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Stop the enemy from within

“This is going to be a big thing for the people in this room because it’s the enemy from within and we have to handle it before it gets out of control. It won’t get out of control, once you’re involved, at all”.

C’est ainsi que Donald Trump s’est adressé il y a quelques jours aux 800 généraux, amiraux et officiers supérieurs réunis à Quantico exprimant ainsi l’idée que l’armée allait être utilisée pour réprimer des « pseudo-révoltes internes et justifiant le déploiement de l’armée dans les villes gérées par des démocrates.

Depuis plusieurs semaines, Donald Trump prépare le terrain d’un basculement autoritaire en déployant des unités de la Garde nationale dans plusieurs États démocrates, sous le prétexte de « protéger » des agents fédéraux de l’immigration (ICE).

Le 6 octobre 2025, il ordonne l’envoi de 400 membres de la Garde nationale du Texas vers l’Oregon, l’Illinois et d’autres États « bleus ». Ces troupes, placées sous commandement fédéral, dépendent directement du Pentagone et donc du président.

L’un des traits les plus troublants de la séquence est que Donald Trump annonce ouvertement ses intentions : il parle d’« invasion intérieure », dépeint les villes démocrates comme des zones de guerre et explique vouloir en faire des « terrains d’entraînement pour notre armée ».
Autrement dit, il dit tout haut ce qu’il s’apprête à faire — transformer la lutte politique en confrontation militaire intérieure.

Dans un article intitulé To invoke the Insurection Act, Robert Reich, professeur émérite de sciences politiques à l’université de Berkeley et ancien ministre du Travail de Bill Clinton, décrit un plan élaboré en quatre étapes :

  1. Provocation par les forces fédérales : ICE et d’autres agents fédéraux mènent des opérations agressives (arrestations sans mandat, violences, détentions arbitraires, profilage racial) dans les grandes villes démocrates.
  2. Réaction et instrumentalisation : ces abus provoquent des manifestations que Trump amplifie démesurément dans les médias, présentant Portland ou Chicago comme des villes « en flammes ».
  3. Déploiement militaire : les Gardes nationales fédéralisées sont envoyées pour « rétablir l’ordre », ce qui provoque de véritables affrontements et crée le climat de chaos nécessaire.
  4. Invocation de l’Insurrection Act : la loi de 1807, exception au Posse Comitatus Act, permet au président de déployer l’armée pour « réprimer les insurrections ». C’est la clé juridique du basculement autoritaire : elle lui conférerait des pouvoirs quasi illimités sur le territoire national.

Chaque étape, justifiée par la précédente, rapproche le pays d’une situation de guerre civile larvée.

Donald Trump explique sans détour que l’Insurrection Act lui permettrait de contourner les juges et les gouverneurs démocrates qui bloquent ses ordres. Dans une récente déclaration télévisée, il affirme : « Nous avons l’Insurrection Act pour une raison. Si les gens sont tués et que les tribunaux nous freinent, je le ferai. »

Les déploiements actuels s’appuient sur un texte plus limité (10 U.S.C. §12406), qui interdit à l’armée d’agir comme force de police. L’Insurrection Act, en revanche, permettrait à Donald Trump d’imposer l’ordre fédéral sans le consentement des États et de conférer aux troupes des pouvoirs de police (arrestations, perquisitions, contrôle des foules).

Les réactions judiciaires et politiques existent, mais restent fragmentaires et lentes. Une juge fédérale en Oregon bloque temporairement les déploiements, tandis qu’en Illinois, une autre refuse de les suspendre. Les gouverneurs démocrates (Tina Kotek en Oregon, JB Pritzker en Illinois) dénoncent une « invasion inconstitutionnelle ». Des maires, comme celui de Chicago, proclament des zones « ICE Free » interdisant aux agents fédéraux d’utiliser des bâtiments municipaux. Tout cela n’empêche le rouleur compresser de l’actuel admnistration car ces résistances ne constituent pas une réponse nationale structurée : la réaction démocrate demeure procédurale, juridique, hésitante — à mille lieues de l’énergie centralisée du camp trumpiste.

Clairement, Donald Trump est en train de subvertir la Constitution elle-même. Contrairement à Abraham Lincoln qui fit valider ses mesures de guerre – qui était bien réelle – par le Congrès, Donald Trump agit sans contrôle, invoquant des urgences imaginaires pour légitimer des interventions militaires internes (Trump Is Destroying the U.S. Constitution and Amassing Unprecedented Powers by Sending Federal Troops to Invade American Cities). Cette logique transforme les États démocrates en territoires ennemis, les citoyens en suspects, et le président en chef de guerre intérieur.

La rhétorique présidentielle – villes « en flammes », « insurrection intérieure », « invasion venue de l’intérieur » – nourrit une logique de sécession psychologique et politique : les États-Unis se divisent en deux camps ennemis, que Donald Trump oppose sciemment.

Et si la réaction des démocrates reste à la fois timide et morcelée, celle des républicains sera de ne rien faire. Actuellement, si les conditions ne changement, on ne voit pas bien ce qui pourrait empêcher Donald Trump de continuer dans sa dérive autoritaire. Et recevoir le prix Nobel de la Paix ne pourrait que le conforter.  

Zoom sur la Garde Nationale
La Garde nationale est l’héritière directe des milices coloniales du XVIIᵉ siècle, créées par les colons britanniques pour défendre leurs communautés locales. Après la Révolution américaine, ces milices furent reconnues par la Constitution (Article I, section 8) comme des forces citoyennes placées sous double autorité — celle des États et celle du gouvernement fédéral.
Le National Defense Act de 1916 a formalisé cette organisation : chaque État conserve sa propre Garde nationale, mais le président peut la « fédéraliser » — c’est-à-dire la placer temporairement sous commandement du Pentagone.
La Garde nationale est à la fois une force d’État (sous l’autorité du gouverneur) et une force fédérale de réserve de l’armée américaine. Avec des missions d’Etat (secours en cas de catastrophe naturelle, maintien de l’ordre lors d’émeutes, aide humanitaire, sécurité intérieure) ou missions fédérales participation à des opérations militaires extérieures (Irak, Afghanistan, etc.), ou interventions intérieures sur ordre du président).
En temps normal, le gouverneur contrôle sa Garde nationale. Mais selon la loi fédérale (notamment 10 U.S.C. §12406), le président peut fédéraliser la Garde pour faire appliquer les lois fédérales, protéger des installations, ou, en cas de crise majeure, maintenir l’ordre – avec ou sans le consentement du gouverneur si l’Insurrection Act est invoquée.
Ce double statut, conçu pour équilibrer souveraineté locale et autorité fédérale, devient explosif lorsqu’un président s’en sert pour imposer son pouvoir à des États opposants.
En « fédéralisant » la Garde nationale du Texas pour l’envoyer en Oregon ou dans l’Illinois sous des prétextes imaginaires, Donald Trump détourne donc le principe même de cette institution : de milice citoyenne défendant la communauté, elle devient instrument de coercition politique.

Les précédents historiques
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la Garde nationale a été fédéralisée au moins dix fois, notamment :
– pour protéger les droits civiques et accompagner la déségrégation (Little Rock 1957, Oxford 1962, Alabama 1963 et Selma 1965) ;
– pour répondre à des émeutes (Detroit 1967, après l’assassinat de Martin Luther King en 1968, et Los Angeles 1992) ;
– pour gérer des crises sociales (grève postale de 1970) ou naturelles (ouragan Hugo, 1989).
L’épisode le plus tragique reste Kent State (1970) : des soldats de la Garde nationale de l’Ohio tuèrent quatre étudiants non armés lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam.

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