Aller au contenu Skip to footer

La tragi-comédie du relèvement du plafond de la dette

Les Républicains s’intéressent au problème des déficits et de la dette à intervalles réguliers, surtout quand ils ne sont pas au pouvoir. Kevin McCarthy, nouveau speaker de la Chambre des représentants, n’a pas attendu longtemps pour se lancer dans les manœuvres d’intimidation et de bluff : d’accord pour voter le relèvement le plafond de la dette à condition que le président affiche des économies budgétaires. La Maison Blanche a maintenu fermement que Joe Biden n’avait pas l’intention de conclure un accord pour augmenter la limite de la dette et a averti que les républicains étaient imprudents en menaçant la pleine confiance et le crédit des États-Unis.

Etonnamment, lorsqu’ils baissent les impôts, un de leurs sports favoris, des plus riches en général, les républicains ne se posent pas trop la question sur les conséquences puisqu’ils ont une réponse toute faite : la baisse des impôts va engendrer une croissance de l’économie et donc augmenter les recettes fiscales. La baisse de la dette se paye donc d’elle-même. Mais la réalité est tout autre. D’ailleurs, sur une période longue, les démocrates s’avèrent de meilleurs gestionnaires, notamment sur cette question des déficits et de la dette (Les démocrates, les républicains et la dette).

Dans un courrier daté du 13 janvier à Kevin McCarthy, Janet Yellen, Secrétaire au Trésor, indiquait que la dette atteindrait son plafond (vers le mois de juin 2023) et qu’il fallait donc engager les mesures pour relever ce plafond afin que le gouvernement puisse honorer les dépenses déjà engagées. Une opération de routine. Depuis 1960, le Congrès a augmenté le plafond de la dette 74 fois, 49 fois sous des présidents républicains et 29 sous des présidents démocrates. Certes, le problème de la dette n’est ni trivial ni dérisoire, loin de là. A la fin 2022, la dette américaine était de 31 000 milliards de dollars, environ 120 % du PIB. A titre de comparaison, la dette française s’élevait à près de 3 000 milliards de dollars soit un 114 % du PIB.

Interviewé sur le sujet par Fox News, le nouveau Speaker de la Chambre avait utilisé une analogie : « Si vous avez un enfant, que vous lui donnez une carte de crédit et qu’il atteint le plafond des retraits autorisés, augmentez-vous le plafond ou lui demandez-vous de changer son comportement ?». C’est très parlant mais c’est faux. Il s’agit en fait de refuser de payer le scooter ou le smartphone déjà acheté et dont l’achat a été autorisé par les parents. Refuser d’augmenter le plafond de la dette équivaut à ne pas payer des dépenses qui ont déjà été approuvées. De deux choses l’une, soit Kevin McCarthy ne le sait pas, c’est grave pour quelqu’un occupant sa fonction, soit il le sait et il ment aux Américains. Même si cette dernière hypothèse est sans doute la plus vraisemblable, ce n’est pas rassurant.

Les républicains vont donc recommencer leur petit jeu sournois consistant à faire du chantage au président en acceptant de voter cette augmentation en échange de mesures diverses, tout particulièrement de réductions en matière sociale.

Mike Pence, probable candidat aux primaires républicaines de 2023, s’est mis aussi de la partie en déclarant au National Association of Wholesaler-Distributors summit in Washington, D.C: « I think the day could come when we could replace the New Deal with a better deal ».  Il parlait de la Social Security (les retraites mais aussi d’autres programmes comme l’assurance chomage[1]). « Literally give younger Americans the ability to take a portion of their Social Security withholdings and put that into a private savings account. »

L’idée n’est pas nouvelle, il s’agit de privatiser ce programme pour réduire l’emprise du gouvernement fédéral et réduire la dette. « It’s absolutely essential that we generate leadership in this country that will be straight with the American people, that will take us off this trajectory of massive debt that we’re piling on the backs of those grandchildren ».

Ne pas augmenter le plafond de la dette entraînerait des conséquences graves sur le public car le gouvernement fédéral fonctionne au ralenti et ne peut plus payer les vétérans ou les retraites. Cela risquerait aussi de faire baisser la notation des Etats-Unis en tant que créancier. Tout ceci n’exclut pas que les Etats-Unis aient un problème avec leur dette qu’ils ne pourront pas gérer éternellement grâce au statut du dollar.

Avant sa rencontre avec Kevin McCarthy, Joe Biden l’a joué assez finement en demandant au Speaker par personnes interposées quelles dépenses il souhaitait réduire. « Il est essentiel que Keven McCarthy s’engage également à publier un budget, afin que le peuple américain puisse voir comment les républicains de la Chambre prévoient de réduire le déficit », ont écrit Brian Deese, directeur du Conseil économique national de la Maison Blanche, et Shalanda Young, directrice du bureau du budget de la Maison Blanche, dans une note publiée mardi. « Le relèvement du plafond de la dette n’est pas une négociation. C’est une obligation de ce pays et de ses dirigeants d’éviter le chaos économique. »

Jusqu’ici les républicains font des demandes générales de réduction mais n’ont pas apporté de précision sur les programmes qu’ils souhaitaient toucher. Le nouveau speaker a répondu par un revers de tweet qu’il n’était pas intéressé à ce petit jeu politique. Et pourtant, il faudra bien qu’il abatte ses cartes, à un moment ou à un autre sachant qu’il a déjà déclaré qu’il ne souhaitait pas toucher aux deux piliers du Welfare State : Social Security et Medicare. Seulement les dépenses superflues sans les citer et sans même savoir ce qu’elles peuvent représenter. Le problème est qu’ils (les élus républicains de la Chambre) n’ont sans doute pas de plan. Un peu comme lorsqu’ils souhaitaient supprimer et remplacer l’Obamacare (repeal and replace). Ils n’ont jamais produit le début d’un commencement d’un programme de remplacement. Ils avaient deux idées en tête : supprimer l’Obamacare parce que c’était Obama qui l’avait poussé et parce que c’était du socialisme rampant.  

Pour les élus républicains, la question ici est purement politique. Peuvent-ils retirer un quelconque bénéfice de ce petit chantage qu’ils vont exercer pendant les semaines à venir. Ils savent pertinemment que c’est un jeu dangereux qui peut leur revenir à la figure comme ce fut le cas en 1995 dans une campagne analogique lancer par Newt Gingrich dont Bill Clinton fut le grand gagnant.


[1] Le terme Social Security fait référence au programme fédéral Old-Age, Survivors, and Disability Insurance (OASDI). Administré par la Social Security Administration, la sécurité sociale trouve ses origines dans le Social Security Act de 1935, signé lors du New Deal par le président Franklin D. Roosevelt (Source : Wikipedia).

Leave a comment

Recevez les derniers articles directement dans votre boîte mail !

Un Jour en Amérique © 2024. Tous droits réservés. 
Consentement des cookies