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Afghanistan : la guerre qui n’en finissait pas

Les Etats-Unis souhaitent « une fin responsable à ce conflit » et « une transition vers une nouvelle situation ». Tels seraient les deux objectifs de l’administration Biden formulés par Lloyd Austin, le ministre de la Défense lors d’une visite surprise en Afghanistan où il a rencontré en mars dernier le président Ashraf Ghani. Petit détail, il avait pris l’hélicoptère pour se rendre de l’aéroport international de Kaboul à la résidence de la présidence.

Le premier sera difficile à attendre et le second pourra l’être aisément mais ne donne aucune garantie sur quoi que ce soit.

Quelques semaines plus tard ; Joe Biden a pris la décision de repousser le départ des troupes américaines du 1er mai comme l’avait prévu Donald Trump au 11 septembre 2021, 20 ans après l’attaque des deux tours de New York. Une date hautement symbolique mais quelque peu surprenante car elle rappelle les causes qui ont conduit au déclanchement de cette guerre et qui ne sont pas vraiment supprimées aujourd’hui.  Contrairement au plan de la précédente administration, qui associait le départ à une négociation entre les Talibans et les Américains d’un côté, et à un accord entre Talibans et gouvernement afghan de l’autre, celui n’est assorti d’aucune condition et devrait être effectif quoi qu’il arrive.  

Le principal objectif de la guerre en Afghanistan était de contrôler, réduire, voire anéantir le danger terroriste et son bras armé Al-Qaida. Cet objectif a été partiellement atteint il y a une dizaine d’années et son chef, Osama Ben Laden a été tué dans une opération commando décidé par Barack Obama le 2 mai 2011, il y a dix ans. D’autres forces islamisto-terroristes se sont créés depuis opérant en Afghanistan mais aussi dans d’autres pays du monde, d’Afrique notamment, en Somalie, au Mali (« al-Shabaab in Somalia; al Qaeda in the Arabian Peninsula; al-Nusra in Syria; ISIS attempting to create a caliphate in Syria and Iraq, and establishing affiliates in multiple countries in Africa and Asia » – Remarks by President Biden on the Way Forward in Afghanistan). Ce qui ne justifie plus de concentrer des forces militaires en Afghanistan.

Et ce qui n’a pas été réellement avec 100 000 stationnés dans le pays pourra difficilement l’être avec les quelques milliers encore présents même renforcés par les troupes des alliés de l’OTAN. Et les missions chères aux néoconservateurs de défense de l’état afghan, de state-building et de développement de l’économie pour faire avancer la démocratie ne font pas partie de l’agenda Biden. En clair, advienne que pourra tant que l’Afghanistan ne soit pas un pôle actif du terrorisme international. La majorité des spécialistes de la région peignent un avenir très sombre pour le pays avec des Talibans reprenant le contrôle du pays amenant son lot de désolation avec l’imposition d’un état islamique et de remise en cause du droit des femmes.

Le 1er janvier 2003, George Bush faisait un discours sur l’USS Abraham Lincoln pour déclarer la victoire face à l’Irak : « Operation Iraqi Freedom was carried out with a combination of precision and speed and boldness the enemy did not expect and the world had not seen before ».

Et il continuait sur la guerre en Afghanistan : « In the battle of Afghanistan, we destroyed the Taliban, many terrorists and the camps where they trained. We continue to help the Afghan people lay roads, restore hospitals and educate all of their children.

Yet we also have dangerous work to complete. As I speak, a special operations task force lead by the 82nd Airborne is on the trail of the terrorists and those who seek to undermine the free government of Afghanistan.

America and our coalition will finish what we have begun ».

Dix-huit ans plus tard, les Américains sont toujours présents en Afghanistan, certes avec des forces largement réduites, environ 2500 hommes, mais toujours présents et dans une guerre qui continue toujours activement.  

Quelques mois avant la fin de son mandat, Donald Trump a arrêté l’idée de retirer les troupes américaines au 1er mai 2021 et d’engager une négociation avec les Talibans à Doha et sans inclure le gouvernement Afghan et son président Ashraf Ghani. Etonnant puisque c’est ce dernier qui a été élu. Un fois cette accord bouclé, les Talibans étaient censés s’entendre avec le gouvernement Afghan. Un accord assez mal ficelé que l’administration Trump transfert donc à son successeur. Dans une interview récente à la chaine PBS, Anthony Blinken, Secretary of State a expliqué qu’il était très difficile de vérifier les progrès accomplis sur ces deux accords.  

