Le très divertissant spectacle Jules Verne nous propose, dans un mode immersif[i], de (re)découvrir l’immense œuvre de l’auteur. On entre dans le bureau dans un Jules Verne au faît de sa vie qui reçoit un courrier d’une journaliste américaine souhaitant le rencontrer à l’occasion de l’exposition universelle. Le « vieux » Jules Verne en profite alors pour nous compter quelques grands épisodes de sa vie, à commencer par sa rencontre avec son éditeur Pierre-Jules Hetzel.


L’épisode sur le livre de la Terre à la Lune met en scène trois personnages principaux : Impey Barbicane, le président du Gun Club, à l’origine du projet de lancement, Michel Ardan, un aventurier français, audacieux et fantasque (inspiré par Nadar) et le capitaine Nicholl, rival de Barbicane, spécialiste en métallurgie, qui finit par se joindre à l’expédition.
Ils sont lancés à bord d’un projectile en forme d’obus, tiré depuis un gigantesque canon appelé le Columbiad, installé en Floride.
Dans De la Terre à la Lune, ils ne vont pas jusqu’à la Lune — le roman se termine sur leur départ, avec le suspense de savoir s’ils ont survécu ou non. On apprend seulement que le projectile a été mis en orbite autour de la Lune. C’est dans la suite, intitulée Autour de la Lune (1870), que Verne raconte le voyage complet. Dans ce second volume : le projectile tourne autour de la Lune, les voyageurs observent sa surface mais ne se posent pas sur sa surface, et après plusieurs péripéties, ils reviennent sur Terre, amerrissant dans le Pacifique, où ils sont secourus sains et saufs.
Le choix de deux Américains (Barbicane et Nicholl) et un Français n’est pas un hasard. Jules Verne cherche à valoriser l’Amérique comme symbole de progrès et d’audace. Barbicane et Nicholl représentent l’esprit scientifique et industriel américain du XIXᵉ siècle. Jules Verne voyait les États-Unis comme une nation jeune, conquérante, innovante et capable de grandes audaces techniques. L’idée d’un canon géant et d’un projet monumental correspond au rêve technologique américain, que l’auteur admirait.
Mais il a aussi souhaité introduire un personnage européen pour le contraste, Michel Ardan, Français, est l’élément romantique, fantasque et imaginatif. Il incarne l’esprit européen : audace, créativité, flamboyance, et un peu d’exubérance. Sa présence sert à équilibrer le pragmatisme américain : il pousse Barbicane et Nicholl à prendre des risques, et apporte une vision plus « humaine » et aventureuse du voyage spatial.


Un siècle plus tard, à l’heure de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique, la situation a-t-elle véritablement changé ?
Le roman De la Terre à la Lune, est présenté en deux tableaux. D’abord, l’ineffable Camille Flammarion qui avec force de formules mathématiques et de théories physiques nous explique que le voyage est possible. Puis, dans un deuxième tableau, il présente les trois personnages qui s’installe dans le fameux canon.
La scène qui suit nous fait pénétrer dans la fameuse salle de contrôle de Houston d’où a été commandé le départ de la fusée Apollo 11. Le 20 juillet 1969, Neil Armstrong — commandant de mission, Buzz Aldrin — pilote du module lunaire et Michael Collins — pilote du module de commande (resté en orbite lunaire) décolle de la base de Capa Canaveral en Floride.
En descendant les échelons du module Eagle et en posant le pied sur le sol lunaire, Neil Armstrong fait la déclaration qui restera dans l’histoire : « That’s one small step for a man, one giant leap for mankind. »
Il est a noté qu’un siècle sépare les deux événements. Serait-on capable aujourd’hui d’imaginer ce qui pourrait arriver dans un siècle ? Il est probable que non tant la science et les technologies évoluent aussi rapidement.
Comparaison des deux voyages
| Chez Jules Verne | Apollo 11 | |
| Lieu de départ | Floride, près de Tampa — choisi pour sa proximité de l’équateur (meilleure impulsion de tir). | Cap Kennedy (aujourd’hui Cap Canaveral, Floride), pour les mêmes raisons orbitales ! |
| Véhicule spatial | Obus géant (le projectile) tiré d’un canon monumental, le Columbiad. | Fusée Saturn V, plus de 100 mètres de haut, propulsion à plusieurs étages. |
| Nombre d’hommes à bord | Trois : Barbicane, Nicholl et Ardan. | Trois : Armstrong, Aldrin et Collins. |
| Trajectoire | Départ à la verticale, mise en orbite lunaire, observation, retour sur Terre. | Exactement le même schéma : lancement, orbite terrestre, trajectoire translunaire, orbite lunaire, retour. |
| Durée du voyage | 97 heures 20 minutes. | Environ 76 heures (3 jours et demi) pour atteindre la Lune. |
Analyse croisée des trois astronautes de Jules Verne
Impey Barbicane (Américain, raisonné, visionnaire)
Texte de De la Terre à la Lune, Chapitre 2 :
« Le président du Gun Club, M. Impey Barbicane, était un homme de grande taille, robuste, plein de sang-froid et de décision. Sa tête large et son front haut annonçaient la puissance de réflexion nécessaire pour concevoir un projet aussi audacieux. »
Jules Verne présente Barbicane comme chef, rationnel et visionnaire, incarnant le progrès scientifique américain.
Chapitre 5 :
« Barbicane se leva et expliqua que l’Amérique, riche de ses ressources et de son énergie, était capable de réaliser cette grande entreprise. »
Ici, l’auteur souligne le caractère nationaliste positif, associant innovation et audace technique aux États-Unis.
Le capitaine Nicholl (Américain, sceptique, prudent)
Chapitre 4 de De la Terre à la Lune :
« Le capitaine Nicholl, rival scientifique de Barbicane, secoua la tête. “C’est impossible !” dit-il. “Vos calculs sont bons, mais la nature n’est pas aussi clémente que vos chiffres.” »
Nicholl représente le scepticisme scientifique, tempérant l’enthousiasme de Barbicane. Il est aussi Américain, mais plus réaliste et prudent, servant de contrepoids dans le duo de scientifiques.
Michel Ardan (Français, audacieux, imaginatif)
Chapitre 11 de De la Terre à la Lune :
« Michel Ardan, Français intrépide, proposa de voyager lui-même dans le projectile. “Pourquoi envoyer des balles quand on peut envoyer un homme ?” s’exclama-t-il, les yeux brillants d’aventure. »
Ardan incarne l’imagination et l’audace européenne, contrastant avec le pragmatisme américain.
Chapitre 12 :
« Rien ne pouvait arrêter Michel Ardan ; il croyait au rêve et à l’aventure plus qu’aux calculs. Son rôle fut de pousser Barbicane et Nicholl à accepter l’impossible. »
Sa présence équilibre la dynamique : raison vs imagination, réalisme vs audace.
[i] Le réalisateur nous propose de se promener de scène en scène pour présenter différentes œuvres de l’auteur