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Trump & Co

Ici le Co ne signifie pas Company, mais Corruption tant la pratique a été élevée à un niveau jamais atteint aux Etats-Unis qui semblent se transformer sous l’impulsion de la nouvelle administration en une république techbananière (on abordera la question des oligarques de la tech dans un prochain article).

Crypto, Clubs et Conflits d’intérêts n’ont jamais aussi bien défini la nouvelle économie de Donald Trump. Sous la présidence Trump 2.0, la frontière entre la politique et les affaires n’a jamais été aussi floue. En chef d’entreprise devenu chef d’État – ou peut-être l’inverse — Donald Trump a placé les cryptomonnaies au cœur d’un système d’enrichissement personnel digne d’un casino à ciel ouvert. Peut-être pas une bonne idée quand on se souvient de ce qui est arrivé avec ses aventures casinesques (Donald Trump, président de America Inc !). Le lancement de World Liberty Financial Inc., sa plateforme cryptofamiliale, n’est pas seulement un coup de communication. C’est un levier politique, un outil de récompense clientéliste, et une potentielle bombe juridique.

En septembre 2024, à un mois et demi de la présidentielle, Trump lançait sur X son grand retour crypto avec la création de deux meme coins, le $Trump et le $Melania. Rappelons que Donald Trump avait ouvertement fait part de son hostilité aux cryptomonnaies, jusqu’au jour où il a eu une révélation et compris qu’il pouvait les utiliser à son avantage.

Avant

1. Twitter / X – Déclaration de Trump (11 juillet 2019)
« I am not a fan of Bitcoin and other Cryptocurrencies, which are not money, and whose value is highly volatile and based on thin air… »
— Donald Trump, @realDonaldTrump, 11 juillet 2019
Source : Tweet original (archivé)

2. CNBC (12 juillet 2019) — “Trump says he is ‘not a fan’ of bitcoin”
Dans une série de tweets, Trump critique violemment le Bitcoin et les cryptos en général, affirmant qu’ils peuvent faciliter les activités illégales comme le trafic de drogue.
Source : CNBC

3. Fox Business (7 juin 2021) — “Trump calls Bitcoin ‘a scam’”
Lors d’une interview, Trump qualifie le Bitcoin de « scam » (escroquerie) et déclare que la monnaie américaine doit rester dominante :
« Bitcoin, it just seems like a scam. I don’t like it because it’s another currency competing against the dollar. »
Source : Fox Business

4. Yahoo Finance (8 juin 2021) — “Trump says Bitcoin ‘seems like a scam’ and threatens the dollar”
Trump y redit sa préférence pour le dollar, et sa méfiance envers les cryptos, qu’il voit comme une menace à la souveraineté monétaire américaine.
Source : Yahoo Finance

5. Bloomberg (13 juillet 2019) — “Trump Slams Bitcoin, Facebook’s Libra and Other Cryptocurrencies”
Trump y attaque aussi le projet Libra de Facebook, affirmant que seule le dollar doit avoir un statut légal.
Source : Bloomberg

Après

Plus qu’un produit numérique, ces jetons sont devenus un ticket d’entrée au pouvoir : les 220 principaux détenteurs ont été invités à un dîner de gala, et les 25 premiers à une réception exclusive — initialement prévue à la Maison-Blanche, avant que la localisation ne soit discrètement changée. Résultat ? Une envolée de la valeur du $Trump de plus de 69 % en quatre jours.

Eswar Prasad, économiste à Cornell, parle d’un « niveau inédit de conflit d’intérêts » ; Lawrence Lessig, professeur à Harvard, d’une instrumentalisation sans précédent de la fonction présidentielle pour un profit personnel. Pire encore, Trump a permis à sa société de signer des partenariats avec des entités étatiques étrangères comme Abu Dhabi, qui utilisera le stablecoin USD1 pour investir 2 milliards de dollars dans Binance – offrant ainsi une passerelle dorée entre capitaux souverains et fortune familiale.

Executive Branch : le club des indulgences

Dans ce système d’influence où la politique se monnaie en tokens, Donald Trump Jr. a lancé une version contemporaine des indulgences : le Executive Branch, un club privé à Georgetown affichant un ticket d’entrée de 500 000 dollars. On y retrouve membres du cabinet présidentiel, milliardaires du numérique, et magnats de la finance. En guise de catéchisme, on y prêche l’ultralibéralisme crypto et le networking sans regard pour les conflits d’intérêts.

Le parallèle avec les indulgences qui ont mené à la Réforme de Martin Luther n’a rien d’exagéré : ici aussi, on achète sa place auprès des puissants. Et ici aussi, c’est une église – celle de l’État américain – qui est dévoyée pour des profits privés.

Petit retour historique

Dans la doctrine catholique médiévale, une indulgence est la rémission partielle ou totale de la peine temporelle due pour les péchés déjà pardonnés lors de la confession. L’idée repose sur la notion de « trésor des mérites » de l’Église, alimenté par les bonnes œuvres du Christ et des saints, et que le pape peut distribuer à sa discrétion.

Au départ, les indulgences étaient accordées pour des actes pieux : pèlerinages, croisades, œuvres charitables. Mais peu à peu, l’Église a commencé à les associer à des dons financiers, ce qui a ouvert la porte à de nombreux abus.

À la fin du Moyen Âge, la papauté fait un usage croissant des indulgences pour financer des projets coûteux. Le cas le plus emblématique est la construction de la basilique Saint-Pierre à Rome. Pour cela, le pape Léon X mandate des prédicateurs pour récolter des fonds dans toute l’Europe, en échange d’indulgences.

