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La vision sino-russe de la démocratie ?

On le sait, le terme démocratie est un mot formé de deux mots venant du grec ancien : dêmos qui signifie peuple et kratos commander. Globalement, pour les nations occidentales et de quelques autres pays comme la Corée du Sud, le Japon, démocratie est une forme de régime politique dans lequel les citoyens (dans l’idéal tous les citoyens) participent aux décisions publiques et à la vie politique de la cité. La Constitution américaine ne commence-t-elle par l’expression : « We the People ».

La démocratie peut être définie par opposition à d’autres régimes politiques notamment ceux indiqués dans la classification d’Aristote qui incluent les systèmes monarchiques, oligarchiques, les dictatures ou de tyrannie, les systèmes aristocratiques.

Au-delà de ce principe général de souveraineté du peuple, la démocratie peuvent être décliné selon des formes de gouvernement différentes : démocratie directe, démocratie indirecte ou représentative (régime parlementaire, présidentiel, semi-parlementaire…) sans oublier d’autres formes plus exotiques comme la démocratie par tirage au sort.

Dans un long document (Joint Statement of the Russian Federation and the People’s Republic of China on the International Relations Entering a New Era and the Global Sustainable Development) publié à l’issue de leur rencontre juste avant l’ouverture des Jeux Olympiques, Vladimir Poutine, président de la Fédération russe et XI Jinping, président de la République populaire de Chine proposent leur propre version de la notion de démocratie.

Ils (« les deux parties ») y déclarent qu’ils partagent l’idée que la démocratie est une valeur universelle, plus qu’un privilège limité à un nombre limités d’Etats et que sa promotion et sa protection sont de la responsabilité de la communauté mondiale tout entière.

Ils poursuivent en expliquant que la démocratie est un moyen pour les citoyens de participer au gouvernement de leur pays avec comme objectif l’amélioration du bien-être de la population. La démocratie doit être exercée dans tous les domaines de la sphère publique comme faisant parti d’un processus national et reflétant les intérêts de tout le peuple, garantissant ses droits, répondant à ses besoins et protégeant ses intérêts. On ne serait pas très éloigné du préambule de la Constitution américains : « Nous, le Peuple des États-Unis, en vue de former une Union plus parfaite, d’établir la justice, de faire régner la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer le bien-être général et d’assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous décrétons et établissons cette Constitution pour les États-Unis d’Amérique ».

Ces grands principes une fois posés, les divergences émergent, voire explosent car il n’y a pas de modèle universel de démocratie qui pourrait s’imposer à tous les pays. Une nation peut choisir sa forme et ses méthodes pour mettre en œuvre les principes démocratiques correspondant au mieux à son pays, ses systèmes sociaux et politiques, son héritage historique, ses traditions, sa culture. C’est au peuple de chaque pays de décider si son État est démocratique.

Et la rhétorique ne s’arrête là. Les deux parties notent que la Chine et la Russie, en tant que puissances mondiales, ont une longue tradition démocratique qui s’appuie sur des expériences de développement millénaire, de soutien populaire et de considération pour le bien de leur peuple.

Certains états (les États-Unis pour ne pas le nommer) essayent d’imposer leurs propres normes en matière de démocratie à d’autres pays, de monopoliser le droit de définir les règles de conformité, d’établir des limites fondées sur l’idéologie, incluant la constitution de blocs exclusifs et d’alliances, qui ne sont en fait n’être qu’un bafouement de la démocratie n’allant à l’encontre de l’esprit et des vraies valeurs de la démocratie.

Les deux parties s’opposent à l’abus des valeurs démocratiques et à l’interférence des affaires internes des états souverains sous le prétexte de protéger la démocratie et des droits de l’homme. Elles appellent la communauté internationale à respecter la diversité culturelle et civilisationnelle et les droits des peuples des différents pays à s’autodéterminer.

Au cas où on n’aurait pas bien compris le message, – « vous n’avez pas de leçon de démocratie et de droit de l’homme à nous donner » -, Xi et Poutine poursuivent leur explication de texte. Si la Charte des Nations Unies et la déclaration des droits de l’homme définissent des nobles objectifs, chaque nation a ses propres caractéristiques, son histoire, sa culture, son système social, son niveau de développement économique. Aussi universels qu’ils soient, les droits de l’homme doivent être compris, définis et protégés en fonction de la situation de chaque pays.

Le message est clair : La démocratie est donc une valeur universelle mais relative à chaque situation et à chaque pays. De leur point de vue, la Chine et la Russie sont donc aussi démocratiques que les États-Unis. C’est la déclinaison du commandement n°7 énoncé dans la Ferme des animaux de George Orwell : « Tous les animaux sont égaux ».

Après les grands principes, les deux parties entrent dans la real politik et détaille les termes d’une nouvelle alliance visant sans la nommer un adversaire commun : les États-Unis. Il est bien fini le temps des tensions entre les deux pays frères. La Russie et la Chine veulent définir un nouvel ordre mondial dans lequel chacun des deux pays possède sa zone d’influence. Et ils semblent avoir à cœur de renforcer un partenariat sino-russe pour faire bloquer à l’hyperpuissance et organiser un nouvel ordre mondial. Avec une déclinaison économique entre l’initiative des Routes de la Soie de la Chine et l’Union économique eurasienne de la Russie. Les deux nations « réaffirment leur soutien mutuel pour la protection de leurs intérêts, de la souveraineté de leurs états et d’intégrité de leur territoire et s’opposent à l’interférence de forces dans leurs affaires intérieures ». La Russie et la Chine s’opposent à l’ingérence de forces extérieures pour menacer la sécurité et la stabilité de leurs « régions adjacentes » (…) et s’opposent aux révolutions de couleurs, comprendre la révolution des Roses en Géorgie en 2003, la révolution orange en Ukraine en 2004, la révolution des Tulipes au Kirghizistan, la révolution en jean en Biélorussie. Des soulèvements le plus souvent pro-occidentaux qui sont perçus comme des mouvements poussés, voire fomentés par les occidentaux. Dans l’esprit de Poutine, il ne fait nul doute que l’Ukraine fait partie de ces régions adjacentes. Ils s’opposent donc à l’élargissement de l’OTAN et demandent l’abandon de l’approche idéologique de la guerre froide. Au passage, la Russie soutien le principe d’Une Chine, dont Taïwan fait partie intégrante et s’oppose à toute forme d’indépendance de cette dernière.

De tout ceci, on retiendra que la Chine et la Russie ont leur propre vision de la démocratie signifiant à peu près qu’elles n’ont rien à faire de la démocratie et de du discours des nations occidentales sur les droits de l’homme et de l’état de droit.

En parallèle à cette nouvelle vision commune du monde, la Chine et la Russie renforce leur coopération commerciale. En annonçant un accord de vente de gaz et de pétrole d’une valeur de 117 milliards de dollars. Rosneft, le plus grand producteur de pétrole annonce un nouvel accord visant à fournir plus de 100 millions de tonnes dans les dix ans à venir à la China National Petroleum Corporation via le Kazakhstan tandis que Gasprom approvisionnera 10 milliards de mètres cubes de gaz vis un nouveau pipeline. L’année dernière, les échanges commerciaux entre les deux pays n’ont jamais été aussi élevés faisant de la Chine le premier partenaire de la Russie.

On le voit donc, la démocratie met en tension deux réalités qui pourraient être contradictoire : le peuple et le pouvoir. Les Russes et les Chinois ont surmonté cette difficulté en faisant pencher résolution la démocratie vers le pouvoir en oubliant le peuple.

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