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6 semaines avant l’élection : L’effet RBG

On se souvient qu’en 2016, James Comey avait relancé la campagne présidentielle en rouvrant le dossier des emails d’Hillary Clinton 11 jours seulement avant les élections. Et en avait sans doute changé le cours en donnant la victoire à Donald Trump.

Vendredi 18 septembre, après des mois, voire des années, de lutte contre la maladie, Ruth Bader Ginsburg, la deuxième femme nommée à la Cour Suprême des États-Unis a fini par céder. La décence aurait voulu que la politique s’arrête un moment pour une femme qui a dédié sa vie à défendre les droits civiques et faire avancer la condition féminine aux Etats-Unis. Alors qu’elle aura dû normalement rester dans les cercles des professionnels du droit, elle est devenue une icône pour plusieurs générations. Mais, la politique, ici les républicains, a perdu tout sens de la décence pour se concentrer uniquement sur les gains potentiels apportés par cette disparition. Mitch McConnell, a donc sonné la charge sans attendre pour annoncer qu’il procéderait à un vote avant la fin de l’année.

Cette période se sépare en deux parties, avant les élections et entre le jour de l’élection et le 3 janvier (baptisée de lame-duck session). Sachant qu’il a vite oublié le principe qu’il avait lui-même énoncé quatre ans plus tôt selon lequel un président ne doit pas nommer un juge à la Cour Suprême dans la dernière année de son mandat. Lindsey Graham lui a emboité le cas. Et les quelques sénateurs qui auraient pu s’opposer se sont l’un après l’autre ont choisi leur camp plutôt que leurs principes.  Il fallait 4 sénateurs pour que le vote ne soit pas sécurisé, il n’y en a eu que deux : Susan Collins, la sénatrice du Maine en très mauvaise posture à la prochaine élection, et Lisa Murkowski, la sénatrice de l’Alaska qui ne se représente pas. Même Mitt Romney a déclaré qu’il était prêt à voter. A sa décharge, il n’est pas impliqué dans le tripatouillage de 2016.

Mais était-il réaliste de penser que les sénateurs républicains décident autrement ? Car leur contrat avec Donald Trump est assez clair : supporter ses incohérences, ses mensonges, ses incongruités – dont ils s’étaient assez largement fait écho avant qu’il soit le candidat officiel du parti républicain – en échange de la nomination du maximum de juges conservateurs, dans les cours fédérales et à la Cour Suprême afin d’imprimer leurs marques sur la société américaine pour les décennies à venir. Avec la mesure suprême attendue de revenir sur l’arrêt Roe V. Wade légalisant l’avortement. Sans aucun doute le sujet le plus mobilisateur pour les républicains depuis plus de 40 ans. Et éventuellement d’autres comme l’anéantissement de la loi Obamacare. Peu importe que la Cour Suprême soit en total décalage avec la société américaine, l’important est le pouvoir.

Ils ont déjà été récompensés à deux reprises et ils ont vont peut-être l’être une troisième fois. Et même si Donald Trump est battu dans les urnes, et même méchamment, il pourra toujours qu’il a fait beaucoup pour la cause conservatrice. Et s’il était nommé, il pourrait encore augmenter son influence. Mais cette influence grandissante de la Cour Suprême dans la vie politique et sociétale n’est-elle pas la contrepartie de la baisse d’influence de la branche législative et d’une incapacité des partis à travailler ensemble ? Le cas de l’Obamacare est frappant. Les républicains auraient pu pendant les deux premières années du mandat de Donald Trump, alors qu’ils contrôlaient les deux chambres, auraient peu s’atteler à cette réforme qu’ils appelaient de leur vœu dès que la loi actuelle a été votée en 2010. Et comme ils n’ont rien fait, ils transfèrent la patate chaude à la Cour Suprême.

Comment cet épisode à un peu plus de 40 jours du scrutin va-t-il peser sur le résultat de l’élection ? Difficile à dire mais à y bien regarder, cette initiative de Mitch McConnell est plutôt le signe que les républicains n’ont pas une grande confiance sur les chances de victoire de Donald Trump. Alors que dès le lendemain lors d’un meeting électoral, les groupies du président ont abandonné leur slogan « Lock her up » pour le nouveau « Fill that seat », 62 % des Américains considèrent que c’est au prochain président (que Donald Trump soit réélu ou Joe Biden élu) de nommer le (la) successeur de RBG. En accélérant le processus de nomination du juge, les sénateurs prennent un risque d’aller contre la volonté populaire. Pourquoi prendre ce risque ? La réponse la plus simple est qu’ils pensent que Donald Trump va perdre. Nommer un juge avant les élections peut ainsi « booster » la candidature de Trump, le nommer après peut-être comparé à la politique de la terre brûlée où le vaincu pratique les destructions les plus importantes possible.

Pour Donald Trump, cette disparition est l’occasion (il n’est pas sûr que ça réussisse) de changer de sujet et de faire oublier le lourd tribut que payent les Américains face à la crise sanitaire. Cette semaine, en franchissant la barre des 200 000 morts, les États-Unis ont fait la démonstration de la très grande difficulté à lutter contre la Covid-19. Et la présence d’un Exécutif qui se donne un A+ (20/20) dans la gestion de la crise n’est pas favorable à une quelconque remise en cause. Et puis, une Cour Suprême à majorité conservatrice pourrait bien être utile en cas de contestations liées aux résultats du scrutin.

Robert Jeffress, pasteur évangélique de l’église baptiste de Dallas a publié un tweet dans lequel il indique que, en comparaison de la vacance du siège de RBG à la Cour Suprême, la Covid-19 est seulement du bruit de fond pour les électeurs. Qualifier la Covid-19 de background noise alors qu’elle a fait à ce jour plus de 200 000 morts, il faut oser.

 

La course à la nomination du successeur de RBG peut avoir aussi pour conséquence de mobiliser les démocrates. Déjà, dans le week-end qui a suivi son décès, le parti démocrate a collecté plus de 100 millions de dollars, du jamais vu. Des chiffres qui donnent une indication de la dynamique actuelle des démocrates.

Bref, la disparition de RBG aura un effet important sur les élections. Lequel ? On ne sait pas encore.

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