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Echange un Obama contre un Sarkozy

Barack Obama ne suscite pas beaucoup d’empathie (c’est un euphémisme) chez les Américains alors qu’il est très populaire en France. A l’inverse, Nicolas Sarkozy génère un rejet assez fort (« Casse-toi pauv’con ! ») chez les Français alors qu’il est aimé des Américains.  Dans ces conditions, pourquoi ne pas les échanger d’autant qu’ils seront peut-être, tous les deux, à la recherche d’un emploi, en novembre pour le premier et en mai pour le second.

Sous cette introduction en forme de boutade à l’occasion de la conférence organisée par l’Ifri sur Les primaires républicaines: quel candidat face à Obama? (1), Donald Morrisson, ancien rédacteur en chef de l’édition européenne de Time Magazine, et auteur du récent livre Comment Obama a perdu l’Amérique, explore les raisons de ce manque de « connexion » entre Barack Obama et les Américains. Un état d’esprit incompréhensible par les Français lorsque l’on se souvient que la France est l’un des pays où le 44e président des Etats-Unis est le plus populaire.

Tout d’abord, Barack Obama a commis de sérieuses erreurs comme de passer la première année de son mandat à élaborer et faire voter la loi de réforme de la santé (Patient Protection and Affordable Care Act  ou Loi sur la protection des patients et des soins abordables) que les détracteurs du président ont rapidement baptisé Obamacare. Alors que la situation économique catastrophique aurait sans doute justifié de changer de priorités et de consacrer toute l’énergie et toutes les ressources à l’économie et à l’emploi. D’autant que le stimulus était loin de faire la preuve de son efficacité.

Par ailleurs, cette réforme est loin de faire l’unanimité, tout particulièrement les républicains, électeurs comme responsables politiques. Combien de fois, les candidats aux primaires républicaines ont-ils affirmé qu’ils abrogeraient cette loi (« Repeal Obamacare »).  Une dizaine de candidats républicains aux élections sénatoriales de novembre prochain, dont certains sont des médiatiques représentants du Tea Party comme Sharon Angle, Marco Rubio ou Christine O’Donnel (I am not a witch !), ont signé un engagement qu’ils abrogeraient cette loi.

Quoiqu’il en soit, Obama a réussi là où quasiment tous ses prédécesseurs ont échoué, à commencer par Bill Clinton qui, rappelle Donald Morrison, « avait très mal manœuvré en préparant un projet de loi de réforme presque en cachette à la Maison Blanche, avant de le présenter au Congrès comme un fait accompli alors que les membres du Congrès, qui considèrent que la rédaction des lois fait partie de leurs prérogatives ». Cette loi pourrait bien rester une des grandes lois depuis celles votées par Lyndon Johnson dans le cadre de la grande société avec Medicare et Medicaid (qu’une grande majorité des Américains) et celles sur les droits civiques.

 

Un professeur, un intellectuel mais pas un leader

Une des faiblesses de Barack Obama est un comportement fondé sur la culture du compromis. Pour certains, principalement les libéraux, cela traduit plutôt de la mollesse, voire de la faiblesse. D’autres, essentiellement les républicains conservateurs,  en ont profité pour se montrer intransigeants et sectaires et refuser ainsi toute négociation. Résultat, une situation de blocage paralysant un Congrès déjà peu efficace et honni par une très grande majorité d’Américains.

Pour Donald Morrison, ce mode de fonctionnement, qui est un élément constitutif de la personnalité de Barack Obama, n’est plus adaptée aux mœurs politiques qui ont cours depuis l’après-guerre. Washington n’a plus rien à voir avec ce qu’il était au 19e siècle, voire à la première moitié du 20e siècle. Le modèle des checks and balances, sorte d’application avancée et de la séparation des pouvoirs, avait été conçu pour prévenir de la tyrannie et faire en sorte qu’un pouvoir ne domine pas les deux autres. Le meilleur résultat de cette organisation  politique est la recherche du compromis entre les partis républicains et démocrates pour faire avancer la société.

Mais depuis quelques décennies, chaque camp essaye plutôt de bloquer plutôt que de négocier. Sauf à être très habile au prix de concessions importantes comme ce fut le cas de Bill Clinton pendant son deuxième mandat. « Cédant à leurs pressions, il a plus ou moins démantelé le système d’ « assistance en place depuis des dizaines d’années, qui accordait un revenu minimum aux pauvres, il a supprimé les contrôles gouvernementaux sur les marchés financiers et accepté de nouvelles contraintes budgétaires ». C’est Bill Clinton qui a mis un point final au Glass-Steagall Act mis en place en 1933 sous la présidence de FDR à la suite de la grande crise de 29. Cette loi imposait une séparation entre les banques de dépôts et les banques d’affaires empêchant aux banques d’affaires de jouer au casino avec les dépôts des épargnants.

Toujours selon Donald Morisson, « Obama aurait la nostalgie d’une époque lointaine de la politique américaine où les affaires se conduisaient dans la courtoisie et un climat de coopération » alors qu’aujourd’hui « on admet que le débat public a basculé dans la véhémence, voire l’outrance, au cours des années 1990, comme l’on prouvé la procédure d’impeachment contre Bill Clinton ».

Une chose est sûre, que cet âge d’or est existé ou non, les républicains se sont radicalisés sur le plan économique depuis Ronald Reagan (l’Etat n’est pas la solution, mais le problème) et sur le plan social et des valeurs. George W Bush avait assez largement sollicité les chrétiens fondamentalistes (Jerry Falwell et consorts) et le Tea Party s’est mis à faire une relecture de la Constitution qui pourrait faire penser à la lecture littérale de la Bible par les Témoins de Jéhovah. Lors de cette campagne, le jeu favori de la majorité des 8 candidats était de savoir celui qui « laverait plus conservateur ».

« …mais le pays n’a cessé de glisser vers la droite depuis une trentaine d’années. Et la conduite de la politique américaine donne indéniablement l’impression que les Etats-Unis se trouvent entre les mains d’extrémistes et de démagogues », conclut de manière bien pessimiste Donald Morrison alors que la gravité nécessiterait un autre fonctionnement.

Les Chinois doivent se frotter les mains de voir les Américains s’enliser dans les méandres de la démocratie alors qu’ils ont mis au point un régime qui allie le strict contrôle politique et l’efficacité grâce à l’économie de marché.

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(1) IFRI |The Obama Presidency – Year 4: Towards a Second Term?
Un cycle de séminaire en partenariat avec la French American Foundation – France

Un mois après le début du processus des Primaires, il semble que le candidat républicain centriste Mitt Romney soit en train de prendre la main sur ses adversaires plus radicaux. Sur quelles lignes va-t-il établir son  programme? Quelles sont ses chances de succès face au président Obama? Les derniers chiffres du chômage, plus positifs, peuvent-ils donner à ce dernier une meilleure chance de reconquérir son public et de gagner l’élection présidentielle en novembre prochain?

Avec
– Donald Morrison, ancien rédacteur en chef de l’édition européenne de Time Magazine, et auteur de  “Comment Obama a perdu l’Amérique”, éditions Denoël.
– Thomas McGrath, président, Republicains Abroad France.
– Connie Borde, présidente, Democrats Abroad France.

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