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5 semaines avant l’élection : le non-effet du 1er débat

Si l’on avait été dans une cour de récréation, on aurait été en présence de deux enfants dont l’un n’arrête pas de bousculer, provoquer, pousser l’autre, cherchant manifestement la bagarre ou peut-être en faisant semblant de chercher la bagarre. Mais on n’était pas dans une cour de récréation. On assistait au premier débat entre deux candidats prétendent assumer la plus haute charge du pays.

Rick Santorum, ancien candidat en 2012, puis en 2016, avait prévenu, Donald Trump n’arrêterait pas d’attaquer son opposant. On n’a pas été déçu. Depuis quatre ans, Donald Trump a pris l’habitude de faire taire les journalistes, de contredire ses experts – on l’a vu dans la gestion de la crise sanitaire -, ou encore d’haranguer sa base qui se déplace pour voir le showman dans ses meetings de campagne. Il n’avait peut-être pas réalisé qu’il était dans un débat présidentiel avec des règles de politesse et de décence qu’il avait lui-même acceptées, mais que, manifestement, il était incapable d’appliquer.  En fait, Donald Trump a fait du Donald Trump. Qui pourrait en être surpris ?

(Source : FiveThirtyEight)

Les raisons d’une telle stratégie ? Refaire son retard sur son rival. Un retard qui est resté stable sans qu’aucun événement puisse avoir d’influence dessus. Les pro Trump le resteront et les anti Trump ne changeront pas d’avis. Et ce débat les confortera un peu plus dans leur opinion. Restent les indécis, sont-ils si nombreux ? Pas sûr. Pour Donald Trump, il s’agissait de les convaincre qu’il était le meilleur candidat. En particulier les femmes des « suburbs » (le terme n’a pas le même sens qu’en France, on pourrait parler de banlieues résidentielles). Pas sûr encore qu’elles aient été convaincues, même celles qui pencheraient plutôt vers le candidat républicain. Comme le disait l’une de leurs représentantes sur CNN : « Je suis d’accord avec ce qu’il dit mais je n’aime pas la manière avec laquelle il le dit ». Comment peut-il susciter un quelconque enthousiasme, un quelconque engouement ?

Donald Trump a souvent moqué l’idée qu’on le critiquait parce qu’il n’était pas présidentiel, qu’il ne « faisait pas président ». Il s’en est toujours glorifié indiquant en filigrane que c’était la marque des politiciens de Washington qu’il entendait combattre. Lui serait un vrai représentant du peuple, parlerait comme eux, mangerait comme eux (des hamburgers et du coca)… Il a donc poursuivi sur cette ligne qui plait à ses supporters.

Chris Wallace, qui a interviewé Donald Trump a plusieurs reprises, a tenté d’obtenir des réponses à des questions (voir la liste ci-dessous) : sur la crise de la Covid-19, sur le changement climatique, sur l’assurance maladie et l’Obamacare, sur la reprise économique avec la Covid-19, sur les impôts, sur les relations entre les races, sur la criminalité, sur l’intégrité des élections.

Concernant la crise sanitaire, il a repris l’argument qu’il avait fermé les frontières très tôt avec la Chine et sauvé ainsi des centaines de milliers de vies. En s’attribuant à nouveau des félicitations sur la gestion de la crise sanitaire. Joe Biden a rappelé qu’avec 5 % de la population mondiale, les Etats-Unis comptabilisent plus de 20 % des morts. Et pourrait-on ajouter alors que les Etats-Unis consacrent 18 % de leur PIB pour la santé, très loin devant tous les pays du monde.

Sur l’Obamacare qualifié pour le nième fois de « disaster », il a rappelé qu’il avait supprimé « l’individual mandate », l’obligation pour tout Américain de prendre une assurance maladie (ce qui est le principe de l’assurance) le présentant comme une avancée pour la liberté individuelle. Joe Biden a rappelé qu’il n’avait pas de plan de remplacement, juste un décret (Executive Order) signé il y a quelques jours sur les conditions de santé préexistantes (pre-existing conditions) qui comme l’indiquait un commentateur politique, n’est qu’un « tweet sur du papier officiel » et n’a que très peu de valeur.

Sur les différents points évoqués lors de ce débat, deux éléments plutôt inquiétants retiendront l’attention.

