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La guerre de Sécession, seconde naissance des Etats-Unis

12 Lincoln1Ce n’est pas la guerre moindre paradoxe : comment une guerre peut-elle être présentée comme fondatrice des Etats-Unis et constitue une seconde naissance de ce pays alors qu’elle fut, et de loin, la plus meurtrière. Elle fit plus de morts que toutes les autres guerres réunies auxquelles les Etats-Unis ont participé. Qu’on en juge : Plus de 600 000 morts (voire 700 000 selon les dernières estimations : Réévaluation du nombre de morts à la guerre de Sécession) sur une population qui compte à l’époque 30 millions d’habitants soit 2 % de la population. Transposer aujourd’hui, cela donnerait 6 millions de morts (les Etats-Unis comptent environ 10 millions d’habitants). A la seule bataille de Gettysburg qui se déroule en juillet 1863, on compte plus de 50 000 morts en trois jours seulement. Date fondatrice de l’histoire des Etats-Unis pour Mark Twain mais aussi guerre qui « menace de nous engloutir tous » pour Emerson, la guerre de Sécession est considérée encore aujourd’hui comme un élément majeur de compréhension de la situation interne de l’Amérique (La guerre de Sécession un événement pertinent pour expliquer la politique américaine actuelle).

Mais c’est là une évidence que l’on peut expliquer par le simple fait que son issue, la victoire du Nord imposant une capitulation totale du Sud, a permis aux Etats-Unis d’éviter de se séparer en deux nations et a donc changé fondamentalement le cours de l’Histoire. C’est l’un des paradoxes qu’a mis en lumière l’émission de Concordance des temps de France Culture (programmée à l’occasion des Rendez-vous de l’Histoire à Blois : La guerre de Sécession : premier conflit moderne) consacrée à la guerre de Sécession comme on l’appelle ici alors qu’elle plutôt désignée comme the Civil War aux Etats-Unis. Par ailleurs, la guerre de Sécession a mis les Etats-Unis en orbite pour devenir la première puissance industrielle quelques décennies plus tard au début du 20e siècle.

La guerre de Sécession est souvent présentée comme la première guerre totale ou moderne qui présage des boucheries auxquelles on assistera au cours du 20e siècle. Cela s’explique par l’utilisation de technologies nouvelles qui font apparaitre des combats beaucoup plus meurtriers (Une dureté exprimée dans la chanson Pat Murphy of the Irish Brigade). C’est une transition entre les guerres que l’on avait connu jusque-là et dont l’objectif était d’occuper le terrain et celles où l’objectif est de détruire l’ennemi, en tous cas de lui infliger les pertes les plus lourdes pour l’obliger à désarmer. Après Gettysburg, Lincoln est furieux contre ses généraux car, bien qu’ils aient obtenus la victoire, ils ont laissé les armées du Sud se replier en Virginie.

A l’époque, rappelle Pap NDiaye, maître de conférences à Sciences Po, il n’est plus question d’une paix de compromis, mais d’une capitulation du Sud avec comme condition essentielle l’abolition de l’esclavage. Le film de Steven Spielberg montre bien d’ailleurs cette sorte de course poursuite qui pousse Lincoln à obtenir par tous les moyens – même par certains moyens parfois discutables (Lincoln ou l’art de la politique) – le vote de l’abolition de l’esclavage avant la reddition des généraux du Sud.

La contribution des techniques à la victoire de Nord est évidente. Il y a l’apparition de nouveaux fusils, les Spencer, les progrès de l’artillerie avec l’introduction des mitrailleuses – deux phénomènes qui entraîneront l’invention des tranchées -, la naissance de nouveaux bateaux beaucoup plus performants comme les cuirassés qui génèreront des combats navals d’une nouvelle dimension (Fort de sa protection, l’Alabama (Roll Alabama Roll) peut faire sombrer de nombreux navires du Sud mais il sera englouti au large de Cherbourg par le bateau confédéré USS Kearsarge, un combat immortalisé par Manet – les chemins de fer à la fois pour transporter les troupes et le ravitaillement, et le télégraphe qui autorise une transmission beaucoup plus rapide des informations qui deviennent essentielles dans la conduite de la guerre.

