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La ténébreuse affaire Epstein

No accoutability ! Quoi que fasse Donald Trump, sa base et ses soutiens ne semblent pas lui en tenir rigueur. Il ne veut plus fournir des arms à l’Ukraine, pas de problèmes. Il change d’avis en décidant le contraire. Pas grave. Il veut imposer des tarriffs sur la terre entière. C’est bien. Il revient sur sa décision. OK. La liste des décisions et contre-décisions n’arrête pas de s’allonger sans pour autant faire trembler la base MAGA. Jusqu’à ce que…

Le dossier Epstein est le dossier sur lequel la base MAGA ne semble pas vouloir passer l’éponge. Il faut dire que, dès 2019, lorsque Jeffrey Epstein s’est suicidé dans sa prison, les républicains n’ont pas arrêté à actionner la boîte à conspiration en impliquant lourdement les démocrates en mettant en cause le Deep State. Sauf que maintenant, le Deep State c’est eux, les républicains MAGA. Six ans après la mort en prison du financier new-yorkais, la fameuse “Epstein List” continue d’alimenter les colères populistes, d’inspirer les réseaux de désinformation, mais surtout de mettre en lumière un fait fondamental : l’État américain n’a jamais réellement confronté ce que Jeffrey Epstein représentait. Et depuis que Pam Bondi, la ministre de la Justice a fait publier un communiqué indiquant en substance : « circulez il n’y a rien à voir » contredisant ainsi ce qu’ils ont prétendu pendant des années. À plusieurs reprises lors d’interviews pendant la campagne de 2024, Donald Trump avait annoncé qu’il publierait cette fameuse liste.

“This systematic review revealed no incriminating “client list.” There was also no credible evidence found that Epstein blackmailed prominent individuals as part of his actions. We did not uncover evidence that could predicate an investigation against uncharged third parties”. Ah, c’est curieux puisque Pam Bondi, elle-même, avait déclaré en mars dernier qu’elle avait le dossier sur son bureau.

Lorsque le Black Book[i] d’Epstein fut rendu public, il ne contenait pas seulement des noms de contact. Il révélait un réseau d’intimité entre le pédocriminel et les puissants du monde entier.

Parmi les entrées les plus connues :

Bill Clinton, ancien président, qui a volé au moins 26 fois sur le “Lolita Express”, l’avion privé d’Epstein. Il a nié toute connaissance des crimes, mais ne peut expliquer pourquoi aucun agent du Secret Service ne l’accompagnait sur plusieurs de ces vols.

Prince Andrew, duc d’York, photographié avec Virginia Giuffre, l’une des victimes présumées d’Epstein, alors mineure. Il a réglé un procès civil à l’amiable en 2022, sans reconnaître les faits.

Alan Dershowitz, avocat et professeur de droit, accusé par Giuffre de viol — ce qu’il nie fermement. Il a lui aussi été vu dans les carnets d’Epstein.

Leslie Wexner, milliardaire et ancien PDG de L Brands (Victoria’s Secret), considéré comme le principal mécène d’Epstein dans les années 1990. Sans lui, Epstein n’aurait pas existé politiquement.

Et il y a aussi des noms de personnalités très diverses comme Stephen Hawking, Lawrence Krauss, Marvin Minsky ; Les milliardaires Bill Gates, Elon Musk (qui nie toute proximité), Peter Thiel (invité de soirées). Les banquiers Leon Black (Apollo), Jes Staley (ex-JP Morgan…

Pourquoi ces noms n’ont-ils jamais été poursuivis ? Pourquoi tant de documents sont-ils encore sous scellés ? Pourquoi l’enquête fédérale semble-t-elle s’être arrêtée à Ghislaine Maxwell, condamnée à 20 ans de prison, mais sans que les clients n’aient été identifiés publiquement ?

C’est ici que le monde MAGA trouve une brèche narrative. Un gouffre, plutôt.

“Ils vous poursuivent pour un document mal classé, mais la liste des violeurs de mineures est protégée comme un secret d’État”, affirmait Donald Trump lors d’un meeting en mars 2024.

