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Du Liberation Day à l’Annulation Day

Depuis le 2 avril, jour du Liberation Day, Donald Trump annonce des droits de douane sur les échanges commerciaux, puis les abaisse, les retire, les remet sans aucune stratégie apparente. Depuis, les indices boursiers (Dow Jones, S&P, Nasdaq) n’ont pas arrêté de faire du yoyo. Afin de détourner la Constitution qui indique clairement qu’une telle décision revient au Congrès, Donald Trump a fait appel à l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) de 1977. Saisi par une douzaine d’Etats et des entreprises, Cour fédérale du commerce international des États-Unis a annulé la majorité des tarifs douaniers imposés par Donald Trump le 28 mai 2025. Pour employer le vocabulaire du président, la cour a dit à propos des tariffs : “STOP Donald”.

La décision du tribunal résulte de deux plaintes majeures : l’une de 12 États dirigés par des gouverneurs démocrates, menée par l’Oregon, et l’autre d’un groupe de petites entreprises américaines. Ces plaignants dénonçaient une « prise de pouvoir illégale » ayant provoqué des pertes financières considérables. Ils affirmaient que le commerce déficitaire, invoqué par Trump comme une urgence, est un phénomène structurel de long terme, non assimilable à une urgence nationale. Bien entendu, l’administration Trump a fait appel.

Ce revers juridique significatif met à mal l’un des piliers de la politique économique de Trump, à savoir l’utilisation de tarifs douaniers unilatéraux comme levier de négociation commerciale internationale. Cette décision a été prise par un trio de juges d’horizons très différents : l’un nommé par Ronald Reagan, le second par Barack Obama et le troisième par Donald Trump lui-même.

Au moment où ces lignes sont écrites, Donald Trump n’a pas réagi directement, mais a publié deux posts plus généraux expliquant :

1. Donald Trump a été missionné par Dieu et rien ne peut l’arrêter

2. Donald Trump a toujours raison.

Décidément, le président des États-Unis s’est trompé de siècle et de pays.

Donald Trump avait invoqué la loi IEEPA, historiquement destinée à réguler les embargos et sanctions économiques, pour imposer des droits de douane allant jusqu’à 50 % sur plus de 60 pays, notamment la Chine, le Canada et le Mexique. Il justifiait cette démarche par l’existence d’urgences nationales, comme le déficit commercial persistant ou la crise du fentanyl. Cette loi n’a jamais été utilisée auparavant pour justifier des taxes douanières aussi généralisées.

Le tribunal a jugé que le président avait outrepassé l’autorité que lui confère l’IEEPA, qui ne permet pas, selon les juges, d’imposer des tarifs sans bornes ni sans procédure démocratique. Il a déclaré que ces tarifs ne répondaient pas aux exigences légales d’une « menace inhabituelle et extraordinaire », comme le stipule la loi.

Cette décision annule des droits de douane ayant eu un impact direct sur de nombreuses entreprises et gouvernements étrangers. Les juges ont ordonné leur suspension immédiate sous 10 jours, sauf si une cour supérieure suspend ou annule ce jugement. L’administration Trump a immédiatement fait appel, promettant de se battre pour maintenir sa politique tarifaire.

Certaines taxes, notamment celles sur l’acier, l’aluminium ou les automobiles imposées sous d’autres fondements juridiques (comme la section 232 du Trade Expansion Act), ne sont pas concernées par cette décision.

Ce jugement intervient alors que le président Trump cherche à conclure de nouveaux accords commerciaux avec 18 pays, dont la Chine, l’Inde, l’Union européenne et le Japon. Ses négociateurs ont prévenu que la perte du levier que constituent ces tarifs pourrait compromettre ces discussions.

L’annonce de la décision judiciaire a provoqué une hausse immédiate des marchés, notamment une montée de 1,4 % des contrats à terme sur l’indice S&P 500.  

Sans surprise, le porte-parole Kush Desai a vigoureusement dénoncé la décision, accusant les juges de s’ingérer dans la politique économique et la sécurité nationale. Selon lui, le déficit commercial et le déséquilibre des relations internationales constituent bien une urgence nationale légitime.

D’autres défenseurs de Donald Trump affirment que même si la voie de l’IEEPA est bloquée, l’administration pourrait utiliser des bases légales alternatives plus traditionnelles, bien qu’elles soient plus lentes à activer, car elles exigent des rapports, des consultations publiques et des critères plus stricts. Par exemple, la section 122 du Trade Act de 1974 permet au président d’imposer des droits de douane limités à 15 % et pour une durée de 150 jours maximum. Le problème est que ce type d’approche ne correspond pas au tempérament impulsif du président qui un jour impose des droits de douane et le lendemain les supprime.

La Cour a rappelé que la Constitution américaine confère au Congrès seul le pouvoir de réguler le commerce international, y compris la mise en place de droits de douane. L’interprétation expansive de la loi IEEPA par Trump revient, selon les juges, à contourner ce principe fondamental de séparation des pouvoirs.

La juge Jane Restani, nommée par Reagan, a résumé l’argument juridique en déclarant que, peu importe la stratégie diplomatique envisagée, celle-ci doit respecter le cadre légal. Les juges ont également rejeté l’idée que les décisions du président en matière commerciale soient des « questions politiques » non susceptibles de contrôle judiciaire.

Si la décision est confirmée en appel, elle entravera durablement la capacité du président à utiliser l’IEEPA pour imposer de nouveaux tarifs généralisés. Trump pourrait tenter d’utiliser d’autres lois, mais leur portée est bien plus limitée.

Ce jugement relance également le débat politique sur la nécessité de réaffirmer l’autorité du Congrès en matière de commerce extérieur. Plusieurs élus ont déjà proposé des réformes législatives pour encadrer plus strictement les pouvoirs du président en la matière.

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