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Le spoils system à la peine

Il a fallu près d’un an pour que les ambassadeurs des Etats-Unis en France, en Chine, au Japon, en Espagne, en Algérie soit confirmée par le Sénat traduisant la polarisation croissante au sein des élus du Congrès et la politique de blocage et d’obstruction de l’un des deux partis, en l’occurrence du parti républicain. Le cas de Deborah Lipstadt, nommé par Joe Biden à un nouveau poste au sein du ministère des affaires étrangères visant à combattre la montée de l’antisémitisme dans le monde, est significatif du dysfonctionnement grandissant de la machine politique.

Ce nouveau poste ayant rang d’ambassadeur nécessite la conformation par le Sénat. La raison de ce refus est tout à fait anecdotique. Ron Johnson, sénateur du Wisconsin qui siège à la commission des Affaires étrangères, exigeait des excuses à la suite d’un tweet dans lequel Deborah Lipstadt traitait le sénateur de « white nationalist ». L’anathème de la candidate n’était pas gratuit mais résultait d’une surprenante déclaration du sénateur : « I knew those were people who love this country, that truly respect law enforcement, would never do anything to break the law, so I wasn’t concerned. If the rioters had been “Black Lives Matter and antifa” folks, I might have been a little concerned. »

Cette confrontation n’est pas un fait isolé. En décembre, le sénateur de l’Arkansas Tom Cottom refusait de confirmer cinq juges fédéraux dans des états à tendance démocrates tant que son collègue démocrate de l’Illinois Richard Durbim ne présenterait pas des excuses pour lui avoir coupé la parole huit mois plus tôt.

Le spoils system est un principe qui existait dès l’indépendance des Etats-Unis mais qui a été développé et institutionnalisé par Andrew Jackson (1928-1936). Il mit en œuvre la loi Tenure Office Act qu’avait fait adopter en 1820 l’ex-président James Monroe. Cette législation donnait au président le pouvoir de nommer et remplacer à sa guise les titulaires des postes les plus importants de l’administration.

Andrew Jackson appela cette politique policy of rotation (politique de rotation) avant d’être dénommée spoils system, une réforme jugée démocratique. L’objectif était de prévenir ce qu’Andrew Jackson appelait la « corruption démocratique ». Le spoils system pouvait donc évoluer entre un système qui sélectionne les candidats en fonction de leur mérite, de leurs compétences, de leur appartenance politique (ou beaucoup plus récemment de leur loyauté au président). En 1883, la loi sur la réforme de la fonction publique Pendleton stipula que les postes au sein du gouvernement fédéral devaient être attribuées sur la base du mérite et non de l’appartenance politique. La loi prévoyait la sélection des employés du gouvernement par des examens concurrentiels, plutôt que des liens avec des hommes politiques ou leur appartenance politique. Elle a également rendu illégale la rétrogradation des représentants du gouvernement pour des raisons politiques. Pour appliquer le système du mérite et le système judiciaire, la loi a également créé la Commission de la fonction publique aux États-Unis. Cette commission fut dissoute en 1978 et remplacée par L’Office of Personnel Management (l’équivalent du département RH du gouvernement) et le Merit Systems Protection Board.

Le spoils system présente l’avantage d’organiser une administration qui mettent en œuvre les politiques décidées par les élus. Aujourd’hui, il s’agit de nommer près de 4 000 personnes dont 1200 doivent être confirmées par le Sénat (plus de 550 membres de l’Exécutif). Ce qui demande beaucoup de temps et de ressources. Il n’est donc pas surprenant que des postes restent vacants pendant de long mois après l’élection d’un président.

Une étude (Joe Biden’s First Year in Office: Nominations and Confirmations) de Partnership for Public Service, un groupe non partisan qui travaille à rendre le gouvernement fédéral plus efficace, montre qu’au fil des présidents la situation se dégrade avec des nominations qui interviennent de plus en plus tard. Dans la première de son mandat, 41 % des personnes nommées par Joe Biden ont été confirmées par le Sénat contre 75 % pour George W. Bush. La durée moyenne nécessaire entre la nomination par le président et la confirmation par le Sénat est en augmentation constante depuis Ronald Reagan. Elle est passée de 36 jours pour ce dernier à 103 jours pour Joe Biden.

Une telle évolution ne peut que remettre en question l’évolution même du principe du Spoils System.

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