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Retour vers le futur

L’éditorialiste du New York Times David Brooks qui commente l’actualité de la semaine avec son compère Mark Shields sur la chaîne publique PBS s’est aventuré dans un exercice de politique-fiction en se plaçant en 2050 et en faisant alors un rapide retour en arrière sur les trente années passées de la politique américaine.

Il explique d’abord les raisons de l’élection de Donald Trump en 2016. Le discours de l’homme orange a su saisir la colère des classes moyennes blanches pour qui la crise de 2008 en a ajouté une couche aux difficultés accumulées depuis les années 80 et la révolution libérale. Rappelons-nous, l’État n’est plus la solution, mais le problème. L’élection de Reagan sonne le glas de la suprématie démocrate depuis Franklin Roosevelt et son new deal et elle ouvre la voie au démantèlement de l’état providence. L’automatisation des usines et la mondialisation attaquent de front le secteur industriel américain, entraînant la suppression des emplois et gelant la hausse des salaires.

Les entreprises se sont détournées de leurs employés, devenus la variable d’ajustement, pour s’intéresser plutôt aux clients – hyperconcurrence oblige – et aux actionnaires. Sont apparus les concepts de donwsizing, de process reengineering, de restructuration, de licenciements boursiers. La rémunération des patrons a commencé à être indexée sur le cours de la bourse les poussant à des décisions parfois radicales. Le ratio « souhaitable » entre le salaire moyen de l’employé et du patron a littéralement explosé occasionnant des inégalités criantes de revenus et encore plus de patrimoine.

Emmanuel Macron fait un peu le même constat dans sa réponse à la première question de sa la récente interview Vivienne Walt de Time Magazine :

Our global economy failed to improve the situation of the middle classes. There is an over-concentration of wealth in some hands. We have a crisis of capitalism. On top of that you have a big technology transition. It creates a lot of opportunities, but at the same time creates emotions, resentments, and disruption, killing jobs and creating new anxieties for a lot of people.

Donald Trump a su saisir le moment, d’abord en éliminant les 16 candidats de la primaire républicaine en n’hésitant pas à des attaques personnelles et ensuite en battant son opposante démocrate. Car si Trump était neuf en politique et pouvait donc séduire (on connaît le discours : vous avez tout essayé, ça n’a pas marché donc vous n’avez rien à perdre), Hillary Clinton était sur la scène politique, directement ou via Bill, depuis très longtemps. On se souvient d’ailleurs de l’expression Billary, pour le prix d’un vous en avez deux, lorsque Bill Clinton avait été élu en 1992. Elle attire vers elle des sentiments d’hostilité, voire de haine, qui dépassent un peu la raison.

Donald Trump n’était peut-être pas aimé par une frange importante de la population, mais Hillary l’était encore moins. Pourtant sa connaissance des dossiers et son expérience politique n’ont pas pesé lourd face à son concurrent, malgré sa méconnaissance des affaires du monde et son inexpérience politique. En revanche, Donald Trump a fait preuve d’une habileté exceptionnelle, en transformant complètement le parti républicain devenu totalement acquis à lui. Un savoir-faire qui résulte plus de pratiques quasi mafieuses que d’une exemplarité et d’un programme politique enthousiasmant.

En 2020, Elisabeth Warren saisit l’occasion face à un Donald Trump ayant su lasser l’opinion et générant une sorte de fatigue mentale. Perçu un temps comme le candidat démocrate naturel, Joe Biden n’a pas su convaincre en se présentant comme le candidat du « linear change ».

Le problème pour Elisabeth Warren une fois élue est, selon David Brooks, qu’elle n’arrive pas à imposer son agenda : « Medicare for all, free college, decriminalizing undocumented border crossing, even the wealth tax »

Après la défaite de Donald Trump en 2020, le parti républicain entre dans un long déclin lié notamment à la composition démographique et sociologique de ses supporters. Seulement, 8 % des jeunes Américains se déclarent conservateurs.

La récession longtemps crainte frappe finalement les Etats-Unis en 2021 et ouvre une période très difficile.

Avant Elisabeth Warren, les Américains pouvaient penser que liberal et les progressive étaient synonyme. Après, les deux tendances sont clairement identifiées et le paysage politique est composé de trois tendances : conservative populism, progressive populism and moderate liberalism.

Avec un parti républicain très affaibli et usé, le parti démocrate se lance dans des batailles internes violentes imposant une primaire en 2024 que les moderate liberals gagnent facilement.

En 2030, la tendance progressive populism s’essoufle comme le right-wing populism en son temps et les démocrates redeviennent le parti majoritaire dans le pays.

Cet exercice de politique-fiction est évidemment très discutable, mais on peut retenir l’idée que le parti républicain va connaître des jours difficiles. D’abord pour les raisons objectifs présentées par David Brooks. Mais aussi pour avoir soutenu un président narcissique plaçant ses propres intérêts et ceux de sa famille avant ceux de son pays.

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