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Michael Bloomberg : Démocratie représentative et inégalité

Michael Bloomberg semble très sérieux à se présenter aux élections présidentielles de 2020. Il a rempli les documents pour se présenter aux primaires de l’état d’Alabama. Pourquoi l’Alabama ? Parce que c’est l’état où la date limite pour se présenter est la plus tôt dans le calendrier.

Mais dans quel camp ?

Comme démocrate ce qui n’est pas sans poser de problème car son affiliation ne va pas de soi. Alors qu’il avait été très longtemps inscrit sur le parti démocrate, il s’est présenté en tant que républicain lors de ses deux premiers mandats de maire de New York. A chaque fois, il a puisé dans ses poches profondes pour financer ses deux campagnes. Alors que la loi empêchait de faire plus de deux mandats, il a fait valoir l’idée que la crise de 2007/2008 nécessitait quelqu’un ayant une solide expérience et s’est alors élire à un troisième mandat en tant qu’indépendant. Encore une fois, en puisant dans ses poches profondes pour financer à nouveau sa campagne.

Ce n’est pas la première fois que Michael Bloomberg considère se présenter aux élections présidentielles, il y avait déjà pensé en 2008 et en 2016. Mais il semblerait cette fois qu’il très  sérieux et qu’il se prépare à une campagne totalement non orthodoxe en sautant les premières primaires – Iowa, New Hampshire, Nevada et Caroline du Sud – en se concentrant sur les primaires du Super Tuesday qui décident de quelque 40 % des voix des délégués. Une démarche très risquée car nombreux sont les analystes politiques qui avancent que les premières primaires sont décisives.

Celui qui gagne l’Iowa – un Caucus, une élection un peu différente dans sa forme qu’une primaire – et le New Hampshire prend une bonne option sur la suite. Statistiquement, le vainqueur de ces deux étapes augmente ses chances d’être le candidat final de son parti pour les élections générales. Par ailleurs, ces deux primaires attirent une attention toute particulière des médias. Le New Hampshire est en outre une primaire ouverte, n’importe quel citoyen peut voter. La réussite ne détermine sans doute pas le candidat qui va gagner mais beaucoup de candidats qui obtiennent de mauvais résultats à ces primaires abandonnent.

C’est dans un tel contexte qu’intervient la candidature (pas encore annoncée officiellement) de Michael Bloomberg. Pourquoi peut-il se permettre de sauter les premières étapes ? Tout simplement parce qu’il a les poches pleines et qu’il pourra se payer la campagne qu’il souhaite. Il a été dit qu’il avait acheté le mandat de maire de New York, il pourra se payer celui de président, en tous cas financer sa campagne comme bon lui semble. Rappelons que sa fortune est évaluée à plus de 50 milliards de dollars. Un géant par rapport à Trump même si Donald Trump l’a déjà qualifié de Little Michael. Il n’en reste pas moins que, comme Trump, c’est un ploutocrate.

C’est là où le bât blesse, indépendamment de ses qualités. Le système politique américain est totalement biaisé par l’argent, surtout depuis l’arrêt de la Cour Suprême Citizen United v. Federal Election Commission [1]. Concernant Michael Bloomberg, ce n’est plus le problème puisqu’il est son propre créditeur.

Dans une présentation sur TEDxMidAtlantic, le professeur de droit de l’université de Harvard Lawrence Lessig, candidat malheureux des primaires démocrates de 2016, explique que le système de désignation est corrompu. Ce système de désignation du président comporte trois phases : la nomination qu’il baptise Money Primary, La primaire du parti et les élections générales. La première phase étant évidemment décisive. « I don’t care who does the electing as long as I control the nominating », avait déclaré William Tweed, dit « Boss Tweed », le patron de Tammany Hall, le parti démocrate qui a régné sur New York plus de 100 ans. Il fut inculpé et emprisonné pour avoir détourné du budget de la ville des millions de dollars à travers un système de corruption. C’est là la forme la plus dévoyée du système mais qui met en évidence ses faiblesses. Lawrence Lessig rappelle que les élus du Congrès passent entre 20 et 70 % de leurs temps à récolter des fonds pour financer leur campagne. Ce qui est très problématique car cela donne une force aux lobbies et autres groupes d’intérêt privé. Le cas de Michael Bloomberg est encore plus problématique puisqu’il saute cette étape.

« As much as I  may want to see a President  Harris, Warren,  or Buttigeig , what  is more important to me is that I do not see Trump reelected » écrit un lecteur du New York Times en commentaires à l’article Bloomberg Takes Steps Into 2020 Race and Signals an Unconventional Campaign Strategy.

Imaginons que Michael Bloomberg gagne les primaires démocrates, on aurait donc affaire à une élection inédite mettant en place deux milliardaires. Certes la différence est que l’un des deux a une expérience politique et seems to be fit for the office. S’il choisit de se présenter en tant que démocrate c’est qu’il est peu probable qu’il puisse emporte un hypothétique primaire républicaine où sont déjà présent Mark Sanford, ex-gouverneur et représentant de la Caroline du Sud, Bill Weld, ex-gouverneur du Massachussetts et colistier du candidat libertarien Gary Johnson en 2016, et Joe Walsh, ex-représentant de l’Illinois.

Face à Joe Biden, éclaboussé – sans doute injustement par l’affaire ukrainienne, Bernie Sanders, affaibli par ses problèmes de santé et Elisabeth Warren qui selon l’expression d’un lecteur du New York Times va « too far, too fast for many Americans », Michael Bloomberg, qualifié de fiscal conservative et social liberal, pense qu’il a sa chance. Et s’il était le seul capable de battre Donald Trump. Pourquoi pas ? Sauf qu’on ne le saura jamais.

___________
[1]
L’arrêt Citizens United v. Federal Election Commission, rendu par la Cour suprême des États-Unis le 21 janvier 2010, est un arrêt historique concernant la réglementation des dépenses de campagne électorale par les organisations.

La cour suprême a statué que la liberté d’expression du premier amendement de la Constitution des États-Unis interdit à l’État de restreindre les dépenses de communication qui préconise expressément l’élection ou la défaite d’un candidat clairement identifié qui n’est pas faite en coopération, en consultation ou en concert avec ou à la demande ou à la suggestion d’un candidat, d’un comité autorisé par le candidat ou d’un parti politique (independent expenditures), pour les sociétés sans but lucratif, les sociétés à but lucratif, les syndicats et autres associations (Source Wikipedia).

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