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Quelle ingénierie sociale des deux côtés de l’Atlantique ?

Comparés aux autres pays de l’OCDE, les Etats-Unis ont un système de taxation très bas, organise peu de redistribution de revenus et ont une fiscalité très compliquée. Ces quelques éléments permettent de planter le décor.

Et les Etats-Unis ont une pression fiscale moins forte et dépensent moins pour ses programmes sociaux que la majorité des pays démocratiques de l’OCDE. Telle est l’idée reçue qui est largement répandue. C’est ce qu’explique l’article de la sérieuse revue Foreign Affairs intitulée America’s Misguided Approach to Social Welfare au sous titre évocateur How the country could get more for less.

Mais en conclure qu’il n’existe pas de programmes sociaux aux Etats-Unis ne correspondraient pas à la réalité. On se souvient de la déclaration de Mitt Romney, filmé à son insu, qui se lamentait de l’existence des 47 % d’Américains assistés. En fait, selon l’article, 96 % des Américains bénéficient d’une aide quelconque provenant des différents programmes sociaux.

Et ces programmes sociaux représentent une part de plus en plus importante du budget fédéral. Dans les années 60, le budget des programmes sociaux représentaient moins d’un tiers du budget du gouvernement fédéral, un montant comparable à celui des années 40. Un demi-siècle plus tard, il en représentait les deux tiers.

Si l’on retient le ratio entre les dépenses publiques directes finançant les programmes sociaux et le budget fédéral, les Etats-Unis figurent en bas de classement des démocraties avancées (qui sont de moins en moins riches). Mais le tableau est différent lorsqu’on retient d’autres indicateurs en particulier comme le « net social expenditure » développé par l’OCDE et qui inclut des dépenses provenant de sources très différentes publiques et privées : impôts, pensions, assurance médicale, indemnisations chômage, prestations sociales diverses comme celles liées aux allocations familiales. Lorsqu’on retient cet indicateur, les Etats-Unis sont plus avancés qu’on ne le dit généralement.

Il est couramment admis que les Américains et les Français ont deux visions du social très différentes, voire opposées. Les premiers pensent que les l’économie créé des richesses avec lesquelles il est éventuellement possible de mettre en œuvre des politiques sociales. Les seconds pensent qu’une politique sociale, juste voire généreuse, est une des conditions pour obtenir l’efficacité économique.

« Et pourtant, les deux systèmes ont plus de points communs qu’on ne le pense, considère Martin Hirsch, à l’occasion d’une présentation dans le cadre des conférences Phobe Bradt Lectureship organisé par Sweet Briar College Junior Year en France. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, certains outils mis en place sur l’Hexagone se sont largement inspirés de systèmes américains ».

C’est par exemple le cas du RSA (Revenu de solidarité active) qui trouve certaines de ses origines outre-Atlantique (au Canada et aussi aux Etats-Unis) avec le Self Sufficency Project. Destiné à succédé au RMI, le RSA avait pour objectif de supprimer les effets de seuil qui peuvent tenter un allocataire de ne pas reprendre un emploi. Le RSA aide les sans-emplois mais améliore un peu leur situation lorsqu’ils reprennent le travail.

 

La manière de vendre ce projet au président de l’époque est plutôt amusante et montre que sur ces sujets la passion peut l’emporter sur la raison. En lieu et place d’un argumentaire rational et construit, c’est l’idée qu’un milliardaire, de surcroit maire de New York, en la personne de Michael Bloomberg, avait lancé des programmes mêlant de l’argent public et privé et permis de débloquer un premier budget pour lancer le projet a emporté d’adhésion.

L’autre expérience que connaît bien Martin Hirsch est celui du service civique pour lequel il s’est inspiré des programmes Peace Corps et America Corps. Le premier a été créé en 1961 par John Kennedy, à l’instigation d’Hubert Humphrey avec comme mission « de favoriser la paix et l’amitié du monde – en particulier auprès des pays du tiers monde ». Le second a été mis en place par Bill Clinton et destiné principalement à l’éducation et à l’environnement et centrée plutôt sur les Etats-Unis. « Mais on ne s’est pas contenté de reprendre une idée, explique Martin Hirsch, on est  allé plus loin en créant l’Institut de service civique où le ticket d’entrée n’est pas le diplôme mais le passage par le service civique ». Cet institut accueille un très large public de jeunes et vise à les accompagner dans la mise en œuvre de leur projet.

Deux exemples qui montrent que la France n’a pas le monopole du social même si deux conceptions de son accompagnement et de son traitement sont assez différentes des deux côtés de l’Atlantique.

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