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Le délitement des partis de droite français et américain

Les deux partis de droites français (LR) et américain (GOP) sont en train de se déliter (la gauche française suit une pente à peu près comparable). Mais ce délitement prend des formes différentes car les situations sont différentes, en particulier la politique américaine fonctionne depuis plus de 150 ans avec un système bipartite – les démocrates et les républicains – alors que la France a connu plusieurs républiques, plusieurs constitutions et de nombreux partis. Ce qui ne veut pas dire que les valeurs de ces deux partis n’ont pas évolué avec le temps. Il a même complètement changé, tout en gardant le même nom. Les républicains de Lincoln n’ont rien à voir avec ceux de Trump, les démocrates de Wallace encore moins avec Johnson.

La droite française possèderait, depuis la fameuse analyse de René Rémond, trois branches : le légitimisme, l’orléanisme et le bonapartisme. Auxquels s’est greffé un quatrième qui va bien au-delà de ce périmètre tout en récusant le terme extrême. Le FN, mué en RN est devenu le premier parti de France même s’il est sous-représenté dans les deux principales institutions politiques, Sénat et à Assemblée nationale et à tous les niveaux de la vie politique, communale, départemental, régional. Quant à l’appellation de ce qui était la branche gaulliste de la droite, elle a évolué en fonction de celui qui en a pris la direction pour un meilleur contrôle.

D’abord MRP, puis UNR, UD-Ve, UDR, RPR, UMP pour aboutir à LR, une succession de noms qui sur le long terme n’a pas contribué à le renforcer. En 2017, pour la première fois de son histoire, le parti de la droite n’était pas présent au deuxième tour des élections présidentielles car son candidat, François Fillon, embourbé dans des affaires picrocholines, n’est arrivé qu’en troisième position du premier tour.

Malheur aux vaincus, François Fillon disparait de la vie politique et son parti, Les Républicains entame une descente aux enfers et ne semble en mesure de mieux figurer aux élections de 2022 qu’en 2017.  Les ambitions personnelles ont permis au parti vainqueur des élections de 2017 (LREM) d’attirer des figures de la droite (Bruno Le Maire, Edouard Philippe, Gerald Darmanin, Jean Castex) à des postes ministériels. Tout récemment, dans les grandes (petites ?) manœuvres : Bruno Muselier, président de la région PACA a signé un accord avec le parti du président pour les élections régionales de juin 2021. Cet accord local pour une élection locale donne néanmoins une indication sur l’avenir du principal parti de la droite : le néant. D’autant que les deux candidats, l’un avéré, Xavier Bertrand, l’autre putatif, Valérie Pécresse, n’en sont plus officiellement membres. Clairement, le parti LREM a donc pour ambition de dépecer une partie de LR laissant la voie au parti du rassemblement national d’en attirer les membres restants. Jusqu’ici, le résultat est assez limité mais cela pourrait évoluer dans les mois à venir.  A défaut d’être « La droite la plus bête du monde », pour reprendre l’éternelle formule de Guy Mollet, LR va devenir la droite la plus inexistante.

De l’autre côté de l’Atlantique, le bipartisme et les règles électorales permettent au parti républicain de se maintenir à flot. Et pourtant, aux élections présidentielles, ils n’ont obtenu la majorité des votes populaires (celui qui ne compte pas) qu’une seule fois sur les 8 dernières élections : George W Bush en 2004 alors qu’il était président en exercice et qu’il bénéficiait encore de son initiative de guerre contre le terrorisme. Donald Trump avait remporté les élections en 2016 avec près de 3 millions de voix de moins que sa concurrente démocrate. Il avait d’ailleurs contesté ce déficit de 3 millions en affirmant qu’il y avait trois millions de votes illégaux.

Les évolutions du parti républicain dans ce système politique organisé autour du bipartisme sont différentes de son homologue. Les fractures, coalitions, batailles se font à l’intérieur du parti. Ronald Reagan avait réussi à réunir plusieurs tendances : les républicains traditionnels, les déçus du parti démocrate, ceux que l’on appellera les Reagan Democrats, la droite conservatrice et les évangélistes, les libertariens… George W Bush avait maintenu cet équilibre en y ajoutant les néoconservateurs. L’arrivée du Tea Party, né de la crise financière de 2008, a eu une profonde influence sur l’évolution du parti républicain, le poussant clairement à droite. Un des moments importants de cette influence a été la défaite d’Eric Cantor, chef de la majorité de la Chambre des représentants, face à David Brat, le candidat soutenu par le Tea Party.

