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Ayn Rand : la source vive, vive l’égoïsme

J’avais ce livre (The Fountainhead) depuis longtemps, il fallait donc une bonne occasion pour me lancer dans ce que je pourrais qualifier de lourd pavé assez indigeste. Mais il fallait comprendre un peu mieux les fondements de l’idéologie des ultraconservateurs et des libertariens d’hier et d’aujourd’hui. Dans son livre Why the right went wrong, Conservatism – From Goldwater to Trump and Beyong, E.J. Dionne Jr, Simon and Schuster) rapporte que Paul Ryan, l’ex-Speaker de la Chambre des Représentants a largement été influencé par la lecture des ouvrages d’Ayn Rand qui lors d’une présentation devant l’Atlas Society, une association baptisée d’après le nom de l’ouvrage Atlas Shrugged de la romancière expliquait que l’essai The Virtue of  Selfishness était le livre qui l’avait influencé le plus. E.J. Dionne rapporte que Paul Ryan a tellement aimé Atlas Shrugged qu’il imposait à tout son staff de le lire. Étonnant pour quelqu’un qui se considère comme un ardent défenseur de la liberté. J’attends de voir le film Le Rebelle avec Gary Cooper pour voir comment le réalisateur King Vidor a traduit les idées du roman.

La Source vive est une sorte de Fable des abeilles de Bernard Mandeville développé en 700 longues pages. Avec une histoire pleine de méandres et parfois un peu difficile à suivre, des personnages – Howard Roark, Gail Wynand, Dominique Francon, Peter Keating pour ne citer que les principaux – à la personnalité très complexe et à la limite de la psychopathie et des dialogues parfois soporifiques dont on a peine à croire qu’ils pourraient être réels. L’individualisme – There is no society – et l’égoïsme poussés à l’extrême qui correspondent assez bien à l’idéologie conservatrice et seraient les principaux moteurs d’une société idéale. Avec également une certaine volonté de puissance et de domination assez ouvertement affichée.

Bernard Mandeville va même beaucoup plus loin. Pour lui, le vice, qui conduit à la recherche de richesses et de puissance, produit involontairement de la vertu parce qu’en libérant les appétits, il apporte une opulence supposée ruisseler du haut en bas de la société. Ca nous rappelle la politique économique de Ronald Reagan fondée la théorie du ruissellement (Trickle down theory) des années 1980 dont rien ne prouve qu’elle a fonctionné ou plutôt que tout montre qu’elle n’a pas fonctionné.

Mandeville soutient aussi que la guerre, le vol, la prostitution, l’alcool et les drogues, la cupidité, etc. contribuent finalement « à l’avantage de la société civile ». « Soyez aussi avides, égoïstes, dépensiers pour votre propre plaisir que vous pourrez l’être, car ainsi vous ferez le mieux que vous puissiez faire pour la prospérité de votre nation et le bonheur de vos concitoyens » explique -t-il.

La plaidoirie d’Howard Roark, le super héros qui porte les idées d’Ayn Rand, à la fin du Roman est une sorte de testament idéologique du livre : « Aucun de ces créateurs n’était inspiré par le désir de servir l’humanité (…) C’est pourquoi les créateurs ne sont jamais dépourvus d’égoïsme. C’est en cela que réside le secret de leur puissance (…) Le créateur ne sert rien ni personne. Il vit pour lui-même. Et c’est uniquement en vivant pour lui-même que l’homme est capable de réaliser les œuvres qui sont l’honneur de l’humanité, car telle est la loi de la création (…) Mais l’esprit est un attribut individuel. Il n’existe rien de pareil à un cerveau collectif ».

 

 

« Une décision prise par un groupe d’hommes n’est jamais qu’un compromis ou une moyenne de la pensée de plusieurs. C’est une conséquence secondaire. Mais l’acte premier, le processus de raisonnement, doit être accompli par un individu isolé.

Vient ensuite une longue digression sur les créateurs et les parasites. « L’homme qui s’efforce de vivre pour les autres est un homme dépendant. Il est lui-même un parasite et transforme ceux qu’il sert en parasites. Rien ne peut résulter de cet échange qu’une mutuelle corruption. L’homme qui, s’approche le plus de cette conception, est l’esclave ».

Et les pages qui suivent et concluent le roman dans la même veine.

« La Source vive est une œuvre fondamentale de la pensée conservatrice et libertarienne américaine », peut-on lire dans la référence wikipedia. « Ce serait le roman favori du président américain Donald Trump ». Etant donné l’appétence de ce président pour les livres et l’écrit en général, on peut douter qu’il l’est lu et qu’il s’agirait plutôt d’une posture pour donner un minimum de cohérence idéologique à ses actions changeantes et contradictoires.

 

 

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