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De Donald Trump à Boris Johnson

On apprend des erreurs des autres dit-on couramment. Pas sûr. Des différentes stratégies adoptées par les différents pays pour vaincre la pandémie du COVID-19, le Royaume-Uni en a adopté une singulière et unique. Est-ce le fait que ce soit une île ou qu’elle soit sortie de l’Europe ? Celle-ci s’exprime assez simplement : restez calme et attendre la sortie de crise. Les écoles, les restaurants, les théâtres, les cinémas, tous les lieux qui reçoivent du public resteront ouverts, les événements sportifs se tiendront comme prévu. Il est seulement demandé aux personnes de plus de 70 ans et celles qui ont des symptômes grippaux de rester chez eux. C’est là l’application de la théorie baptisée immunité grégaire (ou immunité de communauté ou immunité collective).

Selon cette théorie controversée, la propagation d’une maladie contagieuse peut être enrayée dans une population si un certain pourcentage des individus est immunisé, par exemple par vaccination ou parce qu’après avoir été contaminés ils n’ont pas développé la maladie ou en ont guéri. Et comme il n’existe pas de vaccination, le second cas s’applique. En clair, laissons le virus se répandre, les personnes tomber malades afin d’être immunisées et le mal disparaîtra naturellement. Ce n’est pas faux, le seul problème de cette stratégie c’est qu’elle a une énorme faiblesse : elle ne tient pas compte du nombre de morts que la maladie va occasionner. Et là les calculs sont relativement simples. La population du Royaume-Uni est de 66 millions d’habitants. Si l’on exclut les enfants et les personnes de plus de 65 ans (qui suivraient les directives, resteraient confiné chez elles), on arrive à 33 millions. A supposer que le taux de mortalité de la maladie soit de 2 %, on arrive à 660 000 morts. Chiffre sans doute très en deçà de la réalité. C’est donc là un tribut inacceptable. Mais Boris Johnson, se prenant peut-être pour Churchill, a prévenu : il y aura des morts. « This is an extremely serious crisis and that our priority is to save lives, with the presumption that it’s too late to try to contain the outbreak. » avait-il déclaré.

Ce pari, à l’origine très risqué, s’est vite confronté aux faits. Lundi soir, une étude publiée par L’Imperial College of London et le London School of Hygiene and Tropical Medecine a révélé les impacts possibles d’une telle stratégie. En appliquant la situation italienne, elle suggérait que 30 % des patients infectés par le virus devraient être placés en soins intensifs. Rapidement, les hôpitaux seraient submergés.

Fort de ces éléments, le Premier ministre britannique a changé de pied. « A partir de ce soir, je dois donner aux Britanniques une instruction très claire : restez chez vous », a-t-il déclaré lundi soir. Pour trois semaines. Jusqu’à présent, il s’était contenté de «conseiller fortement» de rester confiné.

Après avoir minimisé le phénomène qui était un « hoax » et qui disparaîtrait comme par enchantement, Donald Trump a changé de ton sans pour autant changé de stratégie définie par la formule : « Locally managed, state run and Federal Supported ». Le message envoyé aux gouverneurs des États est relativement simple : « Démerdez-vous ». Donald Trump a signé le Defense Production Act qui permettrait au gouvernement de forcer certaines entreprises de fabriquer des équipements : des masques, des respirateurs, des lits… Mais il se refuse à l’activer, car « regardez comme ça fonctionne au Venezuela » a-t-il répondu à une question lors de l’un de ses briefings quotidiens. Il promet des millions d’équipements aux hôpitaux (peut-être les masques sont-ils inclus dans ce décompte), le gouvernement livre 400 respirateurs à 4 hôpitaux new-yorkais.

Evolution de la pandémie dans différents pays (source : New York Times)

Alors que la pandémie explose dans certaines régions comme New York (qui représente près de la moitié des cas), San Francisco et Seattle, Il répète à l’envi que la situation va retourner à la normale rapidement, plus rapidement beaucoup d’experts le prétendent (On le sait, les experts se trompent et « I am right a lot » avait-il déclaré) et il pourrait lever les mesures afin de relancer l’économie. Mais c’est là un message relativement vide puisque ces mesures doivent être prises par les États. Toutefois, il enverrait un bien mauvais message indiquant faussement que le mal a été maîtrisé et que tout un chacun peut reprendre le cours normal de ses activités. Et pourtant quand on regarde les courbes, on ne voit pas très bien ce qui peut soutenir cet optimiste inconsidéré. Mais peut-être que d’autres considérations sont prises en compte dans ce calcul macabre. La bonne santé de l’économie américaine serait le premier critère retenu par les Américains pour les élections de novembre.

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