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Le woke est dans la saucisse

La guerre culturelle bat son plein. Pour le monde MAGA, tout est désormais prétexte à attaquer l’autre camp. Exemple : le changement de logo de la société Cracker Barrel.

Seigneur, que votre miséricorde nous préserve : il faut parler de Cracker Barrel.

Un restaurant. Un logo. Un changement de peinture sur les murs. Et voici l’Amérique MAGA qui s’effondre en convulsions comme si Dieu avait décrété la fin du bacon.

Les ultras de droite voient dans ce lifting corporate la preuve d’un complot cosmique : “Woke executives killed it,” hurle Sean Davis, avant de décrire Cracker Barrel comme un cadavre enrubanné de drapeaux arc-en-ciel, gigotant tel un pantin new-yorkais. Shakespeare revisité par un vendeur de pancakes trop gras. Quant à Chris Rufo, prophète auto-proclamé de la croisade anti-woke, il exhorte ses troupes à “briser le Barrel”, comme si le salut de la nation reposait sur la chaise à bascule d’un restaurant d’autoroute.

https://twitter.com/DonaldJTrumpJr/status/1958279379408372204

Tout ça n’est qu’un e croisade d’opérette, bouffonne de surcroit. Ces guerriers de la nostalgie s’imaginent en croisés au champ d’honneur, mais ils ne défendent que des saucisses et un logo de pacotille. Après tout, Cracker Barrel avait déjà été “assassiné” une première fois en 2022, pour le crime d’avoir osé servir des saucisses végétales – hérésie nutritionnelle ! – puis excommunié une deuxième fois en 2023 pour avoir posté un rocking-chair aux couleurs de l’arc-en-ciel. Et pourtant, malgré ces funérailles multiples, l’enseigne survit, tel un zombie corporate avançant au ralenti, ivre de sirop d’érable.

https://twitter.com/realchrisrufo/status/1958629455125258479

La réalité ? Cracker Barrel ne meurt pas de wokisme mais d’obsolescence. Le concept de “campagne éternelle” mis en scène en 1969 est devenu un musée sans visiteurs. Qui, en 2025, veut encore manger dans le décor d’un General Store des années 1930 ? Personne, sauf ceux qui regrettent surtout leur propre jeunesse – et qui confondent leur ventre vide avec une guerre culturelle.

Les milléniaux et la Gen Z ne veulent pas la nostalgie de l’Amérique poussiéreuse de Chuck Grassley, mais celle de leur enfance : les buffets Pizza Hut à volonté, le Taco Bell fluorescent, les gobelets plastiques bleu turquoise des années 90. Le capitalisme s’est adapté. Cracker Barrel, lui, est resté coincé dans son grenier à potiches, attendant que l’Histoire l’achève.

Mais le camp MAGA, incapable d’accepter que les choses meurent comme elles ont vécu, s’accroche au moindre signe de changement comme à une apocalypse. Le logo devient drapeau. La chaise devient croix. Le menu devient champ de bataille. Et Trump, leur messie fast-food, leur a appris une règle simple : pourquoi laisser mourir doucement ce qui agonise, quand on peut faire semblant d’y voir un meurtre rituel ?

Cracker Barrel n’est pas seulement une enseigne sur le déclin : c’est l’allégorie du trumpisme. Un baril fissuré, vidé de substance, qu’on continue de cogner pour faire résonner le bruit creux du ressentiment. L’illusion d’une Amérique éternelle, réduite à un logo, à une saucisse et à une hystérie pathétique.

Et voilà l’épopée qu’on nous vend : la grande croisade de la droite trumpiste n’est pas Thermopyles, ce n’est pas Verdun, c’est un drame shakespearien joué sur un parking d’autoroute, entre deux omelettes tièdes.

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