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Le coup de pied de l’éléphant à la démocratie

« Pour préserver la démocratie (américaine), il faut voter démocrate » Tel est le message – sans jeu de mots – de deux tribunes publiées simultanément dans le New York Times (We Are Republicans. There’s Only One Way to Save Our Party From Pro-Trump Extremists). et le Washington Post (I’m no Democrat – but I’m voting exclusively for Democrats to save our democracy). Une simultanéité certainement fortuite mais pas trop surprenante tant nombre de républicains semblent dégoutés de l’évolution de leur parti vers l’extrémisme et sous totale influence de Donald Trump.

Et « pour couler la république, voter républicain » pourrait-on ajouter.

Les deux tribunes ne sont pas rédigées par des inconnus qui viendraient d’inventer « l’eau chaude » mais par des républicains dont on ne peut douter de leur engagement sur les idées conservatrices.

Côté NYT, Miles Taylor a été directeur de cabinet au Department of Homeland Security. Il avait publié en 2018, alors qu’il était toujours en poste une tribune sous couvert d’anonymat Intitulée « I Am Part of the Resistance Inside the Trump Administration » et un sous-titre clairement prémonitoire : « I work for the president but like-minded colleagues and I have vowed to thwart parts of his agenda and his worst inclinations. » Un président des Etats-Unis qui organise ce que l’on peut appeler aujourd’hui « un coup d’état » n’est pas banal. Pour sa part, Christine Todd Whitman a été gouverneure républicaine du New Jersey de 1994 à 2001.

Côté Washington Post, Max Boot est un antitrumper de la première heure. En 2018, il a publié « The Corrosion of Conservatism: Why I Left the Right » qualifié  Andrew Sullivan dans le New York magazine comme un “devastating dissection of conservatism’s degeneracy in America”. Ses origines russes (il est né à Moscou) et a émigré aux Etats-Unis à l’âge de sept ans) ne sont pas étrangères à ses idées politiques.

« Rational Republicans are losing the party civil war. And the only near-term way to battle pro-Trump extremists is for all of us to team up on key races and overarching political goals with our longtime political opponents: the Democrats ». Il ne s’agit plus de « modérés contre extrémistes » mais de républicains gouvernés par la raison et non par une sorte de culte au nouveau veau d’or que constitue Donald Trump.

Ces deux tribunes sont graves et ne font pas trop dans la nuance dans la mesure où leurs auteurs considèrent que l’heure est grave, apocalyptique pourrait-on dire. Pour Miles Taylor et Christine Whitman, il s’agit de former une alliance avec les démocrates pour défendre les institutions. Une telle stratégie aurait fonctionné en 2016 puisque 7 % des républicains ayant voté pour Donald Trump en 2016 ont soutenu Joe Biden en 2020. Il s’agit donc de soutenir des candidats démocrates dans des élections difficiles. Sont-ils d’accord avec les démocrates ? Assurément non sur des sujets majeurs comme les dépenses en infrastructures, les impôts ou la sécurité nationale mais ils partagent avec eux l’idée centrale de la démocratie.

Faut-il créer un nouveau parti ? Les auteurs n’ont pas trop d’illusion sur cette possibilité car de nombreuses tentatives dans l’histoire des Etats-Unis se sont soldées par un échec patent. Le meilleur contre-exemple est sans doute la création du parti républicain dont le premier président élu issu de ses rangs est Abraham Lincoln. Mais la situation était particulièrement grave puisqu’elle a conduit à la guerre de Sécession. Réussir une telle entreprise aujourd’hui signifierait donc que l’heure est aussi grave qu’en 1860. Les Etats-Unis ne sont pas la France où la création d’un parti est assez facile et intervient régulièrement au gré des situations et des personnes. Par exemple, un ancien ministre qui vise des élections et crée un parti pour les préparer.

Max Boot est encore plus radical en affirmant : « I’m a single-issue voter. My issue is the fate of democracy in the United States. Simply put, I have no faith that we will remain a democracy if Republicans win power. Thus, although I’m not a Democrat, I will continue to vote exclusively for Democrats – as I have done in every election since 2016 – until the GOP ceases to pose an existential threat to our freedom ». On ne saura être plus clair.

Pour preuve de ces affirmations, le rapport (How the Former President and His Allies Pressured DOJ to Overturn the 2020 Election) que vient de publier la commission juridique du Sénat à propos des initiatives de Donald Trump pour faire pression sur le ministère de la Justice à l’aider à renverser le résultat des élections en sa faveur. Et quand le ministre de la Justice (nommé après la démission de Bill Barr) a indiqué qu’il ne coopérerait pas, Donald Trump a menacé de le remplacer par le numéro deux du ministère, Jeffrey Clark, plus docile à exécuter les basses œuvres. Lors de la réunion du 3 janvier dans le bureau ovale avec les principaux protagonistes, Donald Trump aurait déclaré sans ambages : « One thing we know is you, Rosen, aren’t going to do anything to overturn the election. » Devant la menace de démissions en masse, Donald Trump a reculé mais il a continué en empruntant d’autres voies comme celles de convaincre le vice-président Mike Pence à ne pas certifier le vote des grands électeurs (une procédure purement formelle) et demander à un des ses conseillers, John Eastman, de rédiger un mémo pour projeter ce qu’il convient d’appeler un coup d’état. Sans parler de l’appel à l’insurrection du 6 janvier. Bref un dossier qui s’alourdit sans cesse et qui montre chaque jour un peu plus que les Etats-Unis sont passés très près d’une crise institutionnelle majeure. Les républicains ont publié leur contre rapport (A factual summary of testimony from senior justice department officials relating to events from december 14, 2020 to january 3, 2021) dont l’objectif est seulement de blanchir leur nouveau leader maximo avec des arguments qui pourrait faire sourire s’ils n’étaient pas aussi graves. Comme son refus d’accepter le résultat des urnes qui n’aurait rien à voir avec la volonté de Donald Trump de garder le pouvoir ou encore qu’il n’a pas cherché à faire pression sur le ministère de la Justice pour que ses responsables soutiennent ses allégations de fraudes mais juste de les informer de fraudes.

Le remède à ce danger est simple : « To prevent a successful coup in 2024, it is imperative to elect Democrats at every level of government in 2021 and 2022 – to state legislatures and governorships, as well as the House and Senate. Democrats should break a Senate filibuster to pass voting rights legislation that would help ensure free elections ».

On a souvent débattu sur le sujet Donald Trump cause ou symptôme. Il est sans doute les deux mais sans le concours d’un parti républicain totalement dévoyé, ce mouvement du big lie en train de se transformer en big coup ne pourrait pas se perpétuer.

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