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Le MIT se rebiffe, qui va suivre ?

Sally KornBluth a écrit (ci-dessous) à la ministre de l’Education pour faire valoir son refus de se plier aux règles proposées dans le document envoyé à 9 universités intitulés “Compact for Academic Excellence in Higher Education”. Elle rappelle que les valeurs défendues par le MIT vont largement au-delà de ce propose le document : “These values and other MIT practices meet or exceed many standards outlined in the document you sent. We freely choose these values because they’re right”. Et explique que son institution est en désaccord avec les principes énoncés par l’administration : “The document also includes principles with which we disagree, including those that would restrict freedom of expression and our independence as an institution. And fundamentally, the premise of the document is inconsistent with our core belief that scientific funding should be based on scientific merit alone.“

Bref c’est un refus catégorique à l’initiative lancée par l’administration auprès de neuf universités d’élite. C’est une université qui représente plutôt les sciences dures et qui pourrait sembler être moins touchée par cette initiative qui s’est opposée la première. On peut espérer que les autres suivront.

Sous couvert d’« excellence académique », l’administration Trump avance une entreprise méthodique de reprise en main idéologique de l’enseignement supérieur américain. Derrière ce texte administratif à l’apparence neutre – le Compact for Academic Excellence in Higher Education –, se dessine un projet de normalisation politique des universités, aux antipodes des principes constitutionnels qui fondent la liberté académique aux États-Unis.

Le Compact s’ouvre sur un ton consensuel : restaurer la rigueur, le mérite, l’objectivité. Qui pourrait s’y opposer ? Mais derrière ce langage d’apparente vertu se cache une volonté de contrôle sans précédent. Les universités sont sommées de renoncer à toute politique de diversité raciale, de genre ou d’origine, sous peine de perdre l’accès aux prêts étudiants, aux subventions de recherche ou aux avantages fiscaux fédéraux. Autrement dit : l’État fédéral subordonne désormais le financement public à la conformité idéologique.

En exigeant l’usage obligatoire de tests standardisés (SAT, ACT, CLT) et la publication de statistiques classées par race et sexe, le texte prétend bannir toute discrimination. En réalité, il abolit toute politique d’“affirmative action”, érigeant la prétendue neutralité en instrument de reproduction sociale. Le message est limpide : l’Amérique de Trump ne veut plus corriger les inégalités, elle veut les rendre invisibles.

La seconde partie du texte est plus troublante encore. Sous le prétexte de préserver un “marché des idées”, le Compact ordonne aux universités de garantir une “diversité idéologique” équilibrée entre “toutes les sensibilités”, en particulier les idées conservatrices. Il prévoit même la suppression ou transformation des départements jugés hostiles à ces idées. Ce qui, en d’autres termes, revient à instaurer un commissariat politique de la pensée universitaire. Une sorte de wokisme inversé avec la différence que cette nouvelle censure est pilotée par l’Etat lui-même.

La liberté académique, principe fondateur du Premier Amendement, est ici retournée contre elle-même. Elle n’est plus la garantie d’une expression sans contrainte, mais devient l’outil d’un rééquilibrage forcé au profit d’un camp idéologique précis. Derrière la rhétorique de la tolérance, on devine la main du pouvoir qui trie, sanctionne et censure.

Le Compact impose aussi la “neutralité institutionnelle”. Les départements, écoles et enseignants devraient s’abstenir de tout commentaire sur les grands débats de société — sauf si un événement affecte directement l’université. Cela signifie concrètement : plus de déclarations de soutien à Black Lives Matter, plus de prises de position sur le climat, plus de reconnaissance institutionnelle des minorités. La parole publique des universités serait muselée, sous menace de sanctions financières et judiciaires. Ainsi, le texte prétend défendre la liberté d’expression en interdisant… de s’exprimer. C’est un paradoxe orwellien typique des régimes où la “neutralité” devient une arme de silence. « La guerre c’est la paix, la Liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force », les trois slogans qui régissent le monde de1984.

