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Donald Trump, premiers (faux) pas

Donald Trump a fait sa première visite à la Maison Blanche en attendant de s’y installer en janvier prochain. Il y a rencontré Barack Obama et les deux hommes ont eu un dialogue cordial et constructif comme on dirait dans les sphères diplomatiques. « I have great respect » a dit Donald Trump sans préciser en qui ou en quoi. Peut-être parlait-il de Barack Obama dont il a questionné pendant plusieurs années le fait qu’il était né aux Etats-Unis en le sommant de montrer son certificat de naissance. Les mots ont un sens mais seulement pour une période donnée.

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Que Trump passe du mode vociférateur à celui de gentleman en deux jours de temps, pourquoi pas. Mais le changement est si rapide qu’il ne peut que poser de nombreuses interrogations.

Népotisme. On se souvient qu’avec Bill on avait eu droit au fameux « Billary : pour le prix vous en avez deux ». Là, déjà dans l’équipe de transition, il a nommé trois membres de sa famille – Ivanka, Donald Jr., and Eric Trump – qui font partie de l’équipe de 16 personnes sans mentionner son gendre Jared Kushner qui devrait avoir un rôle important. Une sorte de DonaldvankaJuniorEricJared.

Ethique. On se souvient de la jurisprudence Balladur selon laquelle un ministre mis en examen doit démissionner. Là il ne s’agit pas de mise en examen mais d’implications dans plusieurs procès en cours notamment celui concernant la class contre Trump University et peut-être d’autres à venir (certaines anciennes aventures vont peut-être être tentées d’avoir leur quart d’heure de célébrité en attaquant le président). Et de l’émergence de conflits d’intérêt sans précédent. Son idée de mettre ses affaires dans un « blind trust » piloté par ses enfants montre assez clairement son mode de fonctionnement. Comme le rappelle, le New York Times, les lois fédérales sur l’éthique et les règlements sur les conflits d’intérêt qui s’appliquent à tous les employés fédéraux ne s’appliquent pas au Président. Mais il n’a aucune protection concernant les affaires liées à sa vie en dehors de la Maison Blanche, le résultat d’arrêt de la Cour Suprême indiquant que Bill Clinton pouvait être poursuivi par Paula Jones sur des affaires remontant à l’époque où il était gouverneur de l’Arkansas. Mais Donald Trump qui va nommer le remplaçant du juge Antonin Scalia va pouvoir remédier à cette « faiblesse ».

Politique. Le pays n’a jamais été aussi divisé (les enquêtes d’opinion le montrent, le fonctionnement du dernier Congrès, le moins productif depuis 1945, aussi). Certes son premier discours s’est voulu un discours d’apaisement mais pour combien de temps. Ses deux tweets sur les manifestations montrent bien que chasser le naturel il revient au galop. N’entre-t’on pas dans une sorte de cohabitation où ses meilleurs adversaires vont être une partie des républicains dont très peu ont soutenu sa candidature (à part Giulani, Christie, Gingrich qui sont loin d’être les vecteurs des changements souhaités par les Américains). Steve Banon, l’éditeur du site Breitbart News, pourrait avoir un rôle important. Les Lobbyistes qu’il avait littéralement agonis commencent à remplir les listes des conseillers en tous genres pour « nettoyer le marigot de Washington », y compris les débarrasser des autres lobbyistes. La constitution de l’ossature des 4000 responsables de l’administration qu’il va devoir mettre en place ne va pas être simple étant donné l’isolement dans lequel se trouve Donald Trump. Bien sûr, maintenant qu’il est président, il va susciter des vocations. Les Républicains qui l’avaient critiqué changent de ton pour avoir quelques miettes du pouvoir. C’est classique.

Gouvernance. On le sait, les institutions doivent s’imposer sur les hommes. C’est ce qui fait la force des démocraties. Et celles des Etats-Unis arriment solidement le pays dans ce régime politique et empêchent, a priori, un glissement vers une certaine dictature. Les Etats-Unis ne sont pas la Russie où l’on peut éliminer un citoyen dès lors qu’il est gênant. Mais il y a quand même eu des périodes troublées : McCarthy, Nixon… Le problème est que Trump n’a aucune expérience politique ni d’exercice de mandat.  C’est un chef d’entreprise et une nation ne se gère pas comme une entreprise. L’exemple le plus extrême est son émission The Apprentice où le mode de fonctionnement est plutôt : « vous n’êtes pas bon, je vous vire ». Certains commentateurs proposent une comparaison avec Ronald Reagan qui n’est guère convaincante. Ce dernier avait huit ans d’apprentissage politique comme Gouverneur de Californie – le 5e pays du monde si l’on retenait le PIB comme critère – avec la nécessité de compromis avec le Congrès de l’Etat. D’autres avec Andrew Jackson. Il faudra creuser cette hypothèse. Dès le début de son mandat, ce dernier fit voter par le Congrès l’Indian Removal Act (1830) autorisant l’exécutif à expulser les tribus indiennes de tous les Etats de la côte Est et à les réimplanter autoritairement dans les territoires situés à l’Ouest du Mississipi (Les présidents des Etats-Unis – George Ayache – Editions Perrin). Peut-être cela va inspirer Donald Trump pour relocaliser les illégaux. En quittant la Maison Blanche, Andrew Jackson déclara qu’il n’avait que deux regrets : “Ne pas avoir fait fusiller Henry Clay et pendre John C. Calhoun”. Qui seront les Clay et Calhoun de Donald Trump ?

Exercice du pouvoir. Trump n’a aucune expérience de l’exercice du pouvoir. Et ses multiples déclarations laissent craindre une dérive naturelle vers le pouvoir personnel. La plus forte étant : « I, alone, can fix it ».

Psychologique. La personnalité de Trump est assez simple. Il s’intéresse à trois choses : lui, l’argent et les femmes (il en a quand même eu trois officielles et beaucoup d’autres moins connues). Pas tout à fait compatible avec l’art de la politique et la défense de l’intérêt général.

Lorsqu’il était candidat, il avait déclaré : « I could shoot someone on 5th Ave and not lose votes 2016 ». Mais elle aussi imprévisible. On peut craindre le pire maintenant qu’il est président.

Tout ça sans parler des interrogations sur le climat, l’Obamacare, le mur, la déportation des immigrés y compris les enfants américains nés d’illégaux, l’augmentation de la dette résultant des grands travaux et de la baisse des taxes, l’augmentation des inégalités… Sa vision du monde n’est-elle pas encore plus simple que celle de George W. Bush : « Si vous n’êtes pas avec moi, alors vous être contre moi ». Car vous dites qu’il pourrait être un aussi bon président que Reagan mais il n’est pas impossible qu’il soit aussi mauvais que Bush fils qui a quand même légué la totale déstabilisation du Moyen-Orient avec la guerre en Irak et la plus grande crise économique et financière depuis 1929. Ça fait beaucoup plus un seul homme.

Alors maintenant que souhaiter ?

– Que le mandat Trump soit un échec total (en espérant qu’il n’y ait pas de conséquence majeure) afin que les deux grands partis fassent leur introspection et apportent les changements indispensables pour repartir du bon pied.

– Que le mandat Trump soit un bon mandat même si c’est dans des conditions d’exercice du pouvoir désastreuses.

On ne peut qu’hésiter. Dans un article du Boston Globe, Michael A. Cohen a fait son choix : I don’t want Trump to succeed. I want him to fail spectacularly.

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