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Le trou noir de l’Afghanistan

« We are just seeing the beginning of it ». C’est ainsi que commentait le général H. R. McMaster, ancien conseiller à la sécurité nationale, un des « ex adults in the room » lorsque Donald Trump été dans le bureau ovale, juste après l’annonce de l’attentat commis à Kaboul qui a fait 12 victimes américaines et plus de 150 victimes afghanes et beaucoup plus de blessés. C’est l’attentat le plus meurtrier en Afghanistan depuis une dizaine d’années. Il a été d’abord attribué au groupe ISIS-K puis revendiqué par celui-ci peu après l’attentat. C’était l’occasion pour ce groupe, relativement obscur, de se faire connaître au monde entier. Depuis quelques jours, on ne parlait que des Talibans. La présence des Américains sur le sol avait réussi à coaliser tous les groupes contre eux. Maintenant qu’ils sont en train de partir, différentes factions, dont ISIS-K, disputent aux Talibans le contrôle du pays.

ISIS-K ou Islamic State Khorasan est le plus extrême et le plus violent de tous les groupes militants djihadistes en Afghanistan. L’ISIS-K a été créé en janvier 2015 au plus fort de la puissance de Daesh, le pseudo Etat Islamique en Irak et en Syrie, avant que son califat autoproclamé ne soit vaincu et démantelé par la coalition dirigée par les États-Unis. Ce mouvement recrute à la fois des djihadistes afghans et pakistanais, en particulier des membres des talibans afghans qui font défection parce qu’ils considèrent leur propre organisation pas assez extrême.

Khorasan fait référence à une région historique couvrant des parties de l’Afghanistan et du Pakistan d’aujourd’hui. Le groupe comprenait initialement le Pakistan jusqu’à ce qu’une section pakistanaise distincte soit déclarée en mai 2019.

Combien de membres IS-K compte-t-il ? À son apogée, le groupe comptait environ 3 000 combattants. Cependant, il a subi d’importantes pertes lors d’affrontements avec les forces de sécurité américaines et afghanes, ainsi qu’avec les talibans. ISIS-K a ciblé les forces de sécurité afghanes, les politiciens et les ministères afghans, les talibans, les minorités religieuses, y compris les musulmans chiites et les sikhs, les forces américaines et de l’OTAN, et les agences internationales, y compris les organisations humanitaires. L’ISIS-K est responsables de certaines des pires atrocités de ces dernières années, ciblant des écoles de filles, des hôpitaux et même une maternité, où ils auraient abattu des femmes enceintes et des infirmières.

Contrairement aux talibans, dont l’intérêt se limite à l’Afghanistan, l’ISIS-K fait partie du réseau mondial de Daesh qui cherche à mener des attaques contre des cibles occidentales, internationales et humanitaires partout où elles peuvent les atteindre. ISIS-K est basé dans la province orientale de Nangarhar, à proximité des routes de trafic de drogue et d’êtres humains entrant et sortant du Pakistan. Alors que la plupart de ses activités se sont déroulées à Nangahar et à Kaboul, il a également revendiqué des attaques dans les provinces de Kunar, Jowzjan, Paktia, Kunduz et Herat.

Les ennemis de mes ennemis sont mes amis dit-on couramment. Rien n’est plus faux en ce qui concerne deux groupes. Leur ennemi commun, les Etats-Unis et plus généralement les nations occidentales, n’en font pas des amis, loin de là. ISIS-K considèrent les talibans comme trop modérés. Mais ISIS-K a des divergences majeures avec les talibans, les accusant d’abandonner le Jihad et le champ de bataille en faveur d’un règlement de paix négocié élaboré dans des “hôtels chics” à Doha, au Qatar. L’ISIS-K considère les militants talibans comme des apostats, rendant leur meurtre légal selon leur interprétation de la loi islamique.

Evidemment, la communauté internationale a condamné ce double attentat tout comme les talibans. Mais il s’agit là d’un geste de communication de la part des talibans qui cherchent à de draper d’un manteau de respectabilité aux yeux du monde. Mais pour combien de temps ? D’ailleurs, des témoignages d’exactions dans les provinces où les médias ne sont pas présents ont déjà été rapportés. Et quand les médias ne pourront qu’être très difficilement présents sur place, ils auront alors les mains libres pour reprendre leurs vieilles habitudes. Car l’idée que les talibans auraient changés ne peut être que défendue au pays des bisounours. Après leur départ, les Américains n’auront plus beaucoup de moyens de pressions, à part de les prendre au portefeuille, ce qui n’est pas négligeable.

Lors de sa rapide conférence de presse où il a fait part de son empathie et saluer le courage des forces américaines présentes sur place pour organiser le départ des nationaux et des Afghans alliés, Joe Biden a maintenu la date du 31 août comme fin du rapatriement et a indiqué que les auteurs des attentats – qui apparemment seraient identifiées – seraient punis.

Maintenant la petite politique. Les républicains s’en donnent à cœur joie de critiquer Joe Biden. Certes, l’administration Biden a été totalement prise de cours par la chute du pays et la prise de contrôle du pays par les talibans, provoquant un chaos indescriptible. Mais depuis le 14 août, malgré toutes les difficultés, plus de 100 000 personnes ont pu être évacuées. Ce qui en fait un des ponts aériens les plus importants de l’histoire. Kevin McCarthy (R-CA), le chef de la minorité des républicains, a blâmé Joe Biden en insistant que les troupes américaines devraient rester jusqu’à ce tous les citoyens américains soient rapatriés. En prenant le risque d’être confrontés à de nouveaux attentats. Quant à Elise Stephanik, la numéro 3 des républicains à la Chambre des représentants, elle a tweeté : « Joe Biden has blood on his hands…. This horrific national security and humanitarian disaster is solely the result of Joe Biden’s weak and incompetent leadership. He is unfit to be Commander-in-Chief ».  Un de ses récents tweets ne manque pas de piment – « The United States of America does not negotiate with terrorists! » – quand on se souvient que c’est Donald Trump qui avait invité les talibans à camp David et signé les négociations de Doha en février 2020.

Mais si les républicains sont d’accord pour agonir le président, ils sont divisés sur le sort à réserver aux alliés afghans. Il y a les nativistes anti-immigrants et les républicains traditionnels, favorables à les accueillir sur le sol américain.

Quelques chiffres
En 20 ans de guerre contre les Talibans et Al Qaeda, les Etats-Unis ont dépensé 837 milliards de dollars auxquels il faut ajouter 145 milliards dans divers programmes de reconstruction et d’aide. Les pertes humaines : 2443 soldats américains, 1144 soldats de la coalition, 66 000 soldats afghans (n’est-il pas excessif de dire qu’ils ne se sont pas battus ?), 48 000 civils afghans. Au total, 775 000 soldats américains ont participé à cet effort de guerre sur les vingt années.

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