On se souvient du fameux slogan de l’émission The Apprentice à l’issue de laquelle, à chaque épisode, Donald Trump ne cachait pas sa satisfaction d’annoncer à l’un des candidats qu’il était viré.
Puisque Donald Trump conçoit l’exercice de sa fonction comme un show télévisuel – la dernière itération étant la rencontre avec Vladomir Poutine en Alaska -, il n’est donc pas surprenant qu’il se soit adonné à son sport favori : le renvoi de fonctionnaires : supérieurs ou subalternes. Au motif qu’ils ne sont pas assez loyaux au président et qu’ils ne peuvent donc, en aucun cas, être un maillon efficace de la mise en œuvre de sa politique.
La liste des « victimes » de ce plan de licenciements massif est longue et souvent annoncée par le biais d’un petit message sur le fil de son compte Truth Social. Le 24 janvier, Trump a brusquement limogé au moins 17 inspecteurs généraux des principales agences fédérales – telles que l’USDA, la Défense, le HUD, le HHS, l’EPA, l’État, la Virginie, l’Intérieur et l’USAID – souvent par e-mail, et sans le préavis légalement requis de 30 jours au Congrès.
Ces actions ont déclenché des réactions juridiques – les IG ont intenté des poursuites judiciaires en affirmant que les licenciements violaient les lois de surveillance.
Le 27 janvier, Trump a limogé Gwynne Wilcox, membre du National Labor Relations Board dont le mandat était censé durer jusqu’en 2028. La destitution a suscité des critiques et des contestations judiciaires, car les membres du NLRB ne peuvent être renvoyés que « pour un motif valable » – une exigence qui, selon Wilcox, n’a pas été respectée.
En mars, Donald Trump a limogé les deux commissaires démocrates de la FTC, Alvaro Bedoya et Rebecca Kelly Slaughter, supprimant la structure bipartisane de l’agence de protection des consommateurs
Cameron Hamilton, qui avait occupé le poste d’administrateur par intérim de la FEMA du 22 janvier au 8 mai 2025, a été licencié le 8 mai 2025.
Le même jour, Trump a limogé Carla Hayden, la bibliothécaire du Congrès, deux jours après son témoignage devant le Congrès. Il a également limogé son adjoint Robert Newlen et le Registre des droits d’auteur, Shira Perlmutter, ce qui a déclenché une action en justice.
Le plus spectaculaire jusqu’ici a été le renvoi de la Commissaire du Bureau of Labor Statistics (BLS) – Erika McEntarfer (début août 2025). La raison : La publication des données défavorables sur l’emploi que Trump a qualifiées de « truquées ». Il l’a remplacée par E.J. Antoni, un économiste de la Heritage Foundation aligné sur le Project 2025.
Au-delà des cuissons individuelles, une purge radicale a eu lieu pendant le week-end de la Journée des présidents (février 2025), ciblant des milliers d’employés fédéraux en probation dans toutes les agences. Il s’agissait d’anciens combattants, de membres du personnel de longue date et de personnel handicapé, ce qui est noté comme des licenciements chaotiques et non individualisés de « performance ». Beaucoup de ces licenciements ont ensuite été contestés devant les tribunaux. Un juge a ordonné la réintégration d’une grande partie du personnel licencié dans l’attente d’une résolution judiciaire.
Mais le licenciement que tout le monde atteint et que certains redoutent est celui de Jerome Powell, président du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale (Fed). Il est considéré comme un républicain modéré et s’oppose à Donald Trump, qui l’a nommé à la tête de la Fed. Normalement, le président n’a pas le pouvoir de renvoyer le président de la Fed. Mais comme nous ne sommes pas dans une période normale, on peut s’attendre à tout. Au-delà des attaques récurrentes et sournoises, il est allé jusqu’à menacer d’une action judiciaire la Fed pour mauvaise gestion dans la construction des nouveaux locaux de l’institution. L’épisode est resté célèbre lorsque Donald Trump, croyant faire une bonne affaire devant les médias, s’est fait reprendre de volée par Jerome Powell qui lui a montré qu’il se trompait, en gros qu’il ne savait pas compter.

La question à mille euros est Donald Trump osera-t-il franchir le Rubicon en limogeant Jerome Powell ? Car les conséquences seraient désastreuses, ce qui, pour Donald Trump n’a pas beaucoup d’importances tant qu’il a pu démontrer qui était le chef.
Ces conséquences peuvent être résumées ainsi :
Crise institutionnelle : la Fed est conçue comme une institution indépendante ; un renvoi politique créerait un précédent remettant en cause cette indépendance, pilier de la confiance des marchés.
Choc financier immédiat : les investisseurs interpréteraient le geste comme une tentative de politiser la politique monétaire entraînant volatilité accrue des marchés, chute probable du dollar, hausse des taux longs (primes de risque).
Crainte d’une inflation incontrôlée : si Donald Trump voulait un successeur accommodant (baisse des taux pour stimuler la croissance), les marchés redouteraient une perte de crédibilité de la Fed face à l’inflation.
Isolement international : les banques centrales partenaires verraient la Fed comme instrumentalisée, ce qui minerait la coordination monétaire mondiale.
Et Contentieux juridique : le président de la Fed est nommé pour un mandat fixe (jusqu’en 2026 pour Powell) et ne peut être révoqué que “pour cause”. Un limogeage arbitraire entraînerait une bataille judiciaire et constitutionnelle.
Si comparaison n’est pas raison, le magazine The Atlantic vient de publier un article (What Happened When Hitler Took On Germany’s Central Banker – Hans Luther was the principled and respected president of the Reichsbank—but he wouldn’t accede to Hitler’s demands) qui raconte comment, en 1933, Hitler s’est heurté à Hans Luther, président de la Reichsbank. Hans Luther défendait l’indépendance de la banque centrale face aux pressions politiques. Hitler voulait qu’il finance massivement le réarmement et plie devant la logique du régime. Juridiquement protégé, Hans Luther tenait tête, mais face aux menaces directes et à l’intimidation, il finit par démissionner en mars 1933. Il rappela alors que la stabilité économique exigeait une banque centrale indépendante, protégée des alternances politiques. Sa chute montra que les garde-fous juridiques pouvaient s’effondrer sous un pouvoir autoritaire, surtout quand celui-ci agit de façon extralégale.
Donald Trump, en menaçant de limoger Jerome Powell, président de la Réserve fédérale, rejoue un scénario similaire en visant l’un des derniers bastions d’indépendance institutionnelle. L’objectif est le même : subordonner la politique monétaire aux besoins du pouvoir exécutif, quitte à sacrifier la crédibilité internationale et la stabilité financière.
La tension réside dans la même contradiction : les textes protègent l’autonomie du banquier central, mais un président déterminé peut user de pressions politiques et de menaces pour obtenir sa soumission.