Ici, ce n’est pas papy, mais les républicains du congrès de l’Indiana qui font de la résistance et n’ont pas cédé aux pressions de Donald Trump d’opérer un charcutage électoral pour récupérer un ou deux sièges lors des élections de midterms.
Dans l’Indiana, État que Donald Trump avait remporté très largement lors de la présidentielle (près de 59 % contre 40 %), un événement politique en apparence technique révèle pourtant quelque chose de plus profond : les premiers signes d’une résistance organisée, y compris au sein du camp républicain lui-même.

L’initiative contrevient à un principe démocratique fondamental : le vote populaire devrait raisonnablement se refléter de manière proportionnelle, dans la répartition des sièges élus. Déjà, avec 58 % du vote populaire, les républicains avaient remporté en 2024 sept sièges contre deux pour les démocrates, soit 77 % des sièges. À vote populaire équivalent, passer à huit sièges sur neuf — 88 % de la représentation — ne relèverait plus de la compétition démocratique, mais d’une distorsion assumée du suffrage. Mais, on le sait, cela n’embarrasse en aucune manière Donald Trump pour qui le seul point qui compte est de gagner, quels que soient les moyens utilisés. Les élections ne servent pas à montrer qui est le peuple veut choisir, mais pour affirmer qu’il est celui que le peuple à choisi.

Le rejet massif par le Sénat de l’Indiana de la tentative de redécoupage électoral en cours de mandat constitue un désaveu cinglant pour un président habitué à l’obéissance des États dominés par les républicains. L’épisode a d’ailleurs provoqué une réaction nocturne rageuse sur Truth Social, Trump dénonçant des sénateurs républicains « headed by a total loser named Rod Bray » et promettant que chacun d’entre eux serait « primaried », rappelant au passage que l’Indiana est « the only state in the Union to do this », alors même qu’il y avait « won big ».
Derrière la colère présidentielle, le vote révèle un malaise plus profond. Vingt et un sénateurs républicains ont refusé de se plier à la stratégie de gerrymandering imposée depuis Washington, non par calcul idéologique abstrait, mais par rejet de méthodes jugées brutales, intimidantes, parfois dangereuses. Comme l’a résumé la sénatrice Sue Glick, « Hoosiers are a hardy lot, and they don’t like to be threatened. They don’t like to be intimidated. They don’t like to be bullied in any fashion »
Ici, la pression a produit l’effet inverse : au lieu de discipliner, elle a soudé une opposition.
Certains votes négatifs sont explicitement motivés par le comportement même du président. Le sénateur Michael Bohacek a retiré son soutien après que Donald Trump eut qualifié le gouverneur du Minnesota de « seriously retarded », déclarant que « his choices of words have consequences » et affirmant vouloir utiliser « the next 10 months to convince voters that his policies and behavior deserve a congressional majority ». D’autres, comme Greg Walker ou Greg Goode, ont expliqué que céder aurait légitimé des campagnes de harcèlement, des menaces de mort ou même des appels de fausse alerte à la bombe visant leur entourage ou leurs électeurs.
L’épisode prend une dimension institutionnelle encore plus grave avec la révélation — brièvement assumée puis effacée — du lieutenant-gouverneur Micah Beckwith. Dans un message supprimé, mais largement relayé, il reconnaissait que « The Trump admin was VERY clear about this », évoquant des menaces de retrait de financements fédéraux si l’Indiana refusait de redessiner ses cartes électorales. Même recadrée ensuite comme une « honest conversation », cette admission a marqué les esprits : elle matérialise une tentative de mise sous tutelle politique d’un État par le pouvoir fédéral, au mépris de principes constitutionnels pourtant chers aux conservateurs.
Le vote final, qualifié par l’Indianapolis Star de « monumental rebuke », a consacré cette rupture. Non seulement la proposition a été rejetée, mais elle l’a été par une majorité de sénateurs issus du parti présidentiel, dans un État où Trump conserve un socle électoral solide. « We the people of the United States are the only people who should decide an election », a lancé le sénateur Spencer Deery avant de voter non, cristallisant une opposition qui se réclame explicitement de principes constitutionnels conservateurs contre une logique de pouvoir centralisé.
Ce qui se joue en Indiana dépasse donc largement le tracé de quelques circonscriptions. Dans un bastion trumpiste, gagné sans difficulté par le président, des élus locaux ont choisi de risquer leur carrière plutôt que de se soumettre à une stratégie perçue comme coercitive et moralement corrosive. Le fait que cette fronde émane du cœur de l’Amérique républicaine suggère que la résistance au trumpisme ne se limite plus aux États bleus ou aux institutions fédérales : elle commence aussi à s’organiser là où Trump pensait régner sans partage.
