La fête du Travail doit avoir un goût amer pour nombre d’Américains, tout particulièrement les fonctionnaires fédéraux qui ont perdu leur emploi, le plus souvent dans des conditions déplorables. Le mouvement avait été lancé par la pseudo-agence DOGE qui, sous couvert de vouloir supprimer les dépenses inutiles et réduire le déficit, s’est lancé dans un assaut contre l’administration. Au début, il s’agissait d’économiser 2000 milliards de dollars, puis 1000, puis… pour arriver à un résultat qui doit se définir par l’épaisseur du trait. Un travail à la tronçonneuse façon Millei. Avec au passage, la collecte de données des citoyens américains et ceux qui ne le sont pas encore afin de pouvoir être exploitées par les services de l’immigration. Ces démissions forcées ont parfois été suivies par des réembauches de personnels dont on avait découvert qu’ils étaient indispensables au fonctionnement de l’économie et de la société américaine.
Donald Trump a remporté les élections de novembre 2024 grâce à un discours populiste qui visait les classes moyennes et le monde ouvrier. Donald Trump a constamment utilisé une rhétorique simple et percutante, promettant de défendre le « vrai peuple » contre les élites de Washington, les bureaucrates et les accords commerciaux jugés « injustes ». Il se présentait comme l’ami des ouvriers, valorisant la mine, l’acier, l’automobile, tout en dénonçant la désindustrialisation.
Donald Trump a mis en avant l’idée que le retour d’usines (via tarifs douaniers ou relocalisations) permettrait de restaurer la classe moyenne industrielle. Cette promesse répondait à une nostalgie réelle des années d’après-guerre, quand l’ouvrier américain vivait dignement grâce à un emploi manufacturier syndiqué. Pourtant, nombre d’investissements annoncés n’ont jamais vu le jour ; au contraire, les tarifs ont fait grimper les prix, entraînant des fermetures et des pertes d’emplois.
La loi Big Beautiful Bill tourne clairement le dos à cette classe moyenne en offrant des réductions aux classes les plus aisées, les 1% dont la fortune s’est envolés ses dernières années.
Aujourd’hui, e paradoxe saute aux yeux : au moment où les États-Unis célèbrent Labor Day, fête nationale dédiée à la dignité du travail, Donald Trump choisit d’accentuer ses attaques contre les syndicats et de fragiliser encore un peu plus les protections des salariés.
Donald Trump prévoit la suppression de 300 000 postes dans la fonction publique d’ici la fin de l’année, en réduisant ou effaçant des agences fédérales entières. La semaine dernière encore, un décret présidentiel a retiré les droits syndicaux aux salariés de la NASA, du Bureau des brevets, de la NOAA, du Service météorologique national ou encore du Bureau de la gestion de l’eau.
Cette réduction du nombre de fonctionnaires fédéraux, alors que la population a augmenté de manière significative, s’est accompagné d’une augmentation du recours aux prestations privées. On compte environ 3 millions d’employés civils fédéraux au sein de l’administration fin 2024 / début 2025. Le nombre de fonctionnaires fédéraux est resté quasi stable ces dernières décennies. En revanche, entre 1999 et 2020, le nombre de contractuels travaillant pour le gouvernement est passé de 2,4 millions à 5 millions. En 2011, les dépenses pour les contractuels (hors DOD + DOD) totalisaient 310 milliards $, contre 240 milliards $ pour les salaires des fonctionnaires civils.
Malgré une élite administrative fédérale stable — voire en diminution dans certains cas — le volume d’activités gouvernementales transférées à des entreprises privées a explosé. Cela représente une forme de privatisation déguisée, où des services publics sont délégués à des prestataires externes, souvent à des coûts plus élevés, avec une supervision réduite.
Face à cette offensive, plus de mille rassemblements ont été organisés à travers le pays. L’AFL-CIO, principale fédération syndicale américaine, mène la fronde aux côtés d’organisations comme Public Citizen, Indivisible, MoveOn ou encore Patriotic Millionaires.
Les revendications actuelles concernent la défense des droits syndicaux des fonctionnaires, l’opposition à la suppression du salaire minimum pour les sous-traitants fédéraux et pour 3,7 millions de travailleurs de la garde et du soin à domicile et le maintien de protections pour les salariés handicapés.
Le président ne cesse de manipuler les chiffres économiques, allant jusqu’à licencier le directeur du Bureau des statistiques du travail après la publication d’un rapport jugé trop pessimiste. Il s’approprie des succès inexistants tout en accusant ses adversaires de “communisme”.
Dans le même temps, il revendique des parts dans Intel ou dans la reprise d’U.S. Steel par Nippon, sans exiger la moindre garantie sur les salaires ou l’emploi. Sa défense acharnée de la “manufacture américaine” masque mal l’abandon d’autres secteurs cruciaux : enseignants, soignants, travailleurs de la culture.
Les raids de l’ICE ciblent les sites de travail informel – parkings de Home Depot, fermes, ateliers – où les migrants sont arrêtés et expulsés. Mais les employeurs qui les embauchent, eux, restent intouchables. Une démonstration de force qui pèse sur les plus vulnérables et illustre une politique de division raciale et sociale.
Cette année, la fête du Travail ne célèbre plus seulement l’héritage des luttes ouvrières : elle devient le symbole d’une Amérique fracturée. D’un côté, un président qui prétend incarner le sauveur de l’ouvrier, mais démantèle ses droits. De l’autre, des syndicats et des citoyens mobilisés pour rappeler que l’économie ne peut pas fonctionner sans justice sociale ni démocratie sans protection du travail.