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Cancel culture : Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout !

Cancel culture : On la disait cantonnée aux campus des universités américaines, il semblerait qu’elle ait traversé l’Atlantique et fasse désormais partie du débat français où elle est toujours présentée avec la terminologie américaine. Comme si l’on voulait marquer le fait qu’elle est une importation d’Outre-Atlantique et qu’elle nous a été transmise alors même que nous n’avions rien demandé. L’appellation américaine lui donne sans doute un côté un peu opaque alors que sa traduction française, culture de l’efficacement, de l’anéantissement, de l’ostracisation, encore plus simplement censure, lui enlève un peu de son mystère et donc de son intérêt (médiatique ?).

Il faut dire que certains événements intervenus là-bas attirent l’attention. Par exemple, la décision du maire de Chicago Lori Lightfoot – première femme noire lesbienne à être élue à cette fonction – d’organiser des interviews individuelles à l’occasion des deux ans de sa mandature exclusivement réservée aux journalistes de couleur, « effaçant » ainsi les journalistes blancs. Dans une interview sur CNN, la journaliste Lynn Sweet, Washington Bureau Chief du Chicago Sun Times ne voit là rien d’anormal et considère que la maire de Chicago essaie juste de faire bouger les choses.

Pour sa part, Le Chicago Tribune a refusé d’y participer. Charles Whitaker, doyen de l’école de journalisme de la Northwestern University, partage les motivations mais regrette la décision. « I don’t necessarily know that it is the best way, » explique-t-il dans une interview au Chicago Tribune. « We would never, ever in a million years allow that of a white politician. And so it’s dangerous now to say we are going to allow that of a Black politician simply to make a point about the historic inequities in media. »

C’est le sens de la lettre ouverte (A Letter on Justice and Open Debate) publiée l’année dernière par le magazine Harper signée par une centaine de personnalités aussi différentes que Noam Chomsky, Salman Rushdie, J.K. Rowling, David Brooks, Mark Lila, David Frum : « As we applaud the first development (Powerful protests for racial and social justice are leading to overdue demands for police reform, along with wider calls for greater equality and inclusion across our society), we also we also raise our voices against the second (ut this needed reckoning has also intensified a new set of moral attitudes and political commitments that tend to weaken our norms of open debate and toleration of differences in favor of ideological conformity) ». Les signataires de cette lettre déplorent les conséquences d’un tel mouvement : « Editors are fired for running controversial pieces; books are withdrawn for alleged inauthenticity; journalists are barred from writing on certain topics; professors are investigated for quoting works of literature in class; a researcher is fired for circulating a peer-reviewed academic study; and the heads of organizations are ousted for what are sometimes just clumsy mistakes ».

Extrait de la lettre de la maire de Chicago Lori Lightfoot aux médias pour justifier sa décision
« I have been struck since my first day on the campaign trail back in 2018 by the overwhelming whiteness and maleness of Chicago media outlets, editorial boards, the political press corps, and yes, the City Hall press corps specifically (…) I find this unacceptable and I hope you do too. »

Le mot cancel fait référence à une expression signifiant « rompre avec quelqu’un » (breaking up with someone) rappelle le Pew Research Center qui vient de publier les résultats d’une enquête sur ce phénomène de société qui semble s’installer dans la durée et dans l’intensité (Americans and ‘Cancel Culture’: Where Some See Calls for Accountability, Others See Censorship, Punishment). Le terme dont la première référence peut être trouvée dans une chanson de Nile Rodgers intitulé : « Your Love Is Cancelled » tiré de l’album Chic. L’expression a ensuite été reprise dans les médias, par le cinéma et plus récemment par les réseaux sociaux. Pour les uns, elle fait référence à la responsabilité, pour les autres elle est le signe de la censure.

Dans une enquête réalisée en septembre dernier auprès de plus dix-mille adultes, moins d’un Américain sur deux avaient entendu cette expression avec laquelle ils avaient une certaine familiarité. Le facteur le plus discriminant dans la connaissance de l’expression est l’âge – ce qui ne surprendra pas trop dans la mesure où peut corréler avec l’usage des réseaux sociaux – 64 % des moins de 30 ans en ont entendu parler contre seulement 34 % pour les plus de 50 ans.

Autre facteur discriminant, le niveau d’éducation : 31 % des diplômés du secondaire déclarent en avoir une certaine idée contre 56 % chez les diplômés du supérieur. En revanche, le sexe et l’affiliation partisane sont moins discriminant. Ce dernier point est peut-être plus surprenant. Mais c’est sur sa signification que les divergences sont beaucoup plus importantes. Alors que les démocrates mettent l’accent les actions à mener pour tenir les autres responsables, les républicains considèrent reprendre plutôt l’idée de censure (mais pour une proportion relativement modeste de 26 % des personnes interrogées.

Le principal enseignement de cette enquête est l’extraordinaire diversité des opinions et des appréciations sur cette idée de cancel culture qui semblerait donc montrer qu’il s’agit là d’un concept valise ou d’une auberge espagnole à idées dans laquelle chacun peut apporter ce qu’il souhaite. Pour Laure Murat, professeur de littérature à UCLA, la cancel culture n’existe pas. Xavier Gorce, dessinateur de presse, et auteur de l’essai Raison et dérision dans la collection Tracts de Gallimard pointe sur les dangers de la cancel culture, ce qui signifierait donc qu’elle existe bien. Quant à Philippe Labro, il va encore plus loin en déclarant sans détour qu’il rejette la cancel culture.

Tout ceci n’est pas vraiment pour éclaircir le débat ni le faire avancer. Mais il est probable que les choses vont se décanter. En espérant qu’en attendant, il ne fasse pas trop de victimes collatérales.  

Culture : faut-il en effacer une partie ? – 28 Minutes – ARTE

Michel Wieviorka – “Sciences sociales, islamogauchisme et cancel culture”

Barack Obama takes on ‘woke’ call-out culture: ‘That’s not activism’

New Rule: Cancel Culture is Over Party | Real Time with Bill Maher (HBO)

Xavier Gorce – Les dangers de la « cancel culture » – C à Vous

À l’air libre (14) « La «Cancel culture», ça n’existe pas »

Philippe Labro: «Je rejette totalement la cancel culture»

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