« Afghanistan : cimetière des empires », la formule a été utilisée et usée jusqu’à la corde. Concernant les Etats-Unis, l’Afghanistan ne sera peut-être pas le cimetière mais bien son calvaire. Cette guerre, la plus longue de toute l’histoire des Etats-Unis, aura coûté la vie de plus de 2300 soldats américains auxquels il faut ajouter quelque nombre auquel il faut ajouter plus de soldats de la coalition, et certainement beaucoup plus côté afghan. Sans parler des victimes civiles toujours plus nombreuses dans ce type de conflit.

Dans cette période de transition où il entend toujours jouer son rôle de président et essayer d’accomplir ce sur quoi il s’était engagé, Donald Trump a donc ordonné un retrait partiel des troupes. Dans la logique d’America First, ce sont donc 2500 soldats sur les 4500 qui devaient revenir au pays d’ici le 15 janvier, cinq jours avant la prise de fonction officielle de Joe Biden. A cette décision prise comme à son habitude de manière très impulsive, presque par un tweet, sans n’avoir consulté ni informé, s’ajoute également le retrait de 2 500 soldats d’Irak sur les quelque 3 000 en poste actuellement et les 700 soldats présents en Somalie.  

Même s’il essaiera de sauver les apparences, ce retrait sonne comme une défaite en rase campagne des Etats-Unis. Certes moins dramatique et visible que la défaite du Vietnam mais défaite quand même. Il doit être conjugué à un accord avec seuls Talibans auxquels il tapisse un boulevard pour les mois qui viennent face au gouvernement central. Que se seraient écriés les républicains en temps normal – c’est-à-dire hors Trump – si on leur avait dit que leur pays signerait un accord avec les Talibans.

Bien sûr, il serait erroné d’en imputer la totale responsabilité à Donald Trump. D’autant que cette guerre, devenue une succession d’opérations militaires sporadiques, ne pouvait sans doute pas être gagnée. Malgré la puissance militaire américaine.

Le 18 septembre 2001, une semaine seulement après les attaques terroristes, George W. Bush signe une résolution conjointe autorisant l’usage de la force contre ceux qui ont procédé à cette attaque. Et le 7 octobre, il lance les premières offensives aériennes contre les Talibans et Al-Qaeda sous l’appellation Operation Enduring Freedom. Trois plus tard, les Talibans semblent être neutralisés. Au fil des mois, leur influence a été réduite et circonscrit à certaines régions du pays où il est difficile de les contrôler. Une vingtaine d’années plus tard, quelques 2500 soldats américains tués et 1000 dans les rangs de l’ISAF mais beaucoup plus du côté afghan, surtout chez les civils (110 000 morts civils et militaires tués directement dans les combats), les Américains vont quitter le bourbier afghan sans véritablement avoir réglé quoi que ce soit.  

« Don’t you bear some responsibility for the outcome if the Taliban ends up back in control and women end up losing the rights? » demandait Margaret Brennan à l’ex-président et candidat Biden lors d’une interview à l’émission 60 minutes en février 2020. « No I don’t. Look, are you telling me that we should go into China because- go to war with China because what they’re doing to the Uyghurs, a million Uyghurs, in the- out in the West in concentration camps? Is that what you’re saying to me? (…) Do I bear responsibility? Zero responsibility. The responsibility I have is to protect America’s na- national self-interest and not put our women and men in harm’s way to try to solve every single problem in the world by use of force. That’s my responsibility as President. And that’s what I’ll do as president ».

« It is time to end America’s longest war » déclarait un an plus tard le président Joe Biden dans le discours à la Maison Blanche expliquant sa décision (Remarks by President Biden on the Way Forward in Afghanistan). « It is time for American troops to come home ». Donald Trump n’aurait pas dit mieux mais il ne l’a pas fait.

« I’m now the fourth United States President to preside over American troop presence in Afghanistan: two Republicans, two Democrats.  I will not pass this responsibility on to a fifth ».

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