se souvient du braillement de Joe Wilson en 2009, le représentant de Caroline du Sud, qui avait traité Barack Obama de « menteur ». Devant la réprobation générale, l’élu avait dû présenter ses excuses.
Joe Biden va prononcer mardi 7 février son deuxième discours sur l’État de l’Union mais le premier devant une majorité républicaine de la Chambre des représentants. Il y parlera de défense de la liberté dans le monde avec l’aide apportée à l’Ukraine ; d’une économie américaine qui semble retrouver une certaine vigueur après la période du Covid ; d’une rivalité de plus en plus tendue entre les Etats-Unis, porte-étendard des nations démocratiques, et de la Chine qui pousse plus ouvertement ses intérêts à travers le monde. Fera-t-il allusion au ballon chinois qui plane actuellement sur le Montana, une affaire U2 à l’envers ? Il pourrait reprendre les mots utilisés le 8 janvier 1790 par George Washington dans la First Annual Address to Congress de l’histoire des Etats-Unis : « To be prepared for war is one of the most effectual means of preserving peace ». Une version américanisée du bien connu « Si vis pacem, para bellum ». Auquel il ajoutait : « A free people ought not only to be armed, but disciplined ». Un moment d’introspection ne serait sans doute pas inutile aux républicains.
29 janvier
Mars a perdu la guerre des M&M
Mars est peut-être le dieu de la guerre mais la compagnie éponyme vient de perdre la guerre picrocholine (à moins que ce soit un remake de la Guerre des boutons) qui l’opposait à l’extrême-droite américaine dont le présentateur Tucker Carlson est l’un des porte-paroles les plus efficaces. N’avait-il pas fait trembler le sénateur du Texas, Ted Cruz, qui avait osé qualifier de terroristes les assaillants du Capitole lors de l’attaque du 6 janvier 2021.
Cette semaine, les chefs d’État et de gouvernement des pays occidentaux réfléchissent à la question de savoir s’il faut donner des chars ou des avions à l’Ukraine. Peut-être, mais il y a beaucoup plus important : savoir si les « spokecandies » M&M doivent être plus inclusifs, moins sexy ou encore porter des talons hauts ou des baskets. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase des anti-wokes a été l’apparition du petit personnage Purple, symbole de la communauté LGBT, aux côtés de Ms. Green, « personnifiant sans doute une lesbienne » et Ms. Brown. Il n’en fallait pas plus pour que le présentateur de Fox News déchaîne sa bile sur le fabricant qualifié de porte-étendard, non de la bravitude chère à Ségolène Royal, mais de la wokitude. Résultat, Mars a fait marche arrière en retirant provisoirement ses petits personnages et en nommant la comédienne Maya Rudolph porte-parole de la société. L’Amérique au bord de la crise de nerfs à cause d’une tempête dans un dé à coudre.
22 janvier
Deux poids, combien de mesures ?
« Je sais, au fond de mon cœur, que je n’ai rien fait pour déshonorer cette institution », avait déclaré le sénateur du Minnesota Al Franken dans l’hémicycle du Congrès en 2017. « Toutefois, j’annonce aujourd’hui que dans les prochaines semaines, je démissionnerai du Sénat ». La pression de son propre parti avait été telle qu’il n’avait pas eu trop le choix. La raison : Une photo datant d’une dizaine d’années le présentait dans une situation ambiguë vis-à-vis d’une femme.
George Santos a été élu pour la première fois député républicain lors des élections de mi-mandat de novembre dernier. Quelques temps plus tard, il a été révélé que son CV était totalement fabriqué, ce que nombre de députés républicains savaient avant l’élection. Il n’est pas allé à l’école Horace Mann, n’a pas fréquenté le Baruch College ni joué dans son équipe de volley-ball, n’a pas obtenu de MBA de l’Université de New York et n’a jamais travaillé pour Citigroup ni Goldman Sachs, n’a jamais possédé d’immeubles locatifs. Son organisation à but non lucratif, Friends of Pets United, n’a pas sauvé 2 500 chiens et chats. Il n’est pas juif, ses grands-parents n’étaient pas des réfugiés de l’Holocauste, et ils n’ont fui ni l’Ukraine ni la Belgique. Sa mère n’était pas cadre financière et n’était pas au World Trade Center lors des attentats du 11/9. Et la liste n’est pas close.
Des voix se sont élevées demandant sa démission. Mais pour son élection au poste de speaker, Kevin McCarthy ne pouvait pas se permettre de perdre une seule voix. Et en guise de récompense, le nouveau député a été nommé dans deux commissions : Small Business et, Science, Space and Technology. Non sans humour, Bill Foster, titulaire d’un doctorat de physique à l’université de Harvard et député démocrate, a tweeté :
15 janvier
Faut-il payer ses dettes ?