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Les nouveaux fusils Spencer se chargent désormais par la culasse et non par la bouche, permettant une cadence beaucoup plus élevée (12 à 20 coups minutes contre 3 pour les fusils traditionnels, les « rifled musket ») et ont une portée nettement supérieure qui ne laisse aucune chance aux armées du Sud. Combiné aux progrès de l’artillerie, cette évolution sonnera la fin de la cavalerie et les chevaux seront désormais rétrogradés pour des tâches ingrates mais ô combien déterminantes d’intendance (Ils ont sans doute appréciés de ne plus être utilisés comme de la chair à canon). Et la tactique des batailles, encore sous l’influence des guerres napoléoniennes, changera radicalement. Les armées allemandes en ont d’ailleurs pris la mesure en 1914 en faisant une utilisation beaucoup plus importante des chars.

La guerre de Sécession préfigure bien des guerres du 20 siècle, beaucoup plus brutales et dont les effets collatéraux sur les civils seront bien plus importants. Le théâtre d’opération n’est plus le champ de bataille, en gros l’espace où l’on livre bataille souvent à l’écart mais le territoire tout entier. De fait, les citoyens du Sud paieront un lourd tribut. Cela n’empêche pas les armées d’être aussi plus intraitables avec l’ennemi, les soldats prisonniers voient leur sort se détériorer avec le temps. Lincoln, lui-même, qui n’a au début de son premier  mandat aucune expérience de la guerre, devient un véritable chef de guerre et son propre chef d’état-major – le poste sera créé plus tard dans l’armée des Etats-Unis – comprend bien cette évolution et doit batailler ferme contre les démocrates favorables à une paix rapide pour imposer cette vision de victoire totale. L’exercice de cette magistrature pendant une période aussi troublée a fait de Lincoln – dont les deux mandats ont été exercés en période de guerre – celui qui est considéré comme le plus grand président des Etats-Unis (Qui est le plus grand président des Etats-Unis ?).

Les conséquences politiques et économiques de la guerre de Sécession sont considérables. L’abolition de l’esclavage voté en janvier 1865 par le Congrès et magistralement mis en scène par Steven Stielberg, le lancement des Etats-Unis comme puissance industrielle, le renforcement de l’Exécutif aux Etats-Unis vis-à-vis du Législatif et le début de la présidence moderne (voir aussi le film Abraham Lincoln de D Griffith tourné en 1930). Une nouvelle étape dans ce renforcement de l’Exécutif sera franchie avec Franklin Delano Roosevelt. Il est a remarquer d’ailleurs que les présidents se sont affirmés plus en cas de crise (quelle que soit leur nature) qu’en situation plus normale.

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Aux Etats-Unis, la guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage ont permis au Nord d’affirmer sa prééminence par rapport aux Etats du Sud. Ces derniers avaient bâti leur économie sur la seule culture du coton dont la prospérité fut permise par l’esclavage, c’est-à-dire le travail gratuit sans versement de salaire. On n’entrera pas ici sur le problème moral. Le Nord a gagné la guerre grâce à sa domination économique et industrielle – la seule chance du Sud était une victoire rapide basée sur leur supériorité militaire et tactique fondée sur des généraux plus brillants que leurs homologues nordistes – et la victoire sur le Sud a renforcé la supériorité économique et industrielle du Nord.  Supériorité également financière car le Nord détient la banque centrale et peut donc faire marcher la planche à billet mais aussi les grandes banques qui peuvent ainsi soutenir l’effort de guerre.

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Ashley est le prototype du gentleman du Sud qui ira combattre pour défendre sa patrie mais préfèrerait que les Yankees les laissent sortir de l’Union sans guerre tandis que Rhett Butler exprime sa vision très réaliste de la situation.

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