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Juneteenth : du local ou national

“On June 19, 1865 – nearly nine decades after our Nation’s founding, and more than 2 years after President Lincoln signed the Emancipation Proclamation – enslaved Americans in Galveston, Texas, finally received word that they were free from bondage” c’est ainsi le communiqué de la Maison Blanche (A Proclamation on Juneteenth Day of Observance, 2021) signé par Joe Biden pour entériné la loi voté à une large très majorité par le Congrès faisant du 19 juin une fête nationale.

Le 19 juin ou Juneteenth (contraction de June et Nineteenth i.e dix-neuvième) est également connu sous le nom de jour de l’Émancipation (Emancipation Day). Le 19 juin commémore l’annonce de l’abolition de l’esclavage dans l’État américain du Texas en juin 1865, et plus généralement l’émancipation des esclaves afro-américains à travers tout le Sud confédéré. La proclamation de l’émancipation des esclaves a été officiellement publiée le 1er janvier 1963 mais son application nécessita plusieurs mois pour atteindre le Texas le 19 juin 1865 lorsque le général Gordon Granger lu l’ordre fédéral dans la ville de Galveston. Le 19 juin 2020 avait aussi été la date retenue par Donald Trump pour organiser un meeting électoral dans la ville de Tulsa en Oklahoma. Devant les nombreuses protestations sur l’inopportunité de la date, Donald Trump a finalement repoussé le meeting au 20 juin (Tulsa, centre de la nouvelle campagne de Donald Trump).

Les festivités liés à cet évènement ont commencé très rapidement sous la forme de rassemblements communautaires autour d’églises. Cette élévation de cette date au niveau de fête nationale est symbolique mais le symbole est ici très important. Déjà, 47 états, qu’ils soient à majorité démocrate ou républcaine, avaient déjà reconnu Juneteenth comme une fête de l’état. Cela n’a pas empêché certains élus de ne pas voté la loi. C’est le cas de Matt Rosendale, représentant de l’état du Montane qui a publié une déclaration pour justifier sa position. Que l’on pourrait qualifier de risible ou d’hypocrite.

“This is an effort by the Left to create a day out of whole cloth to celebrate identity politics as part of its larger efforts to make Critical Race Theory the reigning ideology of our country,” écrit-il. “Since I believe in treating everyone equally, regardless of race, and that we should be focused on what unites us rather than our differences, I will vote no.”

On connaissait la guerre préventive, voici maintenant la guerre culture préventive. Déjà de nombreux états on voté des lois pour interdire l’enseignement de cette fameuse « critical race theory » notamment dans les écoles. Pourtant, cet élu républicain comme nombre de ses congénères pourrait se louer du fait que les États-Unis à la suite d’une guerre civile qui a coûté la vie à plus de 600 000 habitants (sur 30 millions à l’époque) et de conflits sociaux à répétition ait été capable de se sortir de ce que Joe Biden appelle « le pêché originel de l’Amérique », a long legacy of « systemic racism, inequality, and inhumanity ». De quoi donc Matt Rosendale et les siens ont-ils peurs que les Etats-Unis arrivent à surmonter ses démons et a évoluer vers une société où l’égalité des races n’est pas seulement un principe mais aussi une pratique ?

Dans sa Démocratie en Amérique (qui rappelons a été écrit après son voyage aux États-Unis dans les années 1830 à une époque où la question de l’esclavage commence à diviser le pays), Alexis de Tocqueville n’a pas de mots assez durs pour qualifier ce qu’il voit dans le chapitre intitulé : « quelques considérations sur l’état actuel et l’avenir probable des trois races qui habitent le territoire des Etats-Unis ».

« Ces deux races infortunées (Tocqueville parle des nègres et des indiens) n’ont de commun ni la naissance, ni la figure, ni le langage, ni les mœurs; leurs malheurs seuls se ressemblent. Toutes deux occupent une position également inférieure dans le pays qu’elles habitent; toutes deux éprouvent les effets de la tyrannie; et si leurs misères sont différentes, elles peuvent en accuser les mêmes auteurs ».

« Ne dirait-on pas, a voir ce qui se passe dans le monde, que l’Européen est aux hom¬mes des autres races ce que l’homme lui-même est aux animaux ? Il les fait servir à son usage, et quand il ne peut les plier, il les détruit ».

Analyse plutôt radicale qui est complété d’une description essentialiste comme on dirait aujourd’hui sur les deux populations, surtout les Noirs. « Plongé dans cet abîme de maux, le Nègre sent à peine son infortune; la violence l’avait placé dans l’esclavage, l’usage de la servitude lui a donné des pensées et une ambition d’esclave; il admire ses tyrans plus encore qu’il ne les hait, et trouve sa joie et son orgueil dans la servile imitation de ceux qui l’oppriment. Son intelligence s’est abaissée au niveau de son âme ».

Tocqueville établit une différence nette entre les Noirs et les Indiens : « Le Nègre est placé aux dernières bornes de la servitude; l’Indien, aux limites extrê¬mes de la liberté. L’esclavage ne produit guère chez le premier des effets plus funestes que l’indépendance chez le second » (…) « La servilité de l’un le livre à l’esclavage, et l’orgueil de l’autre à la mort ».

Alexis de Tocqueville ne semble donc par très clairvoyant sur la question de l’esclavage qu’il ne semble pas remettre fondamentalement en cause : « S’il devient libre, l’indépendance lui paraît souvent alors une chaîne plus pesante que l’esclavage même; car dans le cours de son existence, il a appris à se soumettre à tout, excepté à la raison ». Sur ce point, il est clairement l’esprit de son temps.

L’esclavage a disparu depuis longtemps mais au lieu de craindre la diffusion de ces théories critiques de la race, Matt Rosendale et ses collègues qui ont voté contre la loi pourrait en tirer profit pour continuer la route. Car si la situation des Noirs aux Etats-Unis s’est améliorée depuis les années 1960 (prétendre le contraire serait absurde), elle n’est pas encore satisfaisante. Comme le résument Kristen Broady et Anthony Barr dans un article publié par la Brokkings : « To celebrate Juneteenth, elect officials focusen on ending mass incarceration » : Today, Black Americans are more likely to be surveilled by police via technology; more likely to be pulled over by police; more likely to be killed in encounters with police; more likely to be charged, convicted, and face lengthier prison sentences; and more likely to face the death penalty. This carceral culture extends to the lives of Black children and adolescents too; Black juveniles are more likely to experience suspension or expulsion from school and are more likely to be charged as adults in court. A 2020 study found that between 2003 and 2018, Black children “had a six-fold higher risk of death due to legal intervention.”

La route est encore longue.

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