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CBS obeys in advance

Obeying in advance by Timothy Snyder

Media billionaires ask for tyranny

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Le retrait de l’antenne d’un reportage qui mettait en cause les pratiques de l’administration Trump est l’exemple type des médias qui s’autocensure sous la pression politique directe ou indirecte. Don’t obey in advance est la première des ”20 Lessons from the 20th Century”. C’est ce qui vient de se passer avec l’émission de 60 minutes de la chaîne CBS, propriété de Paramount-Skydance.

CBS News a retiré à la dernière minute un reportage de l’émission phare 60 Minutes consacré aux explulsions de migrants vénézuéliens par l’administration Trump vers la prison de haute sécurité CECOT au Salvador, un établissement dénoncé par des ONG pour des pratiques de torture et de mauvais traitements.

Le reportage, intitulé Inside CECOT, avait été entièrement produit, vérifié, validé par les équipes éditoriales, juridiques et de conformité de CBS, et faisait l’objet d’une promotion active avant sa diffusion prévue le dimanche soir. Il reposait notamment sur des témoignages d’anciens détenus décrivant des violences systématiques, corroborés par des éléments visuels et par des rapports d’organisations de défense des droits humains.

La décision de retirer le segment a été prise par Bari Weiss, récemment nommée rédactrice en chef de CBS News, qui a estimé que le sujet n’était « pas prêt », notamment en raison de l’absence d’interview filmée d’un représentant de l’administration Trump. Les journalistes affirment pourtant avoir sollicité à plusieurs reprises la Maison-Blanche, le Department of Homeland Security et le Département d’État, sans obtenir de réponse.

La correspondante de 60 Minutes, Sharyn Alfonsi, a dénoncé en interne une décision qu’elle qualifie de politique et non éditoriale, soulignant que le refus du gouvernement de s’exprimer ne peut constituer un droit de veto sur une enquête journalistique. Elle a mis en garde contre le risque de donner au pouvoir exécutif un « bouton d’arrêt » sur les enquêtes dérangeantes et a rappelé que des précédents historiques similaires avaient durablement entaché la crédibilité de l’émission.

L’affaire a provoqué de fortes tensions internes à CBS News. La productrice exécutive de 60 Minutes, Tanya Simon, a reconnu avoir défendu le reportage mais avoir dû se conformer à la décision finale de la direction éditoriale. Plusieurs journalistes et figures historiques de l’émission ont publiquement exprimé leur soutien à l’équipe du reportage.

Parallèlement, le segment a brièvement été diffusé au Canada, puis a circulé de manière non officielle aux États-Unis, suscitant une large attention médiatique. Des analystes ont relevé que le reportage remettait en cause l’argument central de l’administration Trump selon lequel les migrants envoyés à CECOT seraient majoritairement des « terroristes ».

Le contexte industriel et politique est également mis en avant : Bari Weiss a été nommée après le rachat de son média Free Press par Paramount Skydance, contrôlé par David Ellison, dont le groupe cherche l’appui de l’administration Trump pour des opérations majeures de consolidation dans le secteur des médias. CBS avait par ailleurs conclu quelques mois plus tôt un accord transactionnel de 16 millions de dollars avec Donald Trump à la suite d’un litige lié à 60 Minutes.

Des universitaires, observateurs des médias et responsables politiques ont qualifié cet épisode de censure éditoriale, estimant qu’il porte atteinte à l’indépendance historique de CBS News et de 60 Minutes, longtemps considérée comme une référence du journalisme d’investigation américain. CBS affirme de son côté que le reportage sera diffusé ultérieurement après des compléments de reporting.

Lancée en 1968 sur la chaîne CBS, 60 Minutes est l’une des émissions de journalisme télévisé les plus influentes de l’histoire américaine. Créée par Don Hewitt, elle rompt avec le format classique du journal télévisé en proposant des reportages d’investigation approfondis, découpés en segments, mêlant enquêtes, portraits et interviews longues. Le ton est volontairement incisif, parfois confrontant, incarné par des journalistes devenus emblématiques : Mike Wallace, Morley Safer, Ed Bradley, Dan Rather, Lesley Stahl, Steve Kroft, puis plus récemment Anderson Cooper ou Scott Pelley.

60 minutes serait une sorte de Cinq Colonnes à la Une américain qui dure depuis 1968.

Épisodes et enquêtes fameuses
– Le Vietnam – The Burning of Cam Ne (1969)
Reportage de Morley Safer montrant des soldats américains incendiant un village vietnamien. Il choque l’opinion publique et contribue à retourner une partie du pays contre la guerre du Vietnam.
– L’affaire Tobacco (1995–1996)
Enquête majeure sur l’industrie du tabac révélant que les dirigeants savaient la nocivité et l’addiction de la nicotine. L’émission affronte alors des pressions juridiques massives ; l’affaire inspirera le film The Insider (Michael Mann).
– Enron (2001–2002)
Investigation sur l’effondrement du géant de l’énergie, révélant manipulations comptables et collusion politico-financière.
– Abu Ghraib et les prisons irakiennes (2004)
Reportages sur les tortures infligées par l’armée américaine à des prisonniers irakiens. 60 Minutes participe à l’explosion médiatique du scandale.
– La NSA et surveillance (années 2010)
Plusieurs enquêtes sur la surveillance de masse, les dérives sécuritaires post-11 septembre et les technologies de renseignement.
– Les interviews de présidents américains Richard Nixon, Ronald Reagan, Barack Obama, Donald Trump (notamment l’interview tendue de 2020 avec Lesley Stahl).

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