Microsoft s’était démarqué des 5 membres du club très fermé des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) en ne déléguant pas son patron à la cérémonie d’investiture de Donald Trump. On pouvait y voir la volonté d’une certaine indépendance vis-à-vis du nouveau maître de Washington là où Sundar Pichai, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg et Tim Cook étaient venus “to kiss the ring”.
En Europe, alors que beaucoup de nos politiciens et chefs d’entreprise viennent de découvrir notre dépendance numérique vis-à-vis des fournisseurs américains, la question de la souveraineté numérique est au cœur des réflexions. Le Cigref, une association qui réunit grandes entreprises et administrations publiques françaises et donne pour mission de développer leur capacité à intégrer et maîtriser le numérique a publié en février un livre blanc intitulé Géopolitique et stratégie numérique : défis et leviers d’actions pour les directions du numérique.
En avril, soucieuse de montrer sa volonté de coopération avec les entreprises européennes, Brad Smith, annonçait de nouveaux engagements numériques pour l’Europe (Microsoft annonce de nouveaux engagements numériques pour l’Europe)visant à renforcer la résilience numérique du continent. Ces engagements incluent également la promesse d’assurer la résilience numérique de l’Europe, quel que soit le contexte géopolitique et commercial, expliquait le Vice-Président du Conseil d’administration et Président de Microsoft. On ne demande qu’à y croire. Des engagements déclinés selon les cinq axes ci-dessous.

En bloquant l’adresse de messagerie électronique professionnelle du procureur en chef de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, Microsoft n’a pas seulement exécuté des sanctions américaines : elle a révélé, au grand jour, la docilité des géants technologiques face aux diktats de la Maison-Blanche – quitte à sacrifier les principes de droit international, voire leurs propres engagements envers l’Europe.
Depuis que la CPI a émis des mandats d’arrêt contre les dirigeants israéliens Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant pour les crimes commis à Gaza, l’administration Trump a réactivé sa croisade contre la justice internationale (que les États-Unis ne reconnaissent pas). Parmi les mesures prises : sanctions ciblées, menaces contre les collaborateurs américains de la CPI, et désormais, gel numérique.
C’est dans ce contexte que Microsoft a déconnecté Khan de sa boîte mail professionnelle. Et qu’importe que l’entreprise ait juré, deux semaines plus tôt, qu’elle défendrait coûte que coûte la « résilience numérique » européenne, même en période de turbulences géopolitiques. Il aura suffi d’un froncement de sourcils à Washington pour que ces nobles engagements se transforment en clause de style.
La firme se défend mollement, évoquant une décision conjointe avec la CPI. Mais la réalité est plus brute : dans la bataille entre la souveraineté des institutions internationales et la volonté punitive d’un gouvernement américain, Microsoft a choisi son camp. Celui du pouvoir, pas du droit.
Et demain ? Si un État européen comme la France reconnaît la Palestine – comme le président Macron s’y est engagé – et s’attire les foudres de Washington, verra-t-on ses institutions publiques, privées de mails, de cloud, ou de licences Office ? L’hypothèse n’a rien d’absurde. Elle montre à quel point la souveraineté numérique du continent repose sur un équilibre illusoire.