L’un des plus fameux de ces prédicateurs est Johann Tetzel, qui sévit en Allemagne. Sa formule provocante — « Dès que l’argent dans le coffre résonne, l’âme du purgatoire s’envole » — choque profondément certains chrétiens, qui y voient une corruption de la foi. Que l’on pourrait réécrire par « Dès que le jeton $TRUMP s’achète, l’accès au président s’ouvre sans entrave. »

C’est dans ce contexte que Martin Luther entre en scène. Le 31 octobre 1517, il affiche ses 95 thèses sur la porte de l’église du château. Il y critique violemment le commerce des indulgences, qu’il considère comme une tromperie spirituelle, et plus largement, il remet en cause l’autorité de la papauté et la théologie du salut par les œuvres. Selon Martin Luther, le salut s’obtient uniquement par la foi (sola fide) et non par l’achat d’indulgences ou par des œuvres imposées par l’Église. Cette contestation, d’abord théologique, devient très vite un mouvement religieux, politique et social d’ampleur. Qui sera le descendant de Martin Luther face à la corruption qui dénature la démocratie américaine : les démocrates, les juges, les universitaires, le peuple américaine ?

Réaliser un documentaire sur Melania Trump et son parcours de manequin en Slovenie à première dame des Etats-Unis. Le projet a été présenté à plusieurs studios, dont Disney et Paramount, qui ont respectivement proposé 14 et 4 millions de dollars. Netflix et Apple n’ont pas souhaité participer aux enchères. C’est lors d’un dîner en décembre 2024 à Mar-a-Lago, réunissant Melania Trump, Jeff Bezos et Lauren Sánchez, que l’accord avec Amazon aurait été scellé. Amazon Prime Video a acquis les droits de diffusion pour la somme record de 40 millions de dollars, marquant ainsi le plus gros investissement jamais réalisé par la plateforme pour un documentaire. Que l’on pourrait aussi formulé par Jeff Bezos a consenti à dépenser 40M$ pour s’attirer les faveurs du président. Sur les 40 millions de dollars versés par Amazon, Melania Trump devrait percevoir au moins 28 millions, soit plus de 70 % du montant total.

Pendant ce temps, Jared Kushner, gendre et ancien conseiller de Trump, tisse sa toile à l’étranger. Au sortir de la première administration Trump, il fonde une société de capital-investissement baptisé Affinity Partners et arrive à sécuriser un fonds de milliards de dollars Public Investment Fund (PIF), le fonds souverain d’Arabie saoudite contrôlé par le prince héritier Mohammed ben Salmane. Depuis, le fonds a pris de l’ampleur est régulièrement alimenté par des milliards venus des Émirats, du Qatar ou d’Arabie saoudite. Principal actionnaire du groupe israélien Phoenix Holdings, il multiplie les investissements entre Tel Aviv et Doha, entre hôtels de luxe à Sazan (Albanie) et plateformes technologiques.

Mais ce qui frappe, c’est le timing : ces deals se concluent souvent peu après des décisions favorables de l’administration Trump. Jared Kushner est devenu, selon ses détracteurs, le courtier officieux de la diplomatie économique américaine au Moyen-Orient, tout en tirant des revenus considérables de la gestion des fonds. Dans ces affaires, Steven Witkoff, promoteur immobilier newyorkais et surtout envoyé spécial de Donald Trump à tout faire (Moyen Orient, Russie…), a participé à des événements économiques majeurs, tels que le FII PRIORITY Summit à Miami, sponsorisé par l’Arabie saoudite, où il est apparu aux côtés de Jared Kushner. Ici, le mélange entre affaire et diplomatie n’a jamais été aussi étroit.

Le sommet de cette fusion entre business et politique s’incarne dans la signature, fin avril, d’un accord entre la Trump Organization et Qatari Diar pour la création d’un golf Trump et de villas de luxe sur la côte est du Qatar. Officiellement, c’est un simple contrat de licence comme la Trump Organization en a signé à de multiples reprises. Aujourd’hui c’est le symbole d’un Etat dont chef en exercice valorise une marque dont il tire bénéfice, en partenariat avec un fonds souverain étranger.

Eric Trump, présent à la cérémonie de signature, promet un site “de prestige et d’élégance intemporelle”. Mais ce que certains voient, c’est une nouvelle “Station Balnéaire de la Corruption”, une enclave de luxe bâtie sur la porosité entre intérêts nationaux et gains familiaux.

Au fil de ces opérations, un motif se dégage : Donald Trump ne gouverne pas seulement les États-Unis, il administre son empire. Les cryptomonnaies lui offrent l’opacité. Les clubs privés, la loyauté. Les deals au Moyen-Orient, la manne financière. Dans cette ère où la politique devient une entreprise personnelle, une question demeure : combien de temps la démocratie survivra-t-elle à une présidence conçue comme une holding familiale ?

Pendant la précédente administration, les républicains s’étaient déchaînés contre Hunter Biden qui avait utilisé son nom de famille pour des petites pratiques douteuses, mais qui se mesuraient de dizaines de milliers de dollars. En s’attaquant au fils, ils espéraient faire tomber le père. Ici, l’étalon de mesure est le milliard. Mais bizarrement les républicains ne semblent pas s’en offusquer. Les démocrates ne sont pas très actifs non plus et pourtant il y aurait « du grain à moudre ».

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