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La très américaine grippe espagnole

La grippe espagnole trouve son origine aux Etats-Unis. Cette bizarrerie est liée au fait que le seul pays qui a communiqué ouvertement sur la pandémie (la World Health Organization n’existait évidemment pas à l’époque) est l’Espagne qui n’était pas en guerre. Lorsqu’Emmanuel Macron dans son intervention télévisuelle a indiqué que l’épidémie liée au Covid-19 était la plus grave depuis un siècle. Effectivement, la grippe dite espagnole a vraisemblablement pris son envol en janvier 1918 aux Etats-Unis. Elle fit 50 millions de morts, mais certaines réévaluations portent à 100 millions le nombre de victimes. Ce qui représentent entre 2,5 et 5 % de la population de l’époque. Transposé aujourd’hui, cela donnerait entre 180 et 350 millions de morts. Même si l’on prend la fourchette basse, cela représente plus de morts que n’en n’a fait la Première Guerre mondiale.

An emergency hospital at Camp Funston, Kansas, 1918. “Of the 12 men who slept in my squad room, 7 were ill at one time,” a soldier recalled. (New Contributed Photographs Collection / otis historical Archives / National Museum of Health and Medicine)

En fait, si on n’a pas de certitudes sur le sujet, mais il semble bien que le virus père est originaire de Chine et que la mutation génétique qui a donné lieu la grippe de 1918 trouve sa source aux Etats-Unis, plus précisément dans le Comté de Haskell County au sud du Kansas, à la frontière de l’Oklahoma et du Colorado. Le journal local Santa Fe Monitor relate de nombreux cas de morts qui ne sont pas vraiment expliqués ou plutôt qui sont mal diagnostiqués (How the Horrific 1918 Flu Spread Across America).

Puis, plusieurs hommes exposés au virus furent transférés au camp militaire Funston dans le centre du Kansas et quelques jours plus tard, le premier de grippe fut alors reporté. En deux semaines, plus de 1000 soldats furent infectés et admis à l’hôpital militaire du camp, mais n’a pu absorber le choc de l’épidémie et des milliers d’autres ont alors été placés dans des baraquements. L’épidémie s’est ensuite déportée dans d’autres militaires puis a commencé à se répandre partout. Elle fut importée en Europe par les militaires américains. Mais dans cette première vague, l’épidémie tua un nombre limité de personnes. En juillet, un bulletin publié par l’armée française en juillet indiquait que l’épidémie était finie. Même son de cloche dans l’armée britannique.

Letter carrier in New York wearing mask for protection against influenza. New York City,
October 16, 1918.

Mais en août, elle refait son apparition sous une forme beaucoup plus virulente. A l’hôpital de Boston du Camp Devens, un camp d’entraînement militaire à quelque 50 kilomètres de Boston qui hébergeait 45 000 soldats et une structure médicale pouvant accueillir 1 200 patients. Au 1er septembre, on en recensait 84. Le 7 septembre, un premier cas de méningite est diagnostiqué. Le lendemain, une douzaine. Mais peu à peu, les médecins se rendent compte de l’erreur de leur diagnostic et comprennent qu’il s’agit plutôt de la grippe H1N1 pas encore appelée grippe espagnole. Au maximum de son activité, 1543 cas de maladies parmi les soldats ont été recensés. Les hôpitaux ont été rapidement submergés et les personnels médicaux malades et donc en incapacité de faire leur travail. Boston a été l’épicentre de cette deuxième vague qui a été la plus meurtrière et s’est répandue partout dans le monde.

Et la situation a été assez largement aggravée par un gouvernement qui, en cette période de guerre, voulait contrôler l’information et des médias qui n’avaient pas trop le choix que de s’incliner. Pour le président Woodrow Wilson : « the spirit of ruthless brutality…enter into the very fibre of national life.” So he created the Committee on Public Information, which was inspired by an adviser who wrote, “Truth and falsehood are arbitrary terms…The force of an idea lies in its inspirational value. It matters very little if it is true or false. ». Malgré ses attaques répétées contre les médias et son approche de la vérité et des faits, Donald Trump apparaît à côté comme un gentil rêveur.

A sa demande, le Congrès vota le Sedition Act punissant de 20 ans d’emprisonnement tout « utter, print, write or publish any disloyal, profane, scurrilous, or abusive language about the form of government of the United State…or to urge, incite, or advocate any curtailment of production in this country of any thing or things…necessary or essential to the prosecution of the war. »

 

Des affiches gouvernementales incitaient vivement de rapporter au ministère de la Justice toute personne « who spreads pessimistic stories…cries for peace, or belittles our effort to win the war ». Ce musellement des esprits a également débordé sur le traitement de l’information à propos de la grippe.

Sans grande coordination nationale, les villes étaient un peu laissées à elles-mêmes et n’ont pas fait preuve de la même prudence et clairvoyance. La mairie de Philadelphie s’est caractérisée par une grande incompétence. Au pic de l’épidémie, la maladie a emporté 750 habitants en un jour. En six semaines, 12 000 personnes moururent. A l’inverse, Saint-Louis a réussi à juguler l’épidémie et réussi à casser sa diffusion. La ville de Denver a pris les bonnes mesures, mais ne les a pas maintenues assez longtemps créant un phénomène de double pic.

Puis la vague s’interrompit soudainement comme elle était arrivée. Une troisième vague commença à nouveau à déferler en janvier 2019 pour se poursuivre jusqu’au mois de mars. Mais son taux de mortalité était comparable à celui d’une grippe saisonnière. Mais un cas a particulièrement frappé les esprits. Le 3 avril 1919, Woodrow Wilson s’effondra pendant la conférence de Versailles. On a attribué la cause de cet incident à un léger AVC alors que, explique John Barry, les symptômes ressemblaient à ceux de la grippe espagnole :  température élevée, forte toux, diarrhée… Elle avait d’ailleurs tué un proche de ses collaborateurs. Il complète que la grippe espagnole était alors fortement répondue à Paris. Il fut atteint d’un AVC en octobre et fut assez largement diminué.

Le taux de mortalité de cette grippe qui a tué 675 000 Américains a été évalué en moyenne à 2 %, mais il a varié fortement selon les pays : 7 % en Russie et en Iran, 14 % de la population des îles Fiji est morte en 16 jours. La moitié de la population de la région du Labrador a succombé. Autre fait notable, cette grippe a fortement frappé les enfants de moins de 5 ans et les adultes de 20 à 40 ans et les seniors de plus de 65 ans.

 

Le CDC publie de nombreuses informations sur les différentes grippes, notamment sur la grippe espagnole
1918 Pandemic (H1N1 virus)
Egalement
Back to the Future: Lessons Learned From the 1918 Influenza Pandemic

 

 

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