Tucker Carlson, sur sa plateforme X+, a consacré une série entière à l’affaire, affirmant que “la CIA, le MI6 et le Mossad savaient ce qu’Epstein faisait, et s’en servaient.” Il cite des documents déclassifiés montrant qu’Epstein aurait tenté de recruter des scientifiques du MIT et de Harvard pour ses propres réseaux de renseignement privé.

Quant à Elon Musk, il s’est fendu de plusieurs tweets :

“Where is the Epstein client list? We have whistleblowers on everything except this. Curious.”

En janvier 2024, plusieurs documents liés au procès de Maxwell ont été rendus publics par une cour de district à Manhattan. Des noms y figuraient : Bill Clinton à nouveau, Glenn Dubin, Jean-Luc Brunel, George Mitchell, Ehud Barak, Leon Black, entre autres. Mais ces déclassifications sont arrivées sans mise en examen, sans enquête approfondie, et surtout sans contexte. Comme si le système judiciaire reconnaissait les noms sans vouloir en assumer les conséquences.

De son côté, Donald Trump a été pris en photos avec Epstein et a pris son avionn personnel à plusieurs reprises. Le Wall Street Journal vien tout juste de publier un article faisant référence à une lettre de Donald Trump à Jeffrey Epstein qui pourrait être très compromettante. Donald Trump a réagi immédiatement en menaçant le journal s’il publiait le contenu de la lettre (Trump will sue the WSJ, directs Bondi to unseal Epstein material et essayé à nouveau de déclarer que dossier était vide (Trump rails against ‘NOTHING’ Epstein case after WSJ report). Pourquoi un dossier aussi vide pourrait susciter autant d’agitation ?

Pour la base électorale de Donald Trump, l’affaire Epstein est un point d’orgue dans un récit plus vaste : celui d’un système corrompu, autoprotecteur, où les “ennemis du peuple” — élites politiques, juges, médias, FBI — sont à la fois complices et bénéficiaires. L est vrai que pendant de nombreuses années, Donald Trump a affiché ce dossier en espérant « plomber » les dmocrates. Par un effet boomerang, ce dossier qu’il entend classer sans suite, lui revient à la figure. Et maintenant, il est difficile de mettre ça sur le compte des démocrates.

Le slogan “Where’s the list?” s’est imprimé sur des t-shirts vendus lors des rassemblements pro-Trump. Steve Bannon en parle comme d’un “moment de vérité pour la République”. Même Robert F. Kennedy Jr., candidat indépendant, a insinué que la CIA pourrait avoir utilisé Epstein comme appât de chantage.

Le Parti démocrate, lui, préfère le silence prudent. Le lien entre Clinton et Epstein reste toxique. Le financement de certaines ONG, universités ou programmes de recherche par Epstein continue de produire des embarras discrets. Les grandes rédactions — New York Times, CNN, MSNBC — ont publié sur l’affaire, certes. Mais rarement en creusant la responsabilité systémique, ou en interrogeant le rôle des agences de renseignement.

Et ce silence, dans l’arène numérique contemporaine, vaut aveu. Pour beaucoup d’Américains, le fait même qu’on n’en parle pas assez confirme qu’il y a quelque chose à cacher.

Si l’affaire Epstein fascine tant, c’est qu’elle place la démocratie américaine devant un miroir cruel : celui d’un pouvoir diffus, opaque, internationalisé, où la violence s’exerce sous couvert de philanthropie, de finance ou de diplomatie.

Une vérité trop grosse pour être dite. Trop dérangeante pour être poursuivie. Trop politiquement radioactive pour traverser le débat public sans exploser.

Et pendant ce temps, les victimes vieillissent, les preuves s’effacent, les juges temporisent, les journalistes s’autocensurent.

Il est assez curieux de constater que ce dossier (qui n’est certes pas anodin) que l’on pourrait classer dans les affaires criminelles puisse retourner la base MAGA contre son maître. Ce dernier d’ailleurs semble prêt à la sacrifier à une cause plus importante : masquer un dossier qui pourrait lui nuire.


[i] Le Black Book désigne un carnet d’adresses personnel découvert lors d’une perquisition dans sa résidence new-yorkaise dans les années 2000. Il contient plus de 1 000 noms de contacts avec leurs numéros de téléphone, adresses postales, adresses e-mail, parfois accompagnés de notes manuscrites ou d’annotations personnelles.

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