Plus inquiétant encore, le Compact ordonne aux universités de définir les notions de “femme” et “homme” exclusivement selon des critères biologiques et reproductifs. Les identités transgenres sont ainsi effacées d’un trait administratif. L’État fédéral n’enjoint plus seulement les universités à respecter la loi : il leur dicte une ontologie. La science devient instrument moral et la biologie, dogme d’État.

Le texte s’attaque aussi aux étudiants étrangers. Il limite leur proportion à 15 % des effectifs, 5 % par pays, exige qu’ils soient “favorables aux valeurs américaines” et prévoit la transmission de leurs dossiers au Département de la Sécurité intérieure. C’est un contrôle politique inédit dans l’histoire universitaire du pays. Sous prétexte de lutter contre “l’anti-américanisme” et “le terrorisme”, Washington s’arroge le droit de filtrer les étudiants selon leur loyauté idéologique.

L’ensemble du dispositif est conçu pour discipliner les campus : audits idéologiques, certifications annuelles par les présidents d’université, enquêtes supervisées par le Département de la Justice, sanctions financières en cas de “manquements”. Les universités qui refuseraient d’adhérer au Compact perdraient leurs financements fédéraux. Toucher au portefeuille est toujours un argument qui pèse lourd. Le message implicite : soumettez-vous ou mourrez financièrement.

Tout, dans ce texte, contredit le Premier Amendement.

– Il restreint la liberté d’expression en imposant la neutralité institutionnelle.

– Il viole la liberté académique, en donnant au gouvernement le droit de surveiller les contenus et les équilibres idéologiques.

– Il heurte la liberté de religion, en imposant une définition biologique du genre inspirée par des doctrines religieuses.

– Enfin, il détourne le principe du fédéralisme universitaire, en transformant le financement public en instrument de coercition idéologique.

L’administration Trump présente ce texte comme un pacte de “responsabilité” ; il s’agit en réalité d’un pacte de subordination. Derrière l’apparence de rigueur, c’est la logique même du savoir libre qui vacille. Les universités américaines ont toujours été le cœur battant du pluralisme, des mouvements sociaux, des débats sur la justice et la vérité. C’est précisément pour cela qu’elles dérangent les pouvoirs autoritaires. Le Compact for Academic Excellence n’est pas un document administratif ; c’est un acte politique qui vise à remodeler la culture intellectuelle américaine en faveur d’une homogénéité morale et nationale.

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Le texte a été envoyé le 1er octobre 2025 à l’Université Brown, Dartmouth College, Massachusetts Institute of Technology, l’Université d’Arizona, l’Université de Pennsylvanie, l’Université de Californie du Sud, l’Université du Texas, l’Université de Virginie et à l’Université Vanderbilt. Il a été envoyé accompagné d’une lettre de la Secrétaire à l’Éducation Linda McMahon.

Dear Madam Secretary,

I write in response to your letter of October 1, inviting MIT to review a “Compact for Academic Excellence in Higher Education.” I acknowledge the vital importance of these matters.

I appreciated the chance to meet with you earlier this year to discuss the priorities we share for American higher education.

As we discussed, the Institute’s mission of service to the nation directs us to advance knowledge, educate students and bring knowledge to bear on the world’s great challenges. We do that in line with a clear set of values, with excellence above all. Some practical examples:

These values and other MIT practices meet or exceed many standards outlined in the document you sent. We freely choose these values because they’re right, and we live by them because they support our mission – work of immense value to the prosperity, competitiveness, health and security of the United States. And of course, MIT abides by the law.

The document also includes principles with which we disagree, including those that would restrict freedom of expression and our independence as an institution. And fundamentally, the premise of the document is inconsistent with our core belief that scientific funding should be based on scientific merit alone.

In our view, America’s leadership in science and innovation depends on independent thinking and open competition for excellence. In that free marketplace of ideas, the people of MIT gladly compete with the very best, without preferences. Therefore, with respect, we cannot support the proposed approach to addressing the issues facing higher education.

As you know, MIT’s record of service to the nation is long and enduring. Eight decades ago, MIT leaders helped invent a scientific partnership between America’s research universities and the U.S. government that has delivered extraordinary benefits for the American people. We continue to believe in the power of this partnership to serve the nation.

Sincerely,
Sally Kornbluth

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