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Faut-il être raisonnable ?

Le bouffon est un personnage comique, dont la profession était de faire rire les gens. Les plus connus sont les fous des rois et les fous des seigneurs. On peut citer Triboulet, fou du roi François Ier. Il y a aussi des femmes « fous » ou « folles », par exemple Cathelot, folle de Catherine de Médicis. Les fous font rire. Ils divertissent, et utilisent l’insolence. Sydney Powell en serait-elle une version moderne de Donald Trump ? Si elle partage avec eux la dimension du grotesque et de l’hilarité, elle s’en distingue par sa mission de perpétuer un mensonge éhonté avec comme objectif de changer le cours des élections. En utilisant des arguments sortant totalement du champ de la raison.

Petit retour en arrière. Peu après les élections et la victoire de Joe Biden, Rudy Giuliani et une cohorte d’avocats (véreux ?) se sont lancés dans une croisade peu ordinaire. En prétendant que les élections américaines de 2020 avaient été « tout aussi truquées » que les élections des pays du tiers-monde. Sydney Powell avait parlé de « conspiration nationale » et affirmé lors d’une conférence de presse mémorable tenue à Washington que les machines électroniques de vote de la société avaient été l’objet de fraudes massives menées par la CIA, Cuba, Hugo Chavez et Venezuela, Bernie Sanders et même par le gouverneur de Géorgie Brian Kemp, républicain et soutien de Donald Trump. Celui-là même à qui Donald Trump avait demandé de lui trouver quelques milliers de voix pour changer le cours des élections de la Géorgie et lui donner ainsi les Grands électeurs de l’Etat. Des accusations fantaisistes pour lesquelles elle n’a apporté aucune preuve. Le service de la Maison-Blanche et Rudy Giuliani se sont désolidarisés de Sidney Powell – c’est dire, un peu comme si la famille Genovese déclarait que la famille Gambino n’était pas recommandable – mais le mal était fait et le message était passé dans l’esprit des supporters de l’ex-président.

Hear ex-Trump lawyer’s stunning defense

Ex-Trump Lawyer Admits Big Lie Was Lie | All In | MSNBC

François Ier et Triboulet (1907) The King and the Jester (Méliès)

 

Mais cela n’empêchait par Donald Trump lui-même de maintenir le « Big Lie » et de continuer à affirmer qu’il avait gagné les élections. Résultat : une proportion encore importante (entre 50 et 70 % des républicains) pense toujours que Joe Biden a perdu les élections et qu’il n’est donc pas légitime.

La société Dominion a engagé des poursuites judiciaires et déposé une action en diffamation de 1,3 milliard de dollars contre Sidney Powell. Elle a engagé des poursuites séparément contre Rudy Giuliani pour un montant équivalent.

Cette semaine, l’avocat de Sidney Powell a publié une demande de rejet (defendants’motion to dismiss) et l’on doit se pincer pour être certain qu’on arrive bien à lire. Il avance la théorie selon laquelle les déclarations de sa cliente étaient des « déclarations de faits » et que les « personnes raisonnables comprennent le langage de l’arène politique qui est, comme celui utilisé dans des conflits professionnels, souvent vitupérant, abusif et inexact. C’est un principe reconnu que les déclarations politiques ont tendance à être exagérées ».

Le seul problème est qu’une partie importante des 74 millions des électeurs continue à croire. En clair, si vous êtes raisonnable, vous n’avez pas cru dans les déclarations de Sydney Powell et donc ils n’ont pas d’importance. Etonnant comme raisonnement. D’ailleurs, on pourrait l’appliquer à Donald Trump dont les déclarations pendant ces cinq années de campagne et de présidence ont dépassé l’entendement, la raison, les normes usuelles et ont défié la décence et la dignité. Mais ce n’est pas grave pourrait ainsi objecter ses défenseurs, car si vous êtes raisonnable, vous ne l’avez pas cru. C’est là un dévoiement et un détournement du « free speech ».

La psychiatre, Bandy Lee, psychiatre et professeur de médecine à l’Université de Yale depuis 17 ans a engagé une poursuite judiciaire contre son université pour avoir été licenciée en janvier 2020 pour avoir contrevenu à la fameuse règle Goldwater.

La règle Goldwater est le nom informel donné à la section 7.3 du code de déontologie de l’Association américaine de psychiatrie (à laquelle Bandy Lee ne fait plus partie depuis 2007). Elle stipule qu’il est contraire à l’éthique, pour les psychiatres, de donner un avis professionnel sur des personnalités qu’ils n’ont pas examinées en personne et dont ils n’ont pas obtenu le consentement pour évoquer leur santé mentale dans des déclarations publiques. Le nom fait référence à Barry Goldwater, candidat à la présidence américaine en 1964.

Reel America Preview: Goldwater’s 1964 Acceptance Speech

President Reagan’s Interview on Barry Goldwater on March 28, 1984

La question s’est posée en 1964, lorsque le magazine Fact a publié l’article « The Unconscious of a Conservative: A Special Issue on the Mind of Barry Goldwater » Le magazine a interrogé des psychiatres américains, pour savoir si le sénateur Barry Goldwater était apte à être président. En réaction, Barry Goldwater avait intenté une poursuite en diffamation en réponse à l’article, et avait reçu 75 000 $ de dommages-intérêts, aux termes de l’arrêt « Goldwater v. Ginzburg ».

La différence avec Donald Trump est qu’il a été président contrairement à Barry Goldwater, écrasé par Lyndon Johnson en 1964 (61 % des voix populaires et 90 % des voix des grands électeurs). Bandy Lee a organisé une conférence à son université réunissant nombre d’éminents psychiatres et qui donna matière au livre The Dangerous Case of Donald Trump: 27 Psychiatrists and Mental Health Experts Assess a President.”. L’université de Yale à l’époque n’avait rien trouvé à redire et avait même prêté un auditorium pour cette conférence.

Cette poursuite judiciaire est fondée sur cinq motifs parmi lesquels une rupture de contrat sans motif réel ni sérieux (en langage français). « We hope that the trustees and academic leaders at Yale cease their attack, acknowledge their error and embrace the fundamental principle of American democracy which depends on rational and reasoned debate, not dogma like the Goldwater Rule », écrit David Cay Johnson, éditeur de D.C. Report, média auquel collaborait Bandy Lee, dans un article en forme de soutien (We Stand With Our Writer).

D’ailleurs, y a-t-il besoin de beaucoup de raison pour déterminer de l’état mental de l’ancien président ? la période entre les élections du 3 novembre et l’investiture de Joe Biden, incluant l’attaque contre le capitole, n’avait-il pas montré la dangerosité de cette très grande instabilité ?

Quelques publications de Bandy Lee

Mental Health and the Presidency with Dr. Bandy X. Lee | Bob Herbert’s Op-Ed.TV

Psychiatrist On ‘The Essential Emptiness Of President Donald Trump’ | The Last Word | MSNBC

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