Aller au contenu Skip to footer

Le Sénat peut-il être réformé ?

Telle est la question que pose un récent article du magazine The Nation[1] (The Senate Cannot Be Reformed – It Can Only Be Abolished). Une question qui n’est pas sans intérêt et pour laquelle l’auteur donne la réponse dans le titre : il faut l’abolir.

Le Sénat était une mauvaise idée dès le départ écrit Elie Mystal rappelant les origines de la chambre haute. En 1787, lorsque les Pères fondateurs rédigent la Constitution étaient partagés entre les membres des « petits » états et des états plus peuplés. Les derniers promouvaient l’idée d’un système unicaméral avec une représentation fondée sur la population. Les états les moins peuplés comme le Delaware ou le New Jersey militaient aussi pour un Congrès unicaméral mais avec un nombre de sièges identiques, indépendamment de la population. Les motivations des uns et des autres sont clairs.

Pour surmonter cette contradiction fondamentale, la Convention a trouvé le compromis de définir un système bicaméral avec une chambre basse – la Chambre des représentants – dont le nombre de sièges seraient alloués en fonction de la population (et révisé tous les dix ans avec le résultat du recensement) et une chambre haute – le Sénat – dont le nombre de sièges seraient fixé à deux par état, indépendamment de la population.

La Chambre des représentants permettant ainsi de jouer le rôle de contrepoids au Sénat et aux fortes inégalités qu’il introduit entre petits et grands états dans une sorte d’équilibre entre l’importance de la population et celui des états. Pour conforter cette différence, les représentants étaient élus directement par les électeurs alors les sénateurs étaient nommés par les congrès des Etats. Rappelons que seuls les hommes blancs propriétaires avaient le droit de voter. Ce n’est qu’en 1913, avec le 17e amendement que les sénateurs étaient élus directement par les citoyens.

Le Sénat pose clairement un problème à la démocratie. D’abord, il donne un pouvoir disproportionné aux petits états. La question se posait déjà au moment de la rédaction de la Constitution. Entre le Delaware et la Virginie, l’écart de population était de 1 à 12, un écart déjà important qui favorisait le premier au détriment du second. Mais aujourd’hui, l’écart s’est dangereusement creusé. Le Wyoming abrite 600 000 âmes alors que la Californie, état le plus peuplé de l’Union, avoisine les 40 millions soit un rapport de 1 à 66. Dis d’une autre manière, le sénateur du Wyoming représente 300 000 électeurs alors son collègue de Californie près de 20 millions. Peut-on prétendre qu’il n’y a pas un problème ?

Et comme si ce biais démocratique ne suffisait pas, le Sénat a ajouté celui du filibuster permettant à 40 sénateurs de bloquer toute législation. Sachant qu’aujourd’hui, les états le moins peuplés sont à majorité républicaine donnant ainsi un avantage majeur au GOP. Dans le cas du filibuster, il suffit donc que les 40 états républicains les moins peuplés qui ne représentent que 21 % de la population pour bloquer tout projet de loi (Droit de vote, filibuster et démocratie). Et si l’on abrogeait le filibuster, le déséquilibre entre petits et grands états ne va que s’accroitre. En 2040, les projections indiquent que 70 % de la population sera représentée par 30 sénateurs. A l’inverse, 70 sénateurs (sur 100) seront les porte-voix de seulement 30 % de la population.

Un autre problème posé par le Sénat est la sous-représentation de la communauté noire. Rappelons qu’après le Missouri Compromise, l’équilibre devait être maintenu dans l’extension des Etats-Unis entre les free states (Dans lesquels l’esclavage était illégal) et les slaves states (les états esclavagistes). Aujourd’hui, la répartition de la communauté noire sur le pays est tout sauf uniforme. Ainsi, il y a plus de Noirs dans les 5 burroughs de la ville de New York que dans les deux états du Dakota. Ces deux états ont quatre sénateurs alors que tout l’état de New York seulement deux.

Quant aux élus eux-mêmes, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis 1789, les Etats-Unis ont élu environ 2000 sénateurs. « Here’s a complete list of the Black ones: Hiram Revels, Blanche Bruce, Edward Brooke, Carol Moseley Braun, Barack Obama, Roland Burris, Tim Scott, William “Mo” Cowan, Cory Booker, Kamala Harris, and Raphael Warnock. That’s it – just 11 people » rappelle l’auteur de l’article.

« One person, one vote” makes sense; “one state, two votes” never did » conclut-il.

[1] The Nation est un hebdomadaire américain classé à gauche et progressiste, fondé en 1865 par un groupe d’hommes d’affaires opposés à l’esclavage. Il est le plus vieil hebdomadaire aux États-Unis.

Leave a comment

Recevez les derniers articles directement dans votre boîte mail !

Un Jour en Amérique © 2024. Tous droits réservés. 
Consentement des cookies