Les Etats-Unis deviennent une nation de plus en plus diverse. Malgré cela, le niveau de satisfaction des Américains sur la manière avec laquelle les différentes communautés raciales sont traitées se dégrade de manière significative depuis un quart de siècle. C’est ce qu’indique une enquête que vient de publier l’institut Gallup (How Americans Perceive Treatment of Racial, Ethnic Groups).

D’un point de vue à plus long terme, les Américains sont beaucoup moins satisfaits de la façon dont les sous-groupes clés sont traités qu’ils ne l’étaient au début des années 2000. En fait, en 2001, la majorité des Américains étaient satisfaits de la façon dont les femmes, les immigrants et les Asiatiques, les Noirs et les Hispaniques étaient traités. Depuis, la satisfaction a diminué de 22 points pour les immigrants, de 20 points pour les femmes et les Noirs, de 17 points pour les Hispaniques et de 13 points pour les Asiatiques.
L’institut Gallup a posé pour la première fois des questions sur le traitement des Arabes aux États-Unis en 2006. La tendance de cette mesure s’est située entre 43 % et 52 % de satisfaits.
La satisfaction à l’égard du traitement des différents groupes de population a considérablement diminué au cours des 25 dernières années chez les Blancs, les Noirs et les Hispaniques américains. Les baisses sont plus importantes chez les Américains blancs (en moyenne 18 points dans les cinq groupes de population évalués dans les enquêtes remontant à 2001) que chez les Américains noirs (en baisse de 7 points en moyenne) et les Américains d’origine hispanique (en baisse de 11 points), principalement parce que les Américains blancs étaient plus satisfaits de la façon dont les groupes étaient traités au début des années 2000.
Néanmoins, et de manière un peu contradictoire, les Américains sont généralement positifs à l’égard des relations entre les groupes raciaux et ethniques.
La majorité des Américains estiment que les relations entre les groupes raciaux/ethniques sont très ou plutôt bonnes, allant de 53 % à 76 % pour les relations entre Asiatiques et Blancs.
Les Américains sont plus positifs à l’égard des relations entre Noirs et Blancs et entre Asiatiques et Blancs aujourd’hui qu’ils ne l’étaient en 2021. Leur perception des autres relations intergroupes est essentiellement inchangée par rapport à il y a quatre ans.
L’amélioration des évaluations des relations entre Asiatiques et Blancs les ramène presque aux niveaux mesurés par Gallup en 2020, avant la montée de la violence anti-asiatique. Cependant, les évaluations des relations entre les Noirs et les Asiatiques restent pires qu’en 2020.
Tous les groupes raciaux/ethniques et partiaux, à l’exception des Américains d’origine hispanique, perçoivent les relations entre Asiatiques et Blancs et entre Noirs et Blancs de manière plus positive aujourd’hui qu’en 2021.
Les membres des principaux groupes raciaux/ethniques évaluent positivement la plupart des relations intergroupes, bien qu’il y ait des exceptions, y compris les évaluations des Noirs américains sur les relations entre Noirs et Blancs (45 % de biens) et les relations entre Hispaniques et Blancs (38 %). Moins de la moitié des Américains d’origine hispanique (47 %) jugent également les relations entre Noirs et Blancs bonnes, contre 57 % des Américains blancs.

La « contradiction » apparente entre ces deux constats de Gallup (niveau de satisfaction sur le traitement des différents groupes et relations entre les différents groupes) peut s’expliquer en distinguant deux niveaux d’opinion mesurés :
- Le jugement sur le traitement institutionnel et sociétal des minorités. Ici, les Américains expriment une insatisfaction croissante par rapport aux débuts des années 2000. Ils évaluent la justice sociale, les discriminations, la place des minorités dans l’accès à l’emploi, au logement, à la police, etc. Les chocs médiatisés (violences policières envers les Noirs, montée de l’antisémitisme, vague de violences anti-asiatiques, mouvement Me Too) ont sensibilisé l’opinion et rendu les attentes plus exigeantes. Autrement dit : le seuil de tolérance vis-à-vis d’injustices s’est abaissé, et la conscience critique s’est accrue.
- Le jugement sur les relations interpersonnelles entre groupes. Ici, les Américains se montrent plus positifs : une majorité estime que les relations quotidiennes entre Blancs, Noirs, Hispaniques, Asiatiques, etc., sont « bonnes ». Cela renvoie à une perception des contacts sociaux, voisinage, relations de travail, amitiés et cohabitation, où les tensions massives ou les conflits ouverts sont jugés rares. En d’autres termes, les gens croient que « les individus s’entendent plutôt bien », même si le système ou la société dans son ensemble n’assure pas un traitement équitable.
Il ne s’agit pas de deux mesures identiques, mais de deux registres différents :
– Macro-sociétal et institutionnel (traitement des groupes par la société et ses structures) : insatisfaction croissante.
Micro-social et relationnel (relations quotidiennes entre personnes de groupes différents) : plutôt positif.
C’est ce décalage qui donne l’impression d’une contradiction : on peut penser que les relations sont bonnes au niveau interpersonnel, tout en jugeant que la société dans son ensemble reste discriminatoire ou injuste