Depuis 2015, avec l’arrivée de Donald Trump, le parti a été profondément transformé suscitant une ferveur soutenue dans une frange importante de la population, notamment les laisser pour compte de la mondialisation que le candidat Trump a réussi à séduire. Et pendant son premier mandat, il a répété inlassablement son discours simpliste MAGA, America First et poussé l’idée que « ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous », transformant de nombreuses institutions et groupes en ennemis : les démocrates, la presse, les tech companies, l’establishment…

En 2020, plusieurs mois avant les élections, il a répété à l’envi l’idée que, s’il perdait les élections, c’est qu’elles seraient truquées. Après avoir perdu le 3 novembre, il n’a eu de cesse que de contester le résultat en lançant une soixantaine de recours devant les tribunaux (en les perdant tous sauf un), en intimidant les responsables locaux pour renverser les résultats et en demandant à son vice-président de ne pas certifier les votes des Grands électeurs. Autant d’initiatives dont le paroxysme a été l’attaque contre le Capitole le 6 janvier 2021 que l’on peut qualifier de tentative de quasi-coup d’état. Que ce serait-il passé si Mike Pence avait invalidé les des 4 ou 5 états qui ont déterminé l’élection ? Depuis son départ de la Maison Blanche, l’activité principale de Donald Trump est de maintenir en vie le « Big Lie » et d’attaquer les élus républicains qui ont osé voter pour son impeachment ou qui considèrent que Joe Biden est le président légitime. La vie du parti républicain tourne désormais autour de cette question : Pour être adouber ou maintenu dans ses fonctions, c’est désormais le litmus test que républicains doivent réussir s’ils veulent être maintenus dans leur fonction. Le cas de Liz Cheney est exemplaire.

Il y a eu le premier impeachment suite à l’initiative en Ukraine pour obtenir des informations sur le candidat Joe Biden, le second (Donald Trump est le seul président de toute l’histoire des Etats-Unis à avoir deux fois mis en accusation) suite à l’incitation insurrectionnelle et à la prise d’assaut du Capitole le 6 janvier. Sans doute pris par l’émotion, certaines figures du parti républicain, Mitch McConnell, Kevin McCarthy, Lindsey Graham ont condamné l’ex-président. Etait-ce le pas de trop et la page Trump allait-elle être tournée ? C’était aller beaucoup trop vite en besogne car la politique a vite repris ses droits, les chefs de file républicains ont fait le voyage de Mar-a-Lago « to kiss the ring » du nouveau GodTrumper.  

D’autres tiennent bon. C’est le cas de Liz Cheney, fille de l’ex-président Dick Cheney, et représentante du Wyoming et numéro trois du parti. Ici, il n’est pas question de politique, de valeurs ou d’idées à défendre. La seule question qui vaille est : les élections ont-elles été volées ? Ceux qui répondent oui, pourront rester au parti, les autres devront trouver refuge ailleurs. Donald Trump passe donc une bonne partie de son temps à faire virer (« you’re fired », il ne faut pas perdre les bonnes habitudes) les responsables du parti et à trouver des concurrents lors des primaires républicaines de 2022 contre ceux qui ont osé voter le second impeachment.

La semaine prochaine, le parti républicain va voter la destitution de Liz Chenez. Celle-ci semble assez probable même s’il faut une majorité des deux tiers. La probable candidate est Elise Sfefanik, représentant de l’état de New York depuis 2014 (c’était la femme la plus jeune jamais élue). Ce choix est étant donnant en comparant leur profil politique. Liz Cheney a un CV impeccable en matière de conservatisme. Il suffit de lire les derniers billets de son fil twitter. Et sur une période plus longue, ses prises de positions ne laissent aucune ambiguïté. Elle a voté à 93 % en accord avec le président Trump, Elise Stefanik n’atteint que 78 %. Elle a voté contre la loi de baisse des impôts en 2017 (la loi majeure du mandat Trump), critiqué le retrait des accords de Paris et fait clairement figure de républicaine centriste comme l’état de New York a en beaucoup produit si l’on en juge par ses positions sur l’immigration, l’avortement, la guerre en Afghanistan. A tel point que le très conservateur Club for Growth a dit d’elle : « She is a liberal with a 35 % lifetime rating, 4th worse in the House GOP ». En 2016, elle a soutenu le candidat républicain modéré John Kasics, adversaire de Donald Trump et ses déclarations sur ce dernier étaient radicales. Elle a également soutenu l’enquête du procureur Mueller et n’a pas caché son indignation sur les atteintes de l’ex-président à l’état de droit et ses attaques contre le ministère de la Justice.

Que lui vaut donc cette probable promotion ? Un changement de cap net lors du premier impeachment où elle a pris un rôle extrêmement actif et zélé dans l’équipe de défense du président. Avait-elle compris que son avenir au sein du parti passait par un soutien indéfectible à Donald Trump ? Peut-être, en tous cas, depuis elle n’a pas ménagé ses efforts pour soutenir les diverses initiatives de son nouveau champion visant à perpétuer le BIG LIE. L’autre élément qui favorise cette future ascension est beaucoup simples. Il faut une femme pour remplacer une femme – les hommes occupent les deux premières places – et il n’y en a pas tant que ça à la Chambre des représentants (31 sur les 213 pour le parti républicain, 89 sur le 223 pour le parti démocrate)

Le vote de la semaine prochaine sanctionnera plus le renvoi de Liz Cheney que l’élection Elise Stefanik. Mais il signifie surtout moment important dans l’histoire du parti républicain. Ronald Reagan avait poussé le parti vers la droite. Donald Trump le pousse vers Donald Trump !

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