« Are You Willing To Condemn White Supremacists And Militia Groups? » lui a demandé Chris Wallace faisant référence aux événements de Charlotteville lors desquels Donald Trump avait déclaré qu’il y avait des « very fine people on both sides ». A nouveau, il a refusé de condamner clairement ces groupes d’extrême-droite a surtout fait une déclaration pour le moins surprenante en interpellant le groupe des Proud Boys[i] : « Stand by, stand back » que l’on peut traduire par un énigmatique « tenez-vous prêts ». A tel point que son fils, Donald Trump Jr a été obligé de faire le service après-vente sur la chaîne CBS.

 

Autre point tout aussi troublant : « What Are You Going To Do About Mail-In Ballots And Are You Counting On A Ruling From The Supreme Court? » A cette question, Donald Trump a réitéré les propos qu’il diffuse depuis plusieurs semaines sur l’intégrité des élections jetant à nouveau un flou sur ce qu’il ferait en cas de défaite.

Quant aux représentants des démocrates et des républicains en France sur BFM TV ce matin, ils n’ont pas vraiment éclairci un débat pour le moins confus. Amy Porter, porte-parole des démocrates s’est lamentée de la mauvaise tenue du débat largement à cause de Donald Trump. Randy Yaloz, son alter ego républicain, a pratiqué la théorie du complot en discréditant Joe Biden sur une fumeuse enquête en cours selon laquelle Joe Biden avait une oreillette pour l’aider dans le débat.

Et comme s’il s’agissait d’un match de boxe, il faut un vainqueur et un vaincu. Selon CNN, 6 Américains sur 10 donnent la victoire à Joe Biden. Fox News considère qu’il s’agit d’un match nul (ce qui n’est pas possible en boxe). Mais cela est de peu d’importance. Car le véritable vainqueur sera celui qui gagnera les élections les 3 novembre.

Joe Biden a regardé les Américains dans les yeux, Donald Trump a jeté des regards enragés contre Joe Biden ou hérissés contre Chris Wallace.

Comme le faisait remarquer la journaliste Dana Bash, sur CNN, avec cette confrontation qualifiée de « the most chaotic debate », « The American People lost ».

Prochain rendez-vous des candidats vice-présidents, le 7 octobre


Les questions de Chris Wallace

  • Why Is Your Position Correct On Selecting A Supreme Court Nominee In An Election Year?
  • What Is The Trump Health Care Plan?
  • Do You Support Ending The Filibuster Or Packing The Court?
  • Why Should Americans Trust You More On Dealing With Covid-19?
  • Is Your Campaign Creating Confusion About The Safety Of A Coronavirus Vaccine?
  • Why Are You Reluctant On Reopening The Economy And Schools?
  • Do You Question The Benefit of Using Masks?
  • Why Do You Choose To Hold Big Rallies Or Small Events When Campaigning?
  • How Would You Describe The Economic Recovery During The Pandemic
  • Is It True You Paid $750 In Federal Income Tax In 2016 and 2017
  • Would Higher Taxes On The Wealthy Hurt The Economy
  • Why Should Voters Trust You More Than Your Opponent To Deal With Race Issues?
  • Is the Justice System Fair To African Americans?
  • Why Did You Decide To End Racial Sensitivity Training
  • Are Spikes In Crime Across The Country Only A One Party Issue?
  • What Are Views On Policing And Do You Support Community Control Of Police
  • Have You Ever Told The Governor Or Mayor To Stop The Violence In Portland OR?
  • Are You Willing To Condemn White Supremacists And Militia Groups?
  • Why Should Voters Elect You Over Your Opponent?
  • What Do You Believe About The Science Of Climate Change And How You Will Address It?
  • How Will Your Climate Change Plan Impact The Economy?
  • How Confident Are You That This Will Be A Fair Election?
  • What Are You Going To Do About Mail-In Ballots And Are You Counting On A Ruling From The Supreme Court?

___________
[i]
Proud Boys est une organisation américaine néo-fasciste. N’acceptant que les hommes parmi ses membres, elle promeut et est impliquée dans des actes de violence politique aux États-Unis. Elle est fondée en 2016 à New York par Gavin McInnes, celui-ci la décrivant comme une fraternité, ou un « club pour hommes ». Majoritairement pro-Trump, elle s’adresse aux hommes qui veulent « défendre les valeurs de l’Occident » et « refusent de s’excuser d’avoir créé le monde moderne » . (Source : Wikipedia)

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