Le gouvernement américain devrait atteindre le plafond de sa dette le 19 janvier prochain a indiqué Janet Yellen, Secrétaire au Trésor, dans un courrier à Kevin McCarthy. Depuis 1960, le Congrès a augmenté le plafond de la dette 74 fois, 49 fois sous des présidents républicains et 29 sous des présidents démocrates. Interviewé sur le sujet par Fox News, le nouveau Speaker de la Chambre a utilisé une analogie : « Si vous avez un enfant, que vous lui donnez une carte de crédit et qu’il atteint le plafond des retraits autorisés, augmentez-vous le plafond ou lui demandez-vous de changer son comportement ?». C’est très parlant mais c’est faux. Il s’agit en fait de refuser de payer le scooter ou le smartphone déjà acheté et dont l’achat a été autorisé par les parents. Refuser d’augmenter le plafond de la dette équivaut à ne pas payer des dépenses qui ont déjà été approuvées. De deux choses l’une, soit Kevin McCarthy ne le sait pas, c’est grave pour quelqu’un occupant sa fonction, soit il le sait et il ment aux Américains. Même si cette dernière hypothèse est sans doute la plus vraisemblable, ce n’est pas rassurant. Les républicains vont donc recommencer leur petit jeu sournois consistant à faire du chantage au président en acceptant de voter cette augmentation en échange de mesures diverses, tout particulièrement de réductions en matière sociale. Ne pas augmenter le plafond de la dette entraînerait des conséquences graves sur le public car le gouvernement fédéral fonctionne au ralenti et ne peut plus payer les vétérans ou les retraites. Cela risquerait aussi de faire baisser la notation des Etats-Unis en tant que créancier. Tout ceci n’exclut pas que les Etats-Unis aient un problème avec leur dette qu’ils ne pourront pas gérer éternellement grâce au statut du dollar.
8 janvier
« On vit une époque formidable »
C’est ce que pensait Gary Johnson en se réveillant ce samedi 7 janvier 2023 dans son appartement situé au nord de la ville de Boston dans le Massachusetts. Démocrate tendance Biden, il avait voté sans état d’âme en novembre 2022 pour Katherine Clark, la whip de la minorité démocrate du 118e Congrès. En préparant son café, il alluma sa radio pour apprendre que Kevin McCarthy avait été élu Speaker au 15e tour d’une élection laborieuse[1], à la suite de concessions majeures à la vingtaine de députés extrémistes récalcitrants en matière de procédures, de programmes politiques et de distribution des postes. Il est vrai que le député républicain du 20e district de Californie avait l’habitude de changer d’avis et de retourner sa veste dans tous les sens. N’avait-il pas fermement condamné les événements du 6 janvier 2021 en en attribuant clairement la responsabilité à Donald Trump pour aller quelques semaines plus tard à Mar-a-Lago en vue d’être absous par son maître ? La page des midterms étant définitivement tournée, les Etats-Unis allaient-ils sortir de cette instabilité dans laquelle ils étaient empêtrés depuis plusieurs années se demanda-t-il ? Gary fit un rapide bilan : un ex-président fantasque qui pratiquait le mensonge aussi régulièrement que le golf ; qui annonçait que les élections seraient truqués et qui, après les avoir perdues, confirmait qu’elles l’avaient bien été ; qui avait fait l’objet de deux procédures d’impeachment ; avait fomenté un coup d’état en slow motion ; organisé l’attaque du Capitole pour modifier le résultat des élections ; qui, depuis deux ans, clame à l’envi l’injustice électorale dont il a été victime. Et qui, fort de ce CV irréprochable, s’était porté candidat pour les élections présidentielles de 2024 sans qu’aucun élu républicain ne trouve à redire. Gary Johnson eut alors un sentiment de vertige. Il alla se recoucher.
GH
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[1] C’est la 5e élection de l’histoire du Congrès américain en nombre de votes. Le record est l’élection de 1855
1er janvier
2023 : La guerre fratricide est terminée
Alors que Vladimir Poutine avait pensé envahir l’Ukraine en six semaines, remplacer Vladimir Zelensky, dénazifier et russifier les Ukrainiens qui, selon lui, n’avaient aucune existence ni légale ni légitime, la réalité a été tout autre. Rapidement, les Ukrainiens, armés et renseignés par les Etats-Unis, ont opposé une résistance qui a fait l’admiration du monde. Malgré les mensonges répétés, les Russes ont fini par comprendre qu’ils avaient été bernés et que leur dirigeant les menait à la ruine et les mettait au ban des nations. Et même si le bonheur des Russes n’a jamais été inscrit dans la Constitution de la Fédération de Russie (seulement le bien-être et la prospérité de la Russie y sont présents[i]), le malheur a pesé lourd et poussé les Russes au désespoir et à la colère. De telle sorte que dans les couloirs du Kremlin, des éminences grises ont profité d’une baisse de la garde du dictateur pour le mettre hors d’état de nuire et engager des négociations proposées par le Secrétaire général des Nations Unies depuis des semaines. Un coup d’État est intervenu faisant écho à celui de 1917 par les Bolcheviks qui avait conduit les Russes à se retirer de la première guerre mondiale. Les nouveaux maîtres de la Russie ne sont pas moins nocifs ni plus démocrates que leur prédécesseur mais plus lucides, comprenant que cette guerre ne servait en aucune manière leur intérêt. Ils ont accepté de se retirer au-delà des frontières de 1991 et dans les conditions du référendum de 1994. « Les Ukrainiens aspirent à être libres »[ii] avait déclaré Voltaire en 1731. « La liberté a un prix élevé, mais l’esclavage coûte plus cher encore », lui répond Volodymyr Zelensky près de deux siècles plus tard[iii].
[i] La Constitution de la Fédération de Russie
[ii] Proclamation d’indépendance de l’Ukraine
[iii] Ce petit texte reprend la 3e hypothèse (peu probable) de l’article du magazine Foreign Affairs Putin’s Last Stand. Mais il n’est pas interdit de rêver un peu